La visite du ministre des Affaires étrangères saoudien, le prince Faysal ben Farhane, à Damas mardi dernier, qui constitue une première, a lancé le processus de réconciliation entre le Royaume et la Syrie après douze ans de rupture. C’est sans aucun doute le fruit d’une nouvelle donne géopolitique qui a changé le paysage de la région à l’issue de la réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran entamée le 10 mars et qui s’accélère sur plusieurs fronts, à commencer par le Yémen. Ce dernier reste le sujet principal qui définira les contours de cette redistribution des cartes dans la région.
Le Liban, en proie à une crise sans précédent à plusieurs niveaux (politique, économique, social et institutionnel), serait l’un des pays les plus concernés par cette réconciliation. En effet, il est toujours la caisse de résonance des conflits régionaux. Toutefois, tout apaisement dans la région se répercute forcément sur la scène libanaise, qui pourrait en tirer profit si les Libanais jouent les bonnes cartes.
La vague d’apaisement dans la région représente une aubaine pour le Liban. C’est une réelle opportunité pour ce petit pays ébranlé depuis des décennies par des tensions régionales. Néanmoins, la carte de l’apaisement qui se joue entre les grands acteurs de la région, notamment l’Arabie saoudite et l’Iran, reste tributaire de la bonne volonté de Téhéran. On attend bel et bien un véritable changement de la politique interventionniste de l’Iran dans le monde arabe, qui a coûté très cher aux pays du Moyen-Orient durant ces quarante dernières années.
La question des réfugiés syriens devrait être en tête du menu des réconciliations entre les pays arabes et la Syrie.
Cette politique agressive, voire meurtrière, qui a entre autres été mise à exécution en Syrie, s’est soldée par une catastrophe humanitaire d’une ampleur jamais vue depuis la Seconde Guerre mondiale. On parle de plus de cinq cent mille morts, sept millions de déplacés à l’intérieur du pays et de huit millions de réfugiés dans les pays voisins, dont deux millions pour le seul Liban, qui ne compte que cinq millions d’habitants. Cela représente presque 30% de sa population.
Le fardeau humanitaire, social et économique est trop lourd pour être supporté par un pays meurtri et appauvri. Les institutions de l’État sont au bord de l’effondrement total. D’où la nécessité pour le Liban que le processus de réconciliation entre les pays arabes et la Syrie passe aussi par un règlement de la crise des réfugiés syriens au Liban, surtout que l’on commence à noter une recrudescence des tensions entre les Libanais et réfugiés syriens dans plusieurs régions du pays. C’est une affaire grave à tous les niveaux, car elle engendre des tensions qui ne cessent de surgir un peu partout dans le pays.
La question des réfugiés syriens devrait être en tête du menu des réconciliations entre les pays arabes et la Syrie. C’est tout d’abord une responsabilité qui incombe au gouvernement syrien qui devrait s’atteler à la tâche de la réconciliation nationale. Les millions de déplacés chassés de leurs maisons, ainsi que les millions de réfugiés parsemés à travers la région et le monde devraient voir leur droit au retour dans de bonnes conditions respecté, et mené à bien par un effort coordonné syrien, régional et international.
Le Liban, qui a été pendant plus de douze ans une terre d’accueil pour plus de deux millions de réfugiés, se doit aussi de s’assurer que leur retour soit organisé avec des garanties arabes et internationales crédibles. Le pays du Cèdre devra faire de cette opération et de son bon déroulement l’une des conditions de la normalisation de ses relations avec le gouvernement syrien. Sinon, les relations entre les deux pays ne pourront pas s’améliorer. C’est une question existentielle pour le Liban.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.