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Ce début d’année 2023 a été marqué par plusieurs évolutions en termes de droit de la famille en Arabie saoudite. D’abord, celle qui est le plus facile à identifier et qui a donné lieu à de véritables scènes de soulagement de la part de beaucoup de femmes : désormais, il est possible pour une Saoudienne de transmettre sa nationalité à ses enfants même si elle les a eus avec un étranger.
C’est un progrès sociétal majeur même s’il faudra attendre que les enfants aient 18 ans et que plusieurs conditions soient remplies. Cela n’en constitue pas moins un coup très fort porté à la société traditionnelle et patriarcale.
La nationalité est une notion clé dans les monarchies du Golfe où, très souvent, le poids des étrangers est important dans la population. La citoyenneté y est donc un marqueur identitaire fort. Autoriser une femme saoudienne à transmettre la nationalité à ses enfants est donc un énorme progrès non seulement législatif, mais aussi culturel : cela montre d’abord que les mariages mixtes sont désormais culturellement acceptés et cela indique surtout que l’identité saoudienne cherche à évoluer et que la société accepte que le droit du sang soit porté par la femme comme par l’homme.
Cette évolution, qui arrive après la fin du chaperonnage pour les femmes femmes, la possibilité pour elles de quitter le pays sans autorisation, leur ouverture à la quasi-totalité des fonctions et des emplois, leur arrivée massive au sein du management des entreprises privées comme publiques, est symboliquement très importante car cette discrimination était souvent dénoncée et vécue très durement par les femmes concernées. Leur mariage avec un étranger était la plupart du temps bien accepté par leurs proches, mais le fruit de cette union paraissait rejeté par le pays. Cette officialisation est l’un des derniers obstacles qui tombent et montre à quel point la société saoudienne est plus mature que jamais.
L’autre indice de maturité de la société est peut-être plus fort encore. A l’occasion de l’arrivée de la star planétaire Cristiano Ronaldo au sein du club d’Al Nassr, il s’est posé un problème inattendu.
La compagne du joueur portugais, mère de ses enfants n’est pas mariée avec lui. Dans un pays comme l’Arabie saoudite, un couple non marié ne peut pas vivre sous le même toit. La loi est assez claire sur le sujet comme elle l’est dans la plupart des autres pays arabes.
Ce point de droit allait-il empêcher la compagne de Ronaldo de rejoindre l’homme de sa vie ? Et bien non. Une astuce juridique a permis de permettre à ce couple de vivre normalement sous le même toit. On pourrait interpréter cette situation comme la traduction d’une certaine hypocrisie.
Sauf qu’en l’occurrence, rien n’est caché : le monde entier sait que Georgina Rodriguez est la compagne de Cristiano Ronaldo. Il n’y a donc pas vraiment d’hypocrisie puisque cette situation est connue, cet aménagement administratif n’est rien de moins que l’expression d’une certaine tolérance non pas simplement des autorités du royaume, mais de la société entière. Il ne semble pas que personne ne se soit offusqué de la situation matrimoniale de Ronaldo et de son infraction manifeste au droit de la famille saoudien. Cette preuve de maturité, car c’en est une, démontre que la population saoudienne est beaucoup plus ouverte et tolérante que l’on pouvait l’imaginer. Bien entendu, nous illustrons cette ouverture à travers l’exemple d’une personnalité mondiale mais il s’agit typiquement d’un signal faible que la modernité arabe est en train de modifier profondément la culture locale qui, tout en restant fidèle à des traditions et des valeurs bien ancrée, est capable de tolérer des comportements qui auraient été jugés inacceptables il y a seulement quelques années.
Arnaud Lacheret est docteur en sciences politiques, Associate Professor à Skema Business School et professeur à la French Arabian Business School.
Twitter: @LacheretArnaud
NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.
