Mohammed ben Salmane à Paris

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Publié le Samedi 17 juin 2023

Mohammed ben Salmane à Paris

Mohammed ben Salmane à Paris
  • Mohammed ben Salmane parachève le processus de légitimation qui fait de lui un acteur qui compte dans la vie internationale
  • Dans l'actualité régionale immédiate, le sujet qui retient l'attention à Paris, c'est l'élection d'un président pour le Liban

La venue du prince héritier saoudien à Paris, où il s'installe pour plusieurs jours, est un événement important. Mohammed ben Salmane parachève ainsi le processus de légitimation qui fait de lui un acteur qui compte dans la vie internationale. L'occasion de ce déplacement lui est fournie par les circonstances de l'agenda diplomatique. En effet, la semaine prochaine verra successivement la réunion à Paris, lundi, du comité chargé de recueillir les candidatures pour l'exposition universelle de 2030, et la tenue, jeudi et vendredi, du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, organisé par le président français.

Selon Riyad, le prince, qui vient pour participer personnellement à ses deux réunions, compte multiplier les contacts avec les représentants des pays qui y seront présents. Il est accompagné de la plupart de ses ministres. C'est donc bien une opération majeure et inédite de communication politique pour l'Arabie saoudite. Avec deux priorités.

Tout d'abord, Mohammed ben Salmane veut mobiliser tous ses réseaux pour promouvoir la candidature de l'Arabie saoudite à l'organisation de l'exposition universelle de 2030, à laquelle il tient absolument. En lien avec son programme de modernisation économique Vision 2030, ce serait une occasion unique pour la monarchie saoudienne de marquer devant tous les médias du monde la transformation réussie, espère-t-on, de l'Arabie saoudite en un acteur mondial de premier rang. C'est la priorité de la diplomatie saoudienne dans cette visite parisienne.

 

Ce Sommet pour un nouveau pacte financier mondial est à la fois un enjeu décisif pour la transition écologique et un pari pour le moins difficile.

Hervé de Charette

Pour autant, le prince héritier ne néglige pas la proposition française d'un pacte financier mondial. L'idée en est venue lors de la dernière COP, qui s’est tenue en Égypte, à Charm-el-Cheikh, au cours de l'automne dernier, où l'on a vu que le principal obstacle à l'engagement de beaucoup de pays pour la transition écologique et la préservation de la biodiversité venait du coût de cette politique pour les pays pauvres ou émergents et de l'insuffisance des promesses de financement faites par les pays riches.

Ce Sommet pour un nouveau pacte financier mondial vise à résoudre cette équation. C'est à la fois un enjeu décisif pour la transition écologique et un pari pour le moins difficile. L'Arabie saoudite, qui dispose d'importants moyens financiers, ne peut pas s'en tenir à l'écart, d'autant plus que la prochaine COP se tiendra à Dubaï l'automne prochain chez son voisin d'Abu Dhabi Mohammed ben Zayed.

C'est donc une semaine importante pour l'Arabie saoudite, qui commencera par un déjeuner de travail ce vendredi à l’Élysée à l'invitation d'Emmanuel Macron. Les deux hommes se connaissent bien désormais. Le Français s’engagera sûrement à aider son invité saoudien pour atteindre les objectifs cités ci-dessus.

Un partenaire important au Moyen-Orient

Pour la France, l’Arabie saoudite est un partenaire important au Moyen-Orient. Dans l'actualité régionale immédiate, le sujet qui retient l'attention à Paris, c'est l'élection d'un président pour le Liban, poste vacant depuis que le mandat de Michel Aoun s'est achevé, il y a sept mois. Dans les dernières semaines, des tractations ont fait évoluer la situation. Un duel s'est dessiné entre deux chrétiens: l'un, Sleiman Frangié, pro-Hezbollah, ami d'enfance de Bachar al-Assad et initialement soutenu par la France; l’autre, Jihad Azour, ancien ministre des Finances et fonctionnaire du FMI, soutenu par le patriarche maronite, Bechara Boutros Rahi, et une bonne partie de la communauté chrétienne – laquelle, pour la première fois depuis longtemps, paraissait se rassembler.

Mais au Parlement, Azour, certes arrivé en tête, n'a pas obtenu la majorité requise et le Hezbollah a fait savoir qu'il s'opposerait à cette candidature qu'il jugeait «de confrontation». Autant dire que, pour le moment, l'horizon est bouché. Les deux chefs d'État devront donc chercher une issue nouvelle à une crise qui n'a que trop duré.

Discussions sur l'Ukraine

Macron voudra sûrement parler de l'Ukraine. On connaît la position très conciliante des pays du Golfe à l'égard de la Russie. Le président français pourra faire valoir que cette attitude, loin de réduire la tension internationale comme le monde arabe l'avait suggéré, constitue au contraire un encouragement donné à Moscou de poursuivre la guerre et que cette dernière, en faisant chuter la croissance mondiale, est en totale opposition avec tous les intérêts et objectifs des pays du Golfe. Sera-t-il entendu? Ce n'est peut-être pas aussi improbable qu'on le dit.

Il y a sûrement beaucoup d'autres sujets de conversation possibles entre les deux hommes. Il y en a au moins un que l'on évoque ici à défaut qu'ils le fassent eux-mêmes: c'est l'éventualité du développement du nucléaire civil en Arabie saoudite. Après l'accord passé avec Téhéran, Riyad voudra peut-être équilibrer sa position par rapport à l'Iran dans le domaine nucléaire. Un pas dans ce sens serait d'acquérir les compétences et les savoirs dans le domaine du nucléaire civil. Voilà bien un sujet qui ferait jaser…


Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.