Le monde est profondément préoccupé par les affrontements sanglants entre l’armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les Forces de soutien rapide (FSR), commandées par le général Mohamed Hamdan Dogolo, qui font rage dans la capitale, Khartoum, ainsi que dans d’autres villes du pays.
Ces combats se poursuivent malgré les mises en garde régionales et internationales. Le pays risque de sombrer dans la guerre civile. Les deux parties belligérantes s’obstinent à poursuivre ce jeu à somme nulle, rejetant l’ensemble des initiatives et des appels arabes, africains et internationaux destinés à mettre fin aux affrontements et à inviter les parties à prendre place à la table des négociations.
Les efforts régionaux ont jusqu’à présent réussi à convaincre l’armée soudanaise et les FSR d’appliquer plusieurs trêves dans le but d’acheminer en toute sécurité l’aide humanitaire et médicale et de permettre aux blessés et aux autres personnes qui nécessitent des soins médicaux d’avoir accès aux hôpitaux. Cela s’ajoute aux problèmes liés à la mise hors service de la plupart des hôpitaux, de la suspension de l’approvisionnement en soins de santé et en denrées alimentaires, des coupures d’électricité prolongées et du manque de carburant.
Toutes ces trêves n’ont cependant pas réussi à mettre un terme aux coups de feu. Au contraire, elles ont entraîné de violents combats sporadiques, soulevant des inquiétudes sur l’efficacité de toute trêve future, compte tenu surtout du manque d’organismes locaux ou internationaux sur le terrain capables de communiquer avec chacune des parties belligérantes. Comme si cela ne suffisait pas, la situation se complique en raison de la volonté de chaque partie de sécuriser ses positions militaires et d’obtenir des renforts supplémentaires pendant les trêves.
L’armée soudanaise perçoit les FSR comme une menace pour l’État soudanais. Le Soudan n’a jamais eu de force militaire aux côtés de l’armée régulière, qui a rassemblé beaucoup de personnel et d’équipements depuis l’indépendance du pays, en 1956. Alors que tout a régulièrement décliné au Soudan au cours de ces dernières années, les FSR continuent de gagner en puissance jour après jour.
Les tensions entre Al-Burhane et Dogolo, qui a été l’adjoint du premier au Conseil de souveraineté, ont atteint leur paroxysme au point que chacun d’eux tente par tous les moyens à éliminer l’autre des sphères politique et militaire du pays. Les deux généraux insistent pour participer à un jeu à somme nulle.
Al-Burhane qualifie les Forces de soutien rapide et leur commandant de «rebelles» qui, selon lui, ont désobéi au régime militaire et ont refusé d’intégrer l’armée régulière. Il insiste sur le fait que les FSR doivent être chassées de la capitale et de toutes les autres villes soudanaises où elles sont actuellement déployées jusqu’à ce qu’elles puissent être intégrées dans les unités militaires de l’armée. Al-Burhane exige également que Dogolo soit écarté de la direction de ces forces et tenu responsable du meurtre et de l’intimidation de civils ainsi que de la destruction des infrastructures et des institutions de l’État.
Dogolo, quant à lui, poursuit ses efforts pour contrôler le commandement de l’armée, faire arrêter Al-Burhane et ses collègues du Conseil de souveraineté et nommer de nouveaux commandants de l’armée avec qui il peut négocier. Il veut également reprendre l’ensemble des bases militaires et des quartiers généraux du Soudan détruits par les bombardements de l’armée et de l’aviation au cours des deux dernières semaines.
Jusqu’à présent, aucune initiative n’a permis d’arrêter les combats ni de parvenir à un règlement politique.
Mohammed al-Sulami
Malgré les avancées et les exploits de l’armée dans la destruction d’un grand nombre d’avant-postes des FSR, la coupure des voies d’approvisionnement en provenance du Darfour et d’autres régions ainsi que le discours d’Al-Burhane selon lequel il s’agit de dépasser le stade de l’escalade et de la confrontation avec les FSR, le chef de l’armée n’a pas réussi jusque-là à écraser la milice ou à contrôler totalement Khartoum. C’est la raison pour laquelle il a refusé les appels à entamer des négociations avec Dogolo, insistant plutôt sur le fait d’aller de l’avant avec l’option militaire.
Faire d’énormes progrès sur le terrain fournirait à Al-Burhane le levier nécessaire pour améliorer sa position lors d’éventuelles négociations avec Dogolo. Cependant, la poursuite des turbulences actuelles pourrait exposer le Soudan aux interventions étrangères, exacerber la crise humanitaire et augmenter les pertes civiles. Si cette crise se poursuit, le conflit se propagera à d’autres régions, ce qui risque de déclencher une guerre civile, intensifiant la crise et augmentant les coûts sécuritaires, économiques et politiques au Soudan.
L’insistance des deux parties à poursuivre la guerre a déjà coûté la vie à cinq cents personnes au moins, en a blessé des milliers d’autres et a poussé des dizaines de milliers d’individus à fuir les régions où se déroulent les affrontements vers d’autres régions soudanaises ou des pays voisins comme le Tchad, le Soudan du Sud, l’Éthiopie et l’Égypte. Le conflit a également conduit la plupart des pays du monde à fermer leurs ambassades et leurs consulats au Soudan et à évacuer leurs citoyens par voie aérienne, maritime et terrestre.
Depuis le début du conflit au Soudan, de nombreuses initiatives ont été proposées par un certain nombre d’organisations régionales et par des pays qui souhaitent rétablir la stabilité au Soudan dans le but de mettre fin à cette situation qui dure et s’intensifie régulièrement depuis plus de deux semaines. La dernière de ces initiatives a été proposée par l’Autorité intergouvernementale pour le développement, qui s’occupe du développement en Afrique de l’Est. Elle appelle l’armée et les Forces de soutien rapide à envoyer des représentants à Djouba, la capitale sud-soudanaise, afin de discuter de la manière de mettre fin aux combats. Aucune initiative n’a permis d’arrêter les combats ni de parvenir à un règlement politique.
Le fait que les parties belligérantes préfèrent l’option militaire n’est évidemment pas la meilleure chose pour mettre fin à ce conflit. Un tel choix ne fera que le prolonger et exacerbera les crises humanitaires endurées par les civils. De plus, vaincre Dogolo et le forcer à quitter Khartoum pourrait le conduire à se retirer dans sa région natale, le Darfour, d’où il pourrait mener une insurrection susceptible de menacer la sécurité et la stabilité du Soudan. Le mieux serait que les deux parties recourent aux négociations et au dialogue pour régler leur différend. De cette façon, elles pourraient empêcher la situation de s’aggraver et éviter le spectre d’une plus grande division au Soudan.
Le Dr Mohammed al-Sulami est directeur de l’Institut international d’études iraniennes (Rasanah).
Twitter: @mohalsulami
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com