Le Sommet arabe qui s’est tenu à Djeddah le 19 mai dernier a constitué un tournant décisif dans la conjoncture régionale, secouée depuis deux décennies par des crises profondes et aiguës.
Ce sommet a été un succès à tous les niveaux, grâce à son excellente organisation et à sa représentativité de haut niveau, ainsi qu'à la nature des décisions prises lors de la conférence et à l'impact des résolutions sur la scène régionale et internationale.
Le 32e Sommet arabe s'inscrit dans un contexte géographique marqué par trois traits principaux:
- La persistance des crises politiques internes dans plusieurs pays arabes, auxquelles s'ajoute la récente confrontation armée au sein des hautes sphères du pouvoir au Soudan.
- La résurgence du spectre de la guerre dans le vieux continent, entraînant une nouvelle configuration de guerre froide à l'échelle mondiale. Le conflit russo-ukrainien actuel a engendré en effet un choc intense dans les relations internationales, qui a eu des conséquences notoires dans la zone arabe.
- L’embrasement de l'économie mondiale, dû à la triple crise énergétique, écologique et financière qui n'épargne aucun pays, imposant une nouvelle approche de régulation de la mondialisation devenue effective et indépassable.
Les chefs d'État arabes réunis à Djeddah ont débattu sur ces questions cruciales, après une longue période de retrait de la scène géopolitique internationale, conséquence des bouleversements et des vicissitudes engendrés par les événements connus sous le nom de «printemps arabes».
Plusieurs initiatives régionales se sont succédé durant les derniers mois pour raviver l'ordre arabe paralysé et moribond. La politique d'apaisement et d'accalmie entretenue par les pays arabes dans le vaste environnement moyen-oriental a déjà permis la réconciliation entre deux pays voisins du monde arabe: la Turquie et l'Iran.
Pour consolider la relance de la solidarité arabe, la réinsertion de la Syrie dans la ligue arabe est devenue une nécessité urgente. C'est ainsi que la décision de rapprochement avec le régime de Bachar al-Assad s'est concrétisée par la participation effective du président syrien au Sommet de Djeddah, après une décennie d'exclusion et de rejet de ce pays central et influent.
Le sommet de Djeddah est le prélude à une redynamisation active et réelle de l'ordre géopolitique arabe
Seyid ould Abah
Les résolutions du sommet pourraient être résumées en quatre points:
- Le renforcement de l'édifice interarabe sur la base du partenariat politique, de la solidarité des intérêts et des impératifs de la sécurité collective. La Ligue arabe fondée en 1945 restera le pivot de cette politique d'intégration régionale, ce qui nécessite sa préservation et sa consolidation.
- L'engagement constant et renouvelé à la résolution des conflits internes arabes. Les processus de réconciliation nationale en cours en Libye et au Yémen seront poursuivis et activés dans l'intérêt régional global. Les efforts déjà entamés pour la solution de la crise soudanaise, à la faveur de l'initiative saoudo-américaine, seront relancées pour éviter à ce grand pays les dérives séparatistes et chaotiques.
Le sommet de Djeddah a en outre appuyé la stratégie de réconciliation nationale en Syrie, en fonction des résolutions et décisions des institutions internationales relatives à la crise syrienne. L'objectif global envisagé est de renforcer la cohésion nationale au sein des pays arabes en favorisant une dynamique participative et citoyenne inclusive, qui contribue à promouvoir la stabilité et l'harmonie dans les contextes critiques et conflictuels.
- La mise en œuvre d'une approche diplomatique active visant la résolution du problème palestinien, suivant les dispositions du droit international et les décisions des Nations unies, et en fonction de l'initiative de paix arabe issue du Sommet de Beyrouth organisé en 2002.Cette position de principe consensuelle fixe les contours d'une politique commune arabe relative à ce dossier de première importance.
- Définir et valoriser le poids diplomatique du groupe arabe dans les enjeux internationaux du moment, et en premier lieu le conflit ukrainien. La participation du président ukrainien Volodymyr Zelensky au Sommet de Djeddah s'inscrit dans cet esprit de volontarisme diplomatique arabe. Les pays centraux arabes sont devenus en effet les seuls médiateurs dignes de foi et de crédit dans ce conflit qui déchire l'Europe et expose la paix internationale actuelle à des dangers sans précédent.
Le Sommet de Djeddah a été donc un tournant majeur dans le contexte régional et le prélude à une redynamisation active et concrète de l'ordre géopolitique arabe.
Seyid ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l'université de Nouakchott,Mauritanie et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l'auteur de plusieurs livres en philosophie et pensée politique et stratégique.
Twitter: @seyidbah
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.