Le gouvernement israélien de Netanyahou, par Netanyahou, et pour Netanyahou

On est en droit de se demander si les décisions de Netanyahou sont pour le bien du pays ou visent à le maintenir au pouvoir (Photo, AFP).
On est en droit de se demander si les décisions de Netanyahou sont pour le bien du pays ou visent à le maintenir au pouvoir (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 26 mai 2023

Le gouvernement israélien de Netanyahou, par Netanyahou, et pour Netanyahou

Le gouvernement israélien de Netanyahou, par Netanyahou, et pour Netanyahou
  • Il était clair dès le début que la formation du gouvernement de coalition israélien avec l’extrême droite était un échappatoire au procès pour corruption de Benjamin Netanyahou
  • Qu’est-ce qui garantit que Netanyahou n'entraînera pas Israël dans un nouvel épisode mal calculé d'aventurisme militaire contre l'Iran ou le Hezbollah pour détourner l'attention de sa situation?

Dès le premier jour de l'actuel gouvernement de coalition israélien, il était plus qu'évident que, pour celui qui l'a formé, le Premier ministre Benjamin Netanyahou, il ne s’agissait que d'une échappatoire à son procès pour corruption. Il s’agissait bien plus que d’une question d'orgueil habituel, qui l'a toujours amené à croire que personne d'autre que lui-même n'était digne de diriger le pays.

Il a été dit à maintes reprises, y compris par Netanyahou lui-même, qu’une personne faisant face à des charges pénales ne pouvait pas et ne devait pas occuper la plus forte position de pouvoir du pays, car il est impossible de discerner, y compris peut-être pour cette même personne, si ses décisions sont prises dans l'intérêt du pays ou pour sauver sa peau.

Cette préoccupation est devenue encore plus significative depuis qu'Israël a enclenché la semaine dernière une nouvelle confrontation militaire à Gaza, cette fois avec le groupe islamiste militant du Djihad islamique palestinien. Netanyahou n'a pas d'autre moyen de rester au pouvoir que de partager son gouvernement avec les éléments ultranationalistes et racistes les plus extrémistes de la politique israélienne, étant donné que dans une large mesure, il est pris par eux en otage.

Il était clair, dès la création de ce gouvernement, que l'alliance du sionisme religieux d'extrême droite ferait pression sur lui pour qu'il passe à l’action à Gaza, dans un déchaînement de forces, et dans le cadre de sa stratégie irresponsable de confrontation maximale avec les Palestiniens. Cette opportunité s'est présentée pour eux après une escalade de la situation sécuritaire en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Cela a conduit les dirigeants du sionisme religieux, Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, à menacer de retirer leur soutien au gouvernement s'il n'ordonnait pas à l’armée israélienne de se lancer dans une nouvelle opération meurtrière à Gaza.

«Il ne fait aucun doute qu’au sein de l'administration actuelle, il n'y a pas de personnes adultes responsables qui peuvent mettre un frein quand cela s’avère nécessaire»

Yossi Mekelberg

C’est pourquoi, lorsqu'une telle opération militaire a eu lieu, son lien avec les menaces des membres d'extrême droite de la coalition semblait plutôt clair. Cela simplifie non seulement à l'extrême l’actuel processus décisionnel compliqué, mais disculpe également en partie Netanyahou. La responsabilité ultime de toute décision gouvernementale incombe au Premier ministre. Cependant, il ne fait aucun doute qu’au sein de l'administration actuelle, il n'y a pas de personnes adultes responsables qui peuvent mettre un frein lorsque cela s’avère nécessaire. Les éléments d'extrême droite du gouvernement manquent de jugement stratégique et ont au sujet de questions complexes un niveau de compréhension infantile, ce qui crée une situation de confrontation tant dans les affaires nationales qu’internationales.

