Depuis près de deux ans, les puissances mondiales du P5+1 – le Royaume-Uni, la France, la Russie, la Chine et les États-Unis, plus l’Allemagne – plaident pour une relance du Plan d’action global conjoint (PAGC), également connu sous le nom d’«accord de Vienne sur le nucléaire iranien». Cependant, après plusieurs cycles de négociations qui n’ont donné aucun résultat positif, la communauté internationale ne semble pas avoir de programme clair ou de plan de rechange pour répondre de manière adéquate au programme nucléaire de l’Iran et à sa désobéissance.
Le véritable problème est que le temps joue en faveur des dirigeants iraniens; il joue toujours un rôle essentiel dans les pourparlers. En d’autres termes, il peut avoir une incidence sur les connaissances et la motivation des négociateurs. Par conséquent, plus une partie à la négociation a des contraintes temporelles, plus elle sera susceptible de faire des concessions pour parvenir à un accord.
Étant donné que le temps joue en faveur du régime iranien, l’administration Raïssi n’a montré aucun empressement à reprendre les négociations.
Entre-temps, petit à petit, le régime iranien a fait des progrès nucléaires qui ont désormais atteint un seuil critique. Les autorités iraniennes ont commencé par augmenter l’enrichissement d’uranium à 20%. Ensuite, le Parlement iranien a adopté une loi qui oblige le gouvernement à expulser les inspecteurs nucléaires de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Depuis, le régime a commencé à produire de l’uranium enrichi à 60%, se rapprochant des niveaux de qualité militaire.
De tels progrès au niveau du programme nucléaire ont renforcé l’influence des dirigeants iraniens vis-à-vis des puissances mondiales. C’est pourquoi, cette fois, les autorités iraniennes n’ont pas été complètement secrètes sur les progrès de leur programme nucléaire. Par exemple, alors que le régime tenait des pourparlers nucléaires indirects avec l’administration Biden, Mohammed Bagher Ghalibaf, le président du Parlement iranien, s’est vanté des activités nucléaires de Téhéran. Il a notamment déclaré: «Les jeunes scientifiques iraniens qui croient en Dieu ont réussi à produire de l’uranium enrichi à 60%. Je tiens à féliciter notre nation courageuse.»
Lors de la phase suivante, le régime a atteint une étape dangereuse en produisant du métal d’uranium enrichi. Une telle production n’a pas d’objectifs civils. L’AIEA – qui est l’organisme de surveillance nucléaire de l’ONU – avait précédemment averti que le régime iranien avait informé l’agence que l’oxyde d’uranium, «enrichi jusqu’à 20% en uranium 235, serait expédié au laboratoire de recherche et développement [R&D] de l’usine de fabrication de combustible d’Ispahan, où il serait converti en UF4 [tétrafluorure d’uranium] puis en métal d’uranium enrichi à 20% en uranium 235, avant de l’utiliser pour fabriquer le combustible».
Les progrès au niveau de leur programme nucléaire ont renforcé l’influence des dirigeants iraniens vis-à-vis des puissances mondiales.
De nombreux pays s’accordent pour dire que les dernières avancées du programme nucléaire iranien n’ont pas de finalité civile. Cependant, aucune mesure tangible et concrète n’a encore été prise pour freiner les progrès nucléaires du régime. Le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ont précédemment reconnu, dans une déclaration commune, que le régime iranien «n’a aucun besoin civil crédible de R&D et de production de métal d’uranium, qui sont une étape clé dans le développement d’une arme nucléaire».
La semaine dernière, l’AIEA a révélé avoir trouvé de l’uranium enrichi à 84% en Iran. Il s’agit d’une évolution critique, puisque le régime est désormais plus proche que jamais de l’arme nucléaire. Les autorités iraniennes continuent d’affirmer que leur programme nucléaire est conçu à des fins pacifiques. Mais, si tel est le cas, pourquoi le régime iranien refuse-t-il de coopérer pleinement avec l’AIEA?
En réalité, les indications précédentes au sujet du dossier nucléaire de l’Iran, qui regorge d’activités et de sites nucléaires clandestins, suggèrent l’idée que le régime veut devenir un État doté de l’arme nucléaire.
La communauté internationale ne peut subir les conséquences du passage du régime iranien au nucléaire. Si le régime théocratique parvenait à ses fins, les armes nucléaires se retrouveraient probablement entre les mains de ses mandataires et de ses milices. Il a déjà installé des usines d’armement à l’étranger et fabriqué, parmi d’autres armes, des missiles balistiques perfectionnés dans des pays étrangers, dont la Syrie.
Étant donné que le régime théocratique fournit déjà des armes perfectionnées à ses mandataires, qu’est-ce qui pourrait l’empêcher de partager sa technologie nucléaire pour autonomiser ces groupes, saper les intérêts de sécurité nationale de ses adversaires et étendre sa portée? Comme le révèle un rapport de l’ONU, «de plus en plus de preuves suggèrent que des individus ou des entités en Iran fournissent des volumes importants d’armes et de matériel aux Houthis».
En ce qui concerne le programme nucléaire iranien, le temps joue malheureusement en faveur du régime théocratique. La communauté internationale doit agir immédiatement pour freiner le programme nucléaire de Téhéran. Le monde ne peut pas attendre indéfiniment que l’Iran revienne à la table des négociations alors que les religieux au pouvoir renforcent leur programme nucléaire et se rapprochent plus que jamais de la production de matériel de qualité militaire.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com