Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, est aujourd’hui plus dangereux que jamais

Personne ne doute que Netanyahou est prêt à sacrifier le bien du pays pour son propre intérêt (Fichier/AFP)
Personne ne doute que Netanyahou est prêt à sacrifier le bien du pays pour son propre intérêt (Fichier/AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 06 avril 2023

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, est aujourd’hui plus dangereux que jamais

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, est aujourd’hui plus dangereux que jamais
  • La Knesset a adopté une nouvelle loi portant clairement les empreintes digitales de Netanyahou, empêchant le procureur général de le déclarer inapte à occuper le poste de Premier ministre
  • Netanyahou et les membres de sa coalition veulent non seulement se placer au-dessus de la loi, mais ils cherchent à ce qu’on les considère comme la loi

La boutade «une semaine, c'est long en politique» est généralement attribuée à l'ancien Premier ministre britannique, Harold Wilson. Dans la politique israélienne, une semaine peut sembler une éternité et celle qu’a récemment passée Benjamin Netanyahou a été interminable, sur le fil du rasoir, tenant tout un pays en haleine.  

Selon la position dans laquelle l’on se trouve, on peut s'inquiéter sérieusement pour l'avenir d'Israël comme démocratie libérale, voire tout simplement comme démocratie. D'un autre côté, on peut faire preuve d’un optimisme prudent, car pour la première fois, les forces progressistes favorables à la démocratie, jusque-là silencieuses, ont abandonné leur position de neutralité largement répandue et, depuis plusieurs semaines, descendent dans la rue dans tout le pays pour faire entendre leur voix, en s’opposant à l'offensive du gouvernement Netanyahou contre l'indépendance du pouvoir judiciaire. 

L'un des aspects les plus controversés de ce coup d'État judiciaire est la tentative éhontée et brutale de «sauver» le Premier ministre Benjamin Netanyahou de son procès pour corruption, escroquerie et abus de confiance, comme si ce dernier était orchestré par des forces étrangères qui l’avaient kidnappé et avaient fait de lui la victime d'un simulacre de procès n’ayant pas été exécuté selon la procédure légale ordinaire du pays. 

À la veille de son voyage à Londres, pour un autre voyage à l’étranger vain et inutile, et une rencontre hâtive avec le Premier ministre britannique, Rishi Sunak – un voyage qui a surtout  été l’occasion de profiter d'un autre week-end luxueux avec sa femme aux frais du contribuable israélien – Netanyahou, avec l'aide de ses alliés, a adopté une loi lui permettant de ne pas être déclaré inapte à de hautes fonctions. Comme des voleurs dans la nuit, aux petites heures du matin, 61 des 120 parlementaires de la Knesset ont voté en faveur d'une nouvelle loi qui porte clairement les empreintes digitales de Netanyahou et qui empêche le procureur général de le déclarer inapte à occuper le poste de Premier ministre. 

Si quelqu'un avait encore besoin de preuves supplémentaires que Netanyahou, ainsi que plusieurs autres ministres, est inapte à occuper des fonctions publiques, et encore moins à diriger le pays, les dernières semaines ont fourni à ce sujet de nombreux éléments. L'idée même qu'un accusé dans un procès pour corruption dirige le pays est des plus troublantes. Aux yeux d’un grand nombre de personnes, cela le rend inapte à rester en poste pendant la durée de son procès, et il serait justifié de s'attendre à ce que, jusqu’au verdict du tribunal, Netanyahou soit suspendu de tout poste politique et de toute activité susceptible d'influencer l'issue de son procès. Au lieu de cela, ayant le vent en poupe grâce à sa coalition d'extrême droite et religieuse, il va de l’avant avec des mesures législatives qui visent à normaliser la corruption au cœur du gouvernement. 

