Ukraine: Les dirigeants européens devraient mettre fin à la guerre pour le bien de leurs peuples

Des gens passent devant des bâtiments détruits à Kharkiv. Le 24 février marque le premier anniversaire de la guerre russo-ukrainienne (Photo, AFP).
Des gens passent devant des bâtiments détruits à Kharkiv. Le 24 février marque le premier anniversaire de la guerre russo-ukrainienne (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 28 février 2023

Ukraine: Les dirigeants européens devraient mettre fin à la guerre pour le bien de leurs peuples

Ukraine: Les dirigeants européens devraient mettre fin à la guerre pour le bien de leurs peuples
  • Les pays européens devraient œuvrer en faveur de la paix plutôt que d’attiser les flammes de la guerre, dont les répercussions se propagent bien au-delà du champ de bataille
  • Les dirigeants ne se rendent-ils pas compte que leur responsabilité ultime est de garantir une vie décente et sûre à leurs peuples et non de mettre en danger leur sécurité?

La guerre russo-ukrainienne a pris un virage brusque cette semaine. Dans son discours prononcé devant l'Assemblée fédérale russe mardi, le président Vladimir Poutine a accusé l’Occident d’utiliser l’Ukraine pour cibler la Russie «afin de transformer le conflit local en un affrontement à l’échelle mondiale». Ses propos coïncident avec la visite surprise du président américain, Joe Biden, en Ukraine, avant qu’il ne s’entretienne avec le président polonais, Andrzej Duda, à Varsovie. En réponse à l’allocution de Vladimir Poutine, le président américain a fait preuve de fermeté tout en promettant de fournir un plus grand soutien à l’Ukraine.

En attendant, les pays européens pro-ukrainiens maintiennent une position officielle intransigeante, fournissant encore plus d’équipements et d’armes militaires de pointe à l’Ukraine, sans compter le soutien politique, moral et logistique des États-Unis.

Un an après le début de la guerre, les pays occidentaux doivent gérer la crise de manière réaliste. Ils devraient œuvrer en faveur de la paix plutôt que d’attiser les flammes de la guerre, dont les répercussions se propagent, bien au-delà du champ de bataille, vers les communautés et les pays européens, menaçant la sécurité de leurs citoyens.

Un rapport publié la semaine dernière par l’Institut de recherche économique de Cologne, en Allemagne, soutient que les pertes subies par l’économie allemande en raison de la guerre en Ukraine s’élèveraient à 600 milliards d’euros d’ici à la fin de 2023. Les pertes par habitant devraient atteindre 2 000 euros, selon les dernières données sur le produit intérieur brut de l’Allemagne, en plus d’une augmentation de 40% des prix de l'énergie. Si l’économie la plus puissante d’Europe paie un prix aussi élevé à cause de la guerre, qu’adviendra-t-il des populations des autres pays européens?

Par conséquent, j’appelle les dirigeants et les chefs des États de l’Union européenne (UE) et du Royaume-Uni à inverser la tendance. En effet, s’ils continuent à suivre cette voie, les conséquences risquent d’être dévastatrices pour les populations et les économies de leurs pays. Ne contribuez pas à alimenter une guerre motivée par des objectifs étrangers avec des répercussions coûteuses pour les Ukrainiens, ainsi que pour vos peuples et vos États.

Avec le recul, il aurait été possible d’anticiper le déroulement des événements et de mettre en place un mécanisme international pour trouver une solution à la crise russo-ukrainienne avec le moins de dégâts possible, épargnant au peuple ukrainien innocent l’état de misère et d’itinérance qu’il connaît actuellement. Cela peut se faire en répondant aux préoccupations des parties belligérantes et en évitant les actions provocatrices, comme le projet d’élargir l’Otan en acceptant la Suède et la Finlande comme membres.

Il n’y a pas de gagnants dans la guerre et les plus grands perdants sont ceux qui attisent les conflits au lieu d’en éteindre les flammes.

