On dit que l'histoire ne se répète jamais, mais qu'elle rime souvent. L'année 2023 pourrait fournir un exemple significatif de ce phénomène: les événements qui se produisent en République islamique d'Iran font écho à ceux qui ont eu lieu dans ce pays il y a quarante-quatre ans, mettant un terme à l'ère du chah. Il y a désormais de bonnes raisons de croire que l'ère des mollahs prendra bientôt fin elle aussi. Bien que la révolution qui menace aujourd'hui le régime théocratique ne soit pas identique à celle qui l'a porté au pouvoir, la communauté internationale peut tirer de nombreux enseignements de l'histoire.
Avant la révolution de 1979, les partisans internationaux du chah ne pouvaient tout simplement pas concevoir que son régime puisse être renversé par un soulèvement civil. Ce n'est qu'en novembre 1978 que l'ambassadeur américain en Iran, William Sullivan, a envoyé un premier message qui envisageait cette possibilité à Washington. Il décrivait cela comme «penser l'impensable» et invitait les États-Unis à élaborer un plan d'urgence pour le jour où le chah aurait épuisé sa capacité à maintenir son emprise sur le pouvoir.
À la lumière de ce qui précède, il est paradoxal de constater que, une fois le régime des mollahs établi dans les années qui ont suivi la révolution, de nombreux responsables politiques occidentaux ont repris l'habitude de supposer que le statu quo était inébranlable. Cette hypothèse a persisté jusqu'à aujourd'hui et elle semble avoir orienté la politique étrangère américaine et européenne vers des résultats souvent contre-productifs, voire carrément nuisibles.
C'est un exemple remarquable des parallèles imparfaits de l'histoire lorsque les mêmes erreurs se répètent dans les relations avec les alliés et les adversaires. Dans le cas de l'Iran, les États-Unis ont refusé de reconnaître la gravité du sentiment antigouvernemental de ses citoyens lorsqu'il était dans l'intérêt des objectifs de la politique étrangère américaine de maintenir le chah au pouvoir. Puis, lorsque l'ayatollah Khomeini a coopté la révolution populaire pour établir un système de gouvernement absolu par les religieux chiites, les États-Unis ont fait fi de l'indignation croissante de la population à l'égard du nouveau gouvernement, même si ses intérêts et ceux des Américains étaient diamétralement opposés.
Soutenir le mouvement de résistance iranien serait simplement faire preuve de bon sens.
Dr Majid Rafizadeh
Cette opposition a également perduré pendant plus de quatre décennies, à travers les administrations présidentielles iraniennes, les «dures» comme les «réformistes». À différents moments, au cours de cette période, les États-Unis et leurs alliés ont laissé passer des occasions extraordinaires d'aider le peuple iranien à remodeler son propre pays et toute la région de façon à faire oublier la révolution de 1979.
Pendant le soulèvement de 2009, par exemple, la présidence américaine d’Obama a refusé d'offrir un soutien significatif aux Iraniens qui avaient envahi les rues. L'excuse donnée à l'époque était que l'ingérence dans les affaires intérieures de l'Iran aurait permis au régime de rejeter plus facilement l'agitation populaire comme le produit d'une ingérence étrangère. Mais, bien entendu, Téhéran a de toute façon porté cette accusation contre les États-Unis et la Grande-Bretagne; il a continué de le faire en réponse à chaque soulèvement ultérieur, y compris celui qui a lieu en ce moment.
Depuis qu'elles ont éclaté, à la mi-septembre, après la mort de Mahsa Amini, cette étudiante qui était aux mains de la «police de la moralité» de Téhéran, les dernières manifestations nationales ont été largement reconnues comme l'un des plus grands défis lancés au système théocratique depuis les années qui ont immédiatement suivi la révolution. Cette perception a été encouragée par les rapports sur le rôle important joué par un réseau d'unités de résistance affiliées au groupe d'opposition du Conseil national de la résistance iranienne.
Le soulèvement actuel, tout comme plusieurs autres depuis la formation des unités de résistance, en 2014, témoigne d'une remarquable diversité de participation parmi les groupes ethniques et socio-économiques. Cela le distingue du Mouvement vert et alimente la perception selon laquelle il représente le pays tout entier qui rejette le régime dans sa totalité. Cette perception est encore renforcée par les slogans qui définissent ce soulèvement et d'autres qui ont lieu récemment, notamment le chant «À bas l'oppresseur, qu'il s'agisse du chah ou du leader [le Guide suprême, Ali Khamenei]».
Conformément au programme bien établi de l'opposition, ce slogan traduit un rejet de toute forme de dictature et un engagement à établir un système véritablement démocratique dont les intérêts seraient naturellement conformes à ceux de toutes les démocraties occidentales. En effet, l'opposition s'est imposée comme une entité favorable à un système de gouvernance démocratique et à des élections libres et équitables.
Soutenir le mouvement de résistance iranien serait simplement faire preuve de bon sens. À l'inverse, se tenir à l'écart serait faire directement le jeu des mollahs tout en ignorant les leçons de l'histoire. Quoi qu'il arrive dans les semaines à venir, le régime continuera à accuser les États-Unis et leurs alliés d'ingérence.
Toutefois, se ranger du côté du peuple iranien dans le conflit actuel n'est pas la même chose que de s'ingérer dans ses affaires. Il y a beaucoup à faire pour soutenir le peuple – et les États-Unis devraient faire pression sur tous leurs alliés pour qu'ils participent à une campagne multilatérale qui viserait à isoler le régime sur le plan diplomatique et à le paralyser sur le plan économique. C'est parfaitement conforme aux intérêts occidentaux et c'est aussi, de toute évidence, la marche à suivre.
Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com