Netanyahou va de l’avant avec des mesures législatives qui visent à normaliser la corruption au cœur du gouvernement 

Yossi Mekelberg

Ce n'est que grâce à la pression exercée sur le gouvernement de coalition de Netanyahou par les manifestations, et notamment les voix des chefs d’entreprises et le refus des militaires réservistes de servir, que la fuite en avant pour consacrer cette législation extrémiste antidémocratique a été ralentie. Cependant, en vertu d'une loi adoptée le mois dernier qui modifie la Loi fondamentale sur le gouvernement, un Premier ministre n'est déclaré inapte que s'il se déclare physiquement ou mentalement inapte à remplir le poste, ou si le gouvernement, appuyé  par les trois quarts des ministres, le déclare inapte en raison de problèmes de santé. 

Ainsi, dans leur impudence, les parlementaires israéliens ont effectivement empêché le procureur général de déclarer Netanyahou inapte à remplir ses fonctions, en cas de conflit d'intérêts entre son rôle de Premier ministre et sa position d'accusé dans un procès, comme indiqué dans l'accord de 2020 signé avec Netanyahou, qui l'empêche de participer aux changements du système judiciaire. C'est un accord qui n'a pas seulement été signé par lui, mais qui a également reçu le sceau d'approbation de la Haute Cour. Il stipule qu'il doit «éviter toute implication dans les affaires concernant les activités du comité des nominations judiciaires et dans toutes les affaires concernant les juges de la Cour suprême et du tribunal de district de Jérusalem». 

 Cet accord n'est pas sorti de nulle part, mais il est parfaitement logique, compte tenu du fait que Netanyahou est lui-même jugé pour des accusations criminelles. 

Il n’est pas surprenant que des pétitions aient été immédiatement adressées à la Cour suprême, dont le président a exigé de Netanyahou qu’il explique comment il évitera ce conflit d'intérêts. Quelques heures après avoir largué cette bombe constitutionnelle, indiquant que tant qu'il sera à la barre, il n'y aura pas de répit pour la législation antidémocratique qui prépare la voie à une dictature messianique, il s'est envolé pour Londres pour être reçu par des milliers de manifestants lors de ce week-end. 

Ce projet de loi, la première étape du plan du gouvernement visant à démolir le système judiciaire et à usurper la plupart de ses pouvoirs en y opérant des transformations, révèle la véritable intention de Netanyahou et de sa coalition. Ils veulent non seulement se placer au-dessus de la loi, mais ils cherchent à ce qu’on les considère comme la loi. 

Sans surprise, cela a encore exaspéré les manifestants dans les rues. C'est l'effronterie, autant que le contenu de la nouvelle loi qui a montré plus clairement que jamais que ce n'est que par les manifestations continues et la désobéissance civile que le gouvernement le plus dangereux et le plus mal intentionné de la courte histoire du pays peut être arrêté dans ses desseins. 

À présent, les lignes de clivage ont été tracées et personne ne doute que Netanyahou est prêt à sacrifier le bien du pays pour son propre intérêt. Il pourrait, ou du moins devrait, regretter maintenant de ne pas avoir signé une négociation de peine lorsque cela lui avait été proposé. Ses incitations contre ses rivaux politiques et, à toutes fins utiles, son encouragement à des affrontements physiques entre ses partisans et ceux qui s'y opposent – ce qui conduira probablement à la violence et à des effusions de sang –  est un péché plus grave encore que les crimes de corruption dont il est accusé.  

Sa décision de suspendre les mesures législatives après la vive réaction qu'il a rencontrée lors du limogeage de son ministre de la Défense n'a pas été prise de bonne foi dans le but d'entamer un dialogue national, mais n'était qu'un autre de ses subterfuges manipulateurs pour calmer l'opposition. Si les manifestants tombaient dans le piège de tels mensonges et arrêtaient leurs actions, ils pourraient voir le maître manipulateur de la politique israélienne continuer à démanteler la démocratie israélienne sous la pression de ses partenaires messianiques de la coalition de droite, non par conviction, mais par peur de la condamnation. 

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne.  

Twitter: @YMekelberg    

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com