Khalaf Ahmad al-Habtoor

Il va sans dire que ces actions provocatrices attiseront la colère de l’ours russe, qui ne ménagera aucun effort et utilisera tous les moyens disponibles, parmi lesquels les armes nucléaires stratégiques et conventionnelles, pour défendre ce qu’il considère comme son droit à la sécurité et à la souveraineté. La situation ne laisse rien présager de bon. Si l’escalade continue, elle conduira à une guerre nucléaire mondiale.

J’appelle donc les dirigeants et les chefs des États de l’UE et du Royaume-Uni à tirer des leçons des répercussions négatives de la guerre sur leurs pays et sur le monde en général. Le nombre d’Ukrainiens qui ont fui la guerre a dépassé les huit millions. Les Européens vivent dans un état de panique, avec une augmentation alarmante des taux de chômage et des prix qui montent en flèche pour des besoins de base comme le carburant, l’électricité et la nourriture.

Les peuples européens ont de la chance dans la mesure où la saison hivernale n’a pas été aussi rude que d’habitude sur le continent. Ainsi, leurs besoins en chauffage ont diminué, ce qui leur permet d’économiser sur des sources d’énergie dont les prix ont atteint des niveaux sans précédent l’an dernier en raison de la réduction par la Russie de ses approvisionnements en pétrole et en gaz vers leurs pays. Les dirigeants ne se rendent-ils pas compte que leur responsabilité ultime est de garantir une vie décente et sûre à leurs peuples et non de mettre en danger leur sécurité? Comment justifieraient-ils auprès de leurs bases électorales que le sort de leurs peuples dépend des évolutions sur le front russo-ukrainien?

Par ailleurs, les États européens sont-ils prêts à s’engager dans une troisième guerre mondiale dévastatrice, avec des conséquences désastreuses dans le monde entier? Alors que la guerre entre dans sa deuxième année, notre plus grande crainte est qu’elle s'intensifie et qu’elle devienne incontrôlable, avec des répercussions indescriptibles. Rien ne sert de pleurer lorsque le mal est fait.

Ces mots sont une lettre ouverte aux dirigeants européens et britanniques. Œuvrez donc  pour les intérêts de votre peuple et de votre patrie. Ne faites pas abstraction de leur souffrance. Arrêtez de financer des objectifs étrangers avec votre argent et les actifs de votre peuple. Que votre priorité soit de mettre fin à cette guerre. Déployez tous les efforts possibles en faveur de la réconciliation et d’un accord entre les Russes et les Ukrainiens plutôt que d’approvisionner une partie en armes et de la promouvoir au détriment de l’autre. Méfiez-vous des conséquences de l’alimentation du conflit: cela pourrait se retourner contre vous et vous seriez les premiers perdants, avec tous les dégâts que cela implique.

Les peuples européens ont tenu bon en raison de leur compassion et de leur sens de l’humanité. Cependant, ils croulent sous le poids de conditions économiques et de vie misérables. Vont-ils garder le silence pendant que vous poursuivez vos politiques absurdes? Un dirigeant responsable doit d’abord travailler pour les intérêts et le bien-être de son peuple. Il ne fera pas payer à ses citoyens le prix de ses erreurs et de ses choix aventureux.

Aujourd’hui, vous faites passer les intérêts des autres avant ceux de votre propre pays. Soyez les pionniers de la paix et constituez une barrière solide contre ceux qui cherchent à vous détruire. Le bilan du conflit s’élève à des centaines de milliers de victimes et à des millions de sans-abri innocents, sans parler des destructions, qui ont surpassé toutes les attentes.

Je vous appelle à œuvrer pour une réconciliation russo-ukrainienne sincère et à long terme. Je suis convaincu que les deux parties salueront cet effort. Il n’y a pas de gagnants dans la guerre et les plus grands perdants sont ceux qui attisent les conflits au lieu d’en éteindre les flammes.

 

 

Khalaf Ahmad al-Habtoor est un éminent homme d’affaires et une personnalité publique des Émirats arabes unis. Il est réputé pour ses opinions sur les affaires politiques internationales, son activité philanthropique et ses efforts pour promouvoir la paix. Il a longtemps agi comme ambassadeur officieux de son pays à l’étranger.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com