Les sommets européens tombent parfois dans l’oubli, mais celui de cette semaine pourrait être différent, car l'Union européenne (UE) traverse une période de changements profonds à l'approche du premier anniversaire de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Il est de plus en plus admis sur le continent que les décisions prises dans les mois à venir définiront le caractère économique et politique à long terme de l'UE. À l'ordre du jour de jeudi et vendredi figurent le conflit, le nouveau plan industriel vert massif annoncé la semaine dernière ainsi que la question de la politique migratoire.
En ce qui concerne l'Ukraine, Bruxelles a l'intention de marquer l'anniversaire des douze mois de guerre, le 24 février, par un 10e train de sanctions particulièrement important. Selon les termes de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, il s'agira d’«un nouvel ensemble massif. Le plan consiste à se concentrer une fois de plus sur les technologies qui peuvent et celles qui ne devraient pas être utilisées par la machine de guerre russe. En d'autres termes, nous examinons plus en profondeur les composants qui ont été trouvés, par exemple, dans les drones pour nous assurer que la Russie n’accède pas à ces technologies ou n’intervient pas dans la production de drones, par exemple en Iran, que nous suivons de près».
Ce train de sanctions, qui pourrait inclure le plafonnement du prix de vente des exportations de produits pétroliers raffinés, coïncidera avec un doublement du soutien de l'UE à l'Ukraine. L'aide globale promise par Bruxelles et ses États membres à Kiev s'élève déjà à près de 50 milliards d'euros (1 euro = 1,07 dollar). La dernière phase de ce soutien comprend une aide militaire de plus de 3,6 milliards d'euros dans le cadre de la Facilité européenne de soutien à la paix et le lancement de la mission d'assistance militaire de l'UE pour former un premier groupe de trente mille soldats ukrainiens en 2023.
Alors que l'on craignait auparavant que l'unité européenne et plus largement occidentale à l'égard de l'Ukraine ne se brise cet hiver, cette initiative souligne une nouvelle détermination au sein de l'alliance, qui doit maintenant se confirmer au printemps, alors que la guerre entre dans ce qui pourrait constituer une nouvelle phase dangereuse. Une partie de cet échange concerne la question complexe du processus d'adhésion de l'Ukraine à l'UE. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, affirme que des progrès majeurs ont été accomplis dans le cadre des réformes mises en avant par l'Union européenne, mais les dirigeants européens tiennent à repousser toute discussion sur un calendrier officiel d'adhésion de Kiev au club des vingt-sept membres.
De l'immigration à l'Ukraine en passant par le nouvel accord industriel vert, il est temps pour l'UE de se rassembler et de joindre le geste à la parole.
Sur le front de l'industrie verte, on sent de plus en plus à Bruxelles que l'Europe n'a qu'une fenêtre d'opportunité limitée pour agir face aux stratégies industrielles affirmées de la Chine et, désormais, à celles des États-Unis, en raison de leur loi sur la réduction de l'inflation.
Dans un contexte de désaccords importants au sein de l'Europe en ce qui concerne les plans, Mme von der Leyen tente d'obtenir l'adhésion à une série de mesures, notamment l'assouplissement des règles relatives aux aides d'État, afin de tenter de préserver l'avantage concurrentiel de l'UE sur les technologies essentielles et émergentes. Bien que les divergences au sein du bloc soient réelles, notamment au sujet des aides d'État, les vingt-sept États membres et Bruxelles doivent s'unir pour trouver une voie à suivre. En effet, de plus en plus d’avertissements indiquent que la base industrielle du continent européen pourrait devenir structurellement non compétitive, en particulier si les coûts énergétiques élevés persistent.
Si la forme finale de l'ultime ensemble européen de mesures n'est donc pas encore tranchée, l'impératif politique d'agir est de plus en plus fort. Cette détermination collective à tenter de rétablir des conditions de concurrence équitables avec les États-Unis et la Chine afin de préserver l'attractivité économique de l'Europe dans la course verte mondiale doit maintenant être mise en œuvre.
Des divisions apparaîtront également au sein du bloc sur la politique migratoire, compte tenu des défis croissants que posent les tendances migratoires à long terme induites par le changement climatique, les conflits, la famine et les difficultés économiques. Manfred Weber, chef de file du Parti populaire européen au Parlement européen, est allé jusqu'à affirmer: «Nous entrons dans une nouvelle crise migratoire en somnambules. Les capacités d'accueil des migrants via les routes des Balkans et de la Méditerranée sont épuisées.»
Le débat consiste à savoir comment équilibrer au mieux le contrôle de l'immigration, étant donné les dégâts politiques et la chute de confiance du public causés par la perception de la perte de contrôle des frontières de l'Europe en 2015, avec l'impératif économique et démographique auquel de nombreux pays de l'UE sont confrontés dans un contexte de pénurie croissante de main-d'œuvre. Cela entrave la reprise économique après le marasme de la pandémie et menace de limiter la croissance à long terme. Prenons l'exemple de l'Allemagne, où la baisse du taux de natalité et le vieillissement de la population sont tels que son économie a besoin de quelque 400 000 travailleurs supplémentaires par an. La France compte également des centaines de milliers de postes vacants non pourvus.
Avec des divisions prévisibles entre le Nord et le Sud ainsi qu’entre l’Est et l'Ouest sur ces questions, les dirigeants de l'UE doivent désormais se frayer un chemin à travers la complexité de ce schéma politique. De la migration à l'Ukraine en passant par le nouvel accord industriel vert, il est temps que l'Union européenne se rassemble et passe de la parole aux actes en prenant des décisions audacieuses et constructives.
Andrew Hammond est un associé de LSE Ideas à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.