Construire au lieu d’attiser le feu, voilà la meilleure approche de la transition aux États-Unis

Joe Biden prend la parole lors d'un rassemblement de campagne à Heinz Field, le 2 novembre 2020, à Pittsburgh, en Pennsylvanie. (Getty Images)
Joe Biden prend la parole lors d'un rassemblement de campagne à Heinz Field, le 2 novembre 2020, à Pittsburgh, en Pennsylvanie. (Getty Images)
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Publié le Vendredi 04 décembre 2020

Construire au lieu d’attiser le feu, voilà la meilleure approche de la transition aux États-Unis

Construire au lieu d’attiser le feu, voilà la meilleure approche de la transition aux États-Unis
  • Le président élu des États-Unis Joe Biden sait bien qu'il entame le dernier tour de son extraordinaire voyage à la Maison Blanche
  • Que doit donc choisir le président sortant : attiser le feu ou construire ?

Maintenant qu'il assiste à nouveau aux briefings quotidiens sur la sécurité auxquels il participait en tant que vice-président, le président élu des États-Unis Joe Biden sait bien qu'il entame le dernier tour de son extraordinaire voyage à la Maison Blanche. Il est « Home safe », comme on dit au baseball (NDLR : d’un joueur qui rejoint son équipe en toute sécurité).

Sauf que ce n'est pas tout à fait vrai, puisque M. Biden se trouve désormais engagé dans la plus dangereuse des confrontations : La transition du pouvoir d'un prédécesseur réticent.

Le manque de bonne grâce est déjà suffisamment gênant au niveau humain. Mais le mépris des principes de la démocratie par un mauvais perdant qui refuse tout défi, dépasse les frontières des États-Unis. En effet, le monde est le théâtre d'innombrables efforts visant à établir la démocratie et à mettre en place des structures institutionnelles qui favorisent des transitions de pouvoir ordonnées et consensuelles. Ces transitions reconnaissent non seulement le droit du vainqueur, mais elles laissent également entendre que la politique d'un gouvernement, une fois celui-ci éliminé, peut être rétablie et que la politique est loin d'être un jeu de somme nulle, où les perdants doivent conserver le pouvoir à n'importe quel prix comme seul moyen d'assurer leur survie. De Bachar al-Assad à Alexandre Loukachenko, l'absence de ce genre de transition a coûté des vies humaines, entravé l'exercice des droits démocratiques et conduit à l'assujettissement. L'humble camionnette de déménagement et le gracieux discours de concession permettent de sauver des vies et d'améliorer la gouvernance dans le monde entier. Voilà qu’un exemple contraire résonne au-delà de la ville sur le Potomac.

En ce qui concerne la politique au Moyen-Orient, un répit est souhaité avant l'entrée en fonction d'une nouvelle administration aux États-Unis. Toutefois, la dangereuse transition au pouvoir de Biden est en train de passer de la philosophie à la pratique.

Que doit donc choisir le président sortant : attiser le feu ou construire ?

En effet, s'il le souhaite, il ne sera pas difficile de tendre des pièges au Moyen-Orient. Rien ne prouve qu'un « dernier coup de pouce » à ses politiques serait couronné de succès où que ce soit. En politique étrangère, le paysage évolue, et il est toujours bon de prendre du recul pour évaluer ce qui a réellement bien fonctionné et ce qui a échoué. La politique de rejet de tout ce qui a été entrepris par le président Barack Obama, dans le seul but de le faire, était défectueuse ; pourtant, certaines de ces politiques auraient inévitablement dû être révisées, car elles n'ont pas toutes été fructueuses. M. Biden ne fera probablement pas l'erreur de retourner à la politique de 2016 et il ne devrait pas le faire sous prétexte que tout allait bien avant 2016 et que tout a dérapé par la suite. Le monde a évolué et M. Biden ne peut plus tenter de supprimer tout ce que l'administration Trump a fait en supposant qu'un retour à 2016 peut apporter des solutions pertinentes pour les problèmes du moment.

Ainsi, le président élu se doit de consolider ce qui a été préalablement accompli, de l'évaluer et de poursuivre sur cette voie - pour ce faire, il mérite d’être soutenu par le président actuel. Deux dossiers méritent une attention particulière : L'Iran et le processus de paix au Moyen-Orient. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab, a déjà fait part de sa « préoccupation » au sujet des circonstances de l'assassinat du scientifique nucléaire Mohsen Fakhrizadeh, et ne s'aventurera probablement pas à aller plus loin dans ses propos. A juste titre, il ne cherchera pas à attiser davantage le feu, et les États-Unis devraient elles aussi s’en abstenir. La région ne profiterait pas d'une confrontation de dernière minute ou d'une tentative par la nouvelle administration américaine de supprimer les mesures restreintes et soigneusement conçues avec l'Iran.

 

M. Biden ne fera probablement pas l'erreur de retourner à la politique de 2016 et il ne devrait pas le faire sous prétexte que tout allait bien avant 2016 et que tout a dérapé par la suite.

 

Le candidat de Biden au poste de secrétaire d'État, Antony Blinken, est parfaitement conscient des points qui méritent d’être rectifiés dans le cadre de toute nouvelle négociation, dont les craintes des acteurs régionaux concernant le nucléaire, mais aussi les autres activités et l'armement de l'Iran. Les États-Unis comme l'Iran ont besoin d'une nouvelle opportunité et d'une franchise brutale - ce qui a été exprimé cette semaine dans une déclaration publiée par le Conseil européen des relations extérieures qui a exhorté l'Europe à apporter un soutien maximal, mais transparent, à de tels efforts. Cette déclaration a été signée, entre autres, par Carl Bildt, Javier Solana et Wolfgang Ischinger.

Le processus de paix au Moyen-Orient a été marqué par une activité unilatérale de son ancien intermédiaire neutre au cours des quatre dernières années. Il n'a donc pas besoin que l'actuel secrétaire d'Etat encourage de nouvelles politiques partisanes marquées par des visites dans des zones contestées au niveau international. Le Moyen-Orient doit pouvoir s'appuyer sur les Accords d'Abraham, sur les nouvelles coalitions politiques dans la région et il doit également assurer un développement économique qui permette à sa population jeune, exigeante et en croissance rapide, de ne plus être paralysée par le boycott et la stérilité politique. Certes, il faut du temps pour que les pays du Golfe profitent de cette initiative de paix arabe dans le but précis d'établir une relation de normalisation avec Israël. Cela ne doit pas être fait dans l’objectif de sacrifier la cause palestinienne, mais au contraire de permettre de régler ce problème de manière juste et sûre, et de s'engager sur la voie d'un avenir plus stable pour la région.

Au cours des quatre dernières années, l'exclusion n'a pas vraiment abouti sur aucun de ces points. L'inclusion, accompagnée d'obligations et de nouvelles réalités acceptables par toutes les parties, présente de meilleures chances de réussite pour l'avenir. Permettre à la nouvelle administration de construire sur des terres non brûlées serait certes une décision avisée.

Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du Foreign and Commonwealth Office – sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013, et ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.

Twitter : @AlistairBurtUK

NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.