Vendredi dernier a marqué six mois de vacance à la présidence libanaise. Rien ne laisse présager jusque-là un dénouement rapide de la crise qui frappe les institutions de la République. La vacance ne concerne pas uniquement la présidence de la République mais s’étend pratiquement au gouvernement démissionnaire qui se limite à expédier les affaires courantes au jour le jour. Pour sa part, le Parlement ne fait pas exception. Il est presque au mode arrêt, incapable de se défaire de sa «sclérose» politique l’empêchant de se réunir afin d’élire un nouveau président dans les règles de l’art démocratique. En effet, c’est le président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berri, qui est à l’origine du blocage de l’élection présidentielle, prétextant que les principaux acteurs politiques représentés au Parlement devraient se réunir en amont autour d’une table de dialogue national qui aboutirait à l’élection du nouveau président.
Fort de son alliance avec le Hezbollah, milice pro-iranienne, M. Berri soutient avec force la candidature d’un des alliés les plus loyaux du Hezbollah ainsi que du régime syrien de M. Bachar al-Assad, à savoir le chef du parti Marada, M. Sleiman Frangié, ancien député et ministre. Or cette candidature peine à décoller, en dépit de la force du tandem chiite qui regroupe le Hezbollah et le mouvement Amal – présidé lui aussi par M. Berri –, et qui mène une bataille acharnée pour faire élire M. Frangié à la plus haute magistrature de la République.
Face à la logique défendue par la France, c’est désormais un sentiment de colère que l’on perçoit dans les milieux chrétiens libanais
Ali Hamade
Mais ce qui rend le tableau encore plus sombre, c’est notamment la position de la France vis-à-vis de l’élection d’un des alliés les plus sûrs du Hezbollah et du régime syrien. Le parti pris français commence en effet à créer un certain malaise au Liban. Le palais de l’Élysée est soupçonné par beaucoup de Libanais d’avoir rejoint le tandem chiite dans sa bataille politique visant à imposer M. Frangié à la présidence – cela malgré la forte opposition qu’expriment les principales forces politiques chrétiennes au Parlement, ayant réussi jusqu’à présent à faire barrage au candidat du tandem chiite. Néanmoins, la position de Paris, qui concorde avec celle du Hezbollah et du mouvement Amal, suscite une vague de critiques chez une grande partie des Libanais qui s’insurgent contre cet état de connivence contre-nature visant à imposer un candidat dépendant du tandem chiite à la présidence de la République – poste qui revient, selon l’accord qui régit le partage du pouvoir entre les différentes composantes confessionnelles du pays, à la communauté chrétienne maronite.
Face à la logique défendue par la France, c’est désormais un sentiment de colère que l’on perçoit dans les milieux chrétiens libanais. En effet, Paris peine à convaincre l’opinion publique chrétienne de se rallier au camp soutenant la candidature de Frangié, présenté comme le résultat d’un rapport de force qui penche en faveur du Hezbollah. La France semble ainsi craindre que ce dernier n’aille plus loin encore dans sa paralysie de l’appareil de l’État. Toutefois, Paris n’a toujours pas réussi à dissiper la colère d’une large portion de l’opinion publique chrétienne qui refuse de se soumettre au fait accompli que veut imposer le tandem chiite avec le concours de la diplomatie française qui, jusque-là, se refuse à voir cette opposition grandissante au dictat du Hezbollah.
En attendant, le Liban reste une République en suspens. Seule la communauté arabe représentée par l’Arabie saoudite pourrait peser assez lourd pour redresser la balance qui penche dangereusement en faveur du tandem chiite plus que jamais hégémoniste, agressif et arrogant.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.