Le maintien au pouvoir du Premier ministre britannique Rishi Sunak, déjà menacé

L’intensification des troubles au sein du Parti conservateur pourrait menacer son maintien au pouvoir plus tôt que prévu (Photo, AFP).
L’intensification des troubles au sein du Parti conservateur pourrait menacer son maintien au pouvoir plus tôt que prévu (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 04 février 2023

Le maintien au pouvoir du Premier ministre britannique Rishi Sunak, déjà menacé

Le maintien au pouvoir du Premier ministre britannique Rishi Sunak, déjà menacé
  • Après quelque cent jours au pouvoir, la cote de popularité du Premier ministre est tombée cette semaine à son niveau le plus bas, soit -15, selon un sondage
  • Si les conservateurs tentent à nouveau de changer de chef cette année ou l’an prochain, c’est probablement vers Boris Johnson qu’ils se tourneront

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la plupart des gouvernements britanniques ont généralement été renversés par des difficultés économiques, notamment en 1970, en 1974, en 1979 et en 2010, ou par des crises éthiques/de malversations, comme en 1964 et en 1997. Cependant, l’ampleur des problèmes auxquels l’administration actuelle du Premier ministre, Rishi Sunak, fait face, est marquée par un échec sur les deux plans.

Après les rebondissements politiques du Royaume-Uni en 2022, la sagesse populaire voulait que le poste de Premier ministre de M. Sunak présage un mandat gouvernemental plus stable. Cependant, en ce mois de janvier, on assiste à une intensification des troubles au sein du Parti conservateur qui pourrait menacer son maintien au pouvoir plus tôt que prévu.

Il est évident, depuis des mois, que le gouvernement allait devoir faire face à une situation économique difficile en 2023, avec une perspective importante de récession. Cependant, ce à quoi on ne s'attendait pas, au début du mandat de Rishi Sunak, c'est le degré de corruption de son équipe dirigeante.

Bien que des élections générales ne soient pas prévues avant la fin de l’année 2024 ou le début de l’année 2025, cette situation a déjà un impact politique évident. Après quelque cent jours au pouvoir, la cote de popularité du Premier ministre est tombée cette semaine à son niveau le plus bas, soit -15, selon un sondage.

«L'administration de M. Sunak est secouée par un nombre inhabituellement élevé de défis déontologiques pour des ministres de premier plan.»

Bien que l’administration de M. Sunak ne soit en place que depuis trois mois à peine, elle a déjà été secouée par un nombre inhabituellement élevé de défis déontologiques pour des ministres de premier rang. Cela s’applique à Rishi Sunak lui-même, condamné à une amende la semaine dernière pour ne pas avoir porté la ceinture de sécurité alors qu’il conduisait une voiture – sa deuxième amende en un an après que la police l’a reconnu coupable l’année dernière d’avoir enfreint les règles relatives à la pandémie de Covid-19 au 10 Downing Street, aux côtés de son prédécesseur, Boris Johnson.

Si certains considèrent ces infractions comme relativement mineures, elles s’inscrivent dans un contexte plus large. Le ministre Gavin Williamson a démissionné au mois de novembre dernier après de graves allégations d’intimidation; le vice-Premier ministre, Dominic Raab, fait l’objet d’une enquête sur des allégations similaires; le président du Parti conservateur, Nadhim Zahawi, fait face à des questions croissantes sur ses finances et la secrétaire d’État à l’Intérieur, Suella Braverman, a été reconduite dans ses fonctions après plusieurs violations du Code ministériel.

L’ampleur de ces défis est telle que des parallèles ont été établis entre la situation difficile de M. Sunak en 2023 et celle du Premier ministre de l’époque, John Major, qui a perdu le pouvoir en 1997 au profit du Parti travailliste de Tony Blair. Bien qu’il existe certaines similitudes, ce qui est compliqué pour Rishi Sunak, c’est qu’il est confronté – contrairement à M. Major en 1997 – à un deuxième problème majeur: celui d’une économie stagnante.

Une situation qui a été confirmée mardi, lorsque les données ont montré que l’activité des entreprises du secteur privé britannique ce mois-ci avait subi sa plus forte baisse en deux ans. Les informations préliminaires de l’indice des directeurs d’achat soulignent que le ralentissement économique du Royaume-Uni en janvier a été pire que prévu, montrant le taux de déclin le plus rapide depuis le confinement de janvier 2021.

Les répercussions nettes de ces difficultés sont un assombrissement des perspectives politiques pour M. Sunak. Certes, le Royaume-Uni ne connaîtra probablement pas une répétition de l’année 2022, qui a été la première année en plus d’un siècle et demi (depuis 1868) au cours de laquelle trois Premiers ministres se sont succédé au 10 Downing Street. Cependant, le niveau élevé d’instabilité gouvernementale risque de perdurer. Ainsi, alors que Rishi Sunak veut essayer de se maintenir au pouvoir au moins jusqu’aux prochaines élections, il est possible que son gouvernement s’effondre cette année.

Les élections locales de mai constituent pour lui un point d'interrogation essentiel. Si les résultats sont très mauvais pour le Parti conservateur, il y aura des demandes croissantes au sein du parti pour un changement de chef. Pourtant, dans le même temps, les conservateurs savent également que, si cela devait se produire, il y aurait une clameur accrue pour des élections générales immédiates. En effet, il y a déjà eu deux changements de Premier ministre depuis les dernières élections de décembre 2019.

La dernière fois que le pays s’est trouvé dans ce contexte de leadership, ce fut à la période d’avant-guerre, lorsque Stanley Baldwin a remporté les élections de 1935 avant de céder le pouvoir à Neville Chamberlain deux ans plus tard. Il passera à son tour le relais à Winston Churchill en 1940, après le déclenchement de la guerre. Ce qui était perçu comme légitime en temps de guerre a cependant moins de respectabilité démocratique en temps de paix, plus de quatre-vingts ans plus tard.

C’est en partie pour cette raison que, si les conservateurs tentent à nouveau de changer de chef cette année ou l’an prochain, ils se tourneront probablement vers Boris Johnson. L’ancien Premier ministre chercherait à faire valoir qu’il dispose toujours d’un mandat démocratique depuis les élections de 2019 et qu’il peut toujours œuvrer pour le parti.

Ce qui rend l’attrait de M. Johnson si potentiellement puissant pour le Parti conservateur, c’est qu’il a été évincé de Downing Street en 2022, non pas en perdant un scrutin national