L’expo 2030 en Arabie saoudite, des enjeux capitaux pour le pays

Lors de mon dernier voyage à Riyad, en avril, certains officiels et professionnels du tourisme m’ont glissé, à demi-mot, que l’Arabie saoudite avait déposé une candidature afin d’organiser l’exposition universelle 2030. Cette information, compte tenu des ambitions du pays, notamment en termes d’attractivité, ne m’a pas beaucoup surpris.

En revanche, j’ai découvert à cette occasion que le Bureau international des expositions, vénérable institution créée en 1928, était situé à Paris et qu’il était en charge de désigner les pays organisateurs de ces événements mondiaux. C’est à ce titre qu’une très importante délégation saoudienne est actuellement en déplacement en France: afin de défendre son dossier de candidature. C’est donc à Paris que tout va se jouer.

Cette exposition, pour le Royaume, n’est pas qu’un outil de communication, loin de là. Contrairement aux expos précédentes, qui concernaient des pays déjà très ouverts, pour qui l’exposition universelle était un événement comme un autre, une éventuelle organisation de l’expo 2030 en Arabie saoudite revêt un véritable enjeu de développement.

D’abord, et c’est le plus évident, parce que l’Arabie saoudite est engagée dans une politique d’attractivité mondiale, et cela passe d’abord par le tourisme. En France, on sait parfaitement de quoi il s’agit puisque notre pays est très engagé dans ce domaine à travers l’Agence française pour le développement d’AlUla, qui assiste la Commission royale en charge de ce site afin d’en faire une destination à hauteur de l’extraordinaire potentiel de cette région. Au-delà de cet exemple, c’est tout le territoire qui tend à se transformer, avec des investissements annoncés de plusieurs centaines de milliards de dollars (1 dollar = 0,91 euro) en vue d’accueillir plus de 100 millions de visiteurs annuels en 2030.

On comprend désormais beaucoup mieux que l’organisation de l’expo 2030 pourrait permettre d’atteindre ce chiffre hautement symbolique et de faire basculer le pays dans une nouvelle ère.

L’autre enjeu est cette fois plus structurel. L’Arabie saoudite s’est lancée dans une série hors norme de projets d’équipements et de transformation du pays. Au-delà des cinq gigaprojets, on parle aussi de centaines de projets certes moins importants, mais tout aussi vitaux. On peut citer le métro de Riyad, le parc du roi Salmane, poumon vert au centre de la capitale, et tant d’autres que l’on peine à les détailler de façon exhaustive.

Lors de la conférence Vision Golfe organisée par Business France au ministère français de l’Économie et des Finances les 13 et 14 juin, j’ai eu le plaisir d’animer une table ronde sur le sujet des mégaprojets. L’un des enjeux essentiels est celui des financements. À ce titre, d’autres pays du Golfe, comme les Émirats arabes unis ou le Qatar, se sont servis d’événements mondiaux pour donner un coup d’accélérateur à de nombreux projets structurants. Comme l’Arabie saoudite vise, on l’imagine, à créer un événement à la hauteur de ses ambitions, on peut légitimement penser que les efforts nécessaires à leur achèvement seront faits afin qu’elle soit prête pour l’expo.

Le dernier enjeu de cette potentielle exposition universelle 2030 porte sur la massification relative du tourisme dans le Royaume. Jusqu’à présent, les ambitions affichées portent sur le tourisme de très haut de gamme, avec notamment le Red Sea Project ou Diriyah. L’Arabie saoudite, si elle veut une Expo 2030 réussie, va devoir diversifier son offre d’accueil et s’adresser à des touristes qui appartiennent aux classes moyennes. Cette ambition va nécessiter également un investissement important en termes de capital humain afin de former des centaines de milliers de Saoudiens dans des secteurs très variés: transports, services, accueil… Cet effort est actuellement mené et, au vu des annonces effectuées par les pouvoirs publics, va encore s’amplifier d’ici à 2030.

Une exposition universelle 2030 en Arabie saoudite porterait des enjeux bien différents des précédentes. Certes, il y a le classique enjeu d’image pour le pays organisateur, mais, en l’occurrence, ce qui va se jouer à Paris à la fin du mois de juin va bien au-delà d’un événement touristique mondial: il s’agit d’une étape décisive de la transformation dans laquelle le pays s’est engagé.

Arnaud Lacheret est docteur en sciences politiques, Associate Professor à Skema Business School et professeur à la French Arabian Business School. 

Twitter: @LacheretArnaud

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.