Sept mois se sont écoulés depuis le départ de Michel Aoun, dernier président de la république du palais présidentiel, situé sur la colline de Baabda surplombant la capitale libanaise Beyrouth. Sept mois de vacance à la tête de l’État n’ont pas suffi à ouvrir les portes du Parlement libanais afin qu’il puisse remplir sa mission en élisant un nouveau président.
Et pour cause, le tandem chiite, composé du mouvement Amal, dirigé par le président de la chambre, Nabih Berri, et du Hezbollah, milice pro-iranienne au Liban, bloque l’élection présidentielle depuis des mois afin de pousser toutes les composantes politiques représentées au Parlement à accepter de soutenir la candidature de leur allié de choix, le chef du petit parti chrétien Al-Marada, Soleiman Frangié.
Autrement dit, le tandem chiite essaie de faire chanter les députés des autres formations politiques en leur offrant un choix impossible: Frangié ou personne! Or, ce choix n’est que le fruit d’une politique visant à imposer un candidat ayant leurs faveurs en forçant la main des partis politiques chrétiens, ainsi qu’à l’opinion publique opposée au diktat du Hezbollah et du mouvement Amal. De quoi installer une ambiance nocive entre communautés libanaises et provoquer une résurgence des tensions confessionnelles. Le tandem chiite peine par ailleurs à réaliser que la composante chrétienne à laquelle le président de la république devrait appartenir n’est pas prête à se soumettre à cette politique hégémonique.
Jihad Azour devra naviguer dans un Liban en proie à une crise inouïe et profondément divisé
Ali Hamade
Toutefois, il est à signaler que, malgré cette situation de blocage, les trois grands groupes parlementaires à majorité chrétienne ont réussi le pari de tomber d’accord sur un candidat unique pour faire face à M. Frangié. Ce candidat est Jihad Azour, ancien ministre des Finances qui occupe aujourd’hui le poste de directeur régional pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale au Fonds monétaire international (FMI). M. Azour est un expert incontournable, car ses compétences lui permettent d'avoir une compréhension approfondie de la crise libanaise et des politiques nécessaires pour sauver le pays du Cèdre.
Le candidat soutenu par le trio chrétien et appuyé par de nombreux députés de l'opposition se distingue par son intelligence remarquable et sa capacité à jouer un rôle de médiateur dans le cas où il serait élu président. C’est une figure modérée et tempérée, capable de rechercher les intérêts communs des Libanais. Bien qu'il soit le candidat de la majorité chrétienne et de ses alliés, il ne se présente pas en tant qu'adversaire du tandem chiite, et encore moins comme un critique du Hezbollah. Il est conscient que s'aliéner le tandem serait préjudiciable et compromettrait inévitablement son mandat.
Néanmoins, Jihad Azour devra naviguer dans un Liban en proie à une crise inouïe et profondément divisé. Tout président qui tient à son rôle de fédérateur sait qu’il doit jongler habilement afin d’apaiser les tensions sous-jacentes qui risquent d’éclater à tout moment.
Désormais, la course à la présidence libanaise prend un nouveau tournant. Face au candidat du tandem chiite se dresse à présent un candidat crédible représentant la majorité chrétienne et ses alliés dans l’opposition. Cela marque ainsi le début d’une nouvelle phase.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.