Examinons un instant la décision d'assassiner les dirigeants du Djihad islamique palestinien. Quelqu'un pourrait-il affirmer avec conviction que les administrations israéliennes précédentes, notamment celles de Netanyahou, se seraient abstenues d'adopter exactement cette ligne de conduite avec ou sans le soutien des ultranationalistes au cœur du gouvernement ? Des assassinats ciblés de militants palestiniens, de personnel militaire et de scientifiques iraniens du nucléaire ou encore de membres du Hezbollah ont lieu depuis de nombreuses années, quelle que soit l'orientation du gouvernement israélien. Cela fait partie de l’esprit sécuritaire du pays.

Cependant, dans un pays où tant de décisions sont littéralement une question de vie ou de mort, le peuple doit être entièrement rassuré que de telles décisions – du moins au fond du cœur des décideurs – sont prises sans aucune arrière-pensée, ou ne servent pas leurs intérêts politiques ou personnels. À vrai dire, à moins d'être au courant du processus de prise de décision, il est pratiquement impossible de dire ce qui a été discuté avant la dernière opération militaire à Gaza. Pourtant, le simple fait que Ben-Gvir et ses collègues aient pu déclarer au monde entier que viser le Djihad islamique palestinien s’expliquait par leur pression sur Netanyahou, sans menacer la stabilité ou l'existence même de la coalition, laisse deviner les véritables motivations qui se cachent derrière cet affrontement.

Des conseillers proches de Netanyahou se sont assurés d'informer les médias que Ben-Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, n'était en aucune façon impliqué dans les décisions qui ont conduit à la récente opération à Gaza. Mais le fait que le ministre en charge de la sécurité intérieure n’ait pas été consulté est déconcertant, même s’il a en réalité donné une bénédiction déguisée. De plus, que Ben-Gvir et Smotrich aient été ou non consultés, ou aient eu leur mot à dire dans le déclenchement de cette dernière effusion de sang inutile, rares sont ceux qui pensent qu’un compte-rendu exact de ce qui s'est passé ait été donné. À tout le moins, Netanyahou doit avoir été conscient de la réaction possible de ses partenaires de la coalition d'extrême droite lors de l’approbation de cette opération.

Netanyahou, à l'automne de sa carrière politique, alors qu'il fait face à des accusations de corruption extrêmement graves et avec des preuves de plus en plus nombreuses qu'il est sous la coupe de sa famille proche, met le pays tout entier en péril. Inévitablement, on est obligé de se demander si Netanyahou lui-même peut dire si ses décisions sont prises pour le bien du pays ou sont simplement des décisions intéressées, destinées à le maintenir au pouvoir et à lui éviter de passer ses dernières années derrière les barreaux.

«À tout le moins, Netanyahou doit avoir été conscient de la réaction possible de ses partenaires de la coalition d'extrême droite»

Yossi Mekelberg

Un pays complexe comme Israël ne peut se permettre que la personne au sommet de la pyramide politique ait son attention partagée entre la multitude de défis auxquels le pays est confronté, et se faufile entre les mailles du filet pour se sortir d'un procès pour corruption. Netanyahou a déjà clairement montré qu'il était prêt à mettre à mal tout le système démocratique, et ce faisant, à porter gravement atteinte à l'économie du pays, afin de sauver sa peau.

Alors, qu'est-ce qui peut nous assurer que, lorsque l'étau de son procès – au sens figuré bien sûr – se resserrera davantage autour de son cou, il n'entraînera pas Israël dans un nouvel épisode mal évalué et mal calculé d'aventurisme militaire contre l'Iran ou le Hezbollah au Liban, ou même enverra des troupes à Gaza, non pour des raisons de sécurité nationale, mais simplement pour détourner l'attention de sa situation juridique ?

Les récentes hostilités à Gaza ont été un autre signal d'alarme qui devrait alerter le pays sur les dangereuses incertitudes découlant d'un gouvernement de Netanyahou, par Netanyahou, et pour Netanyahou, et au diable les conséquences pour Israël

 

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne. Twitter: @YMekelberg    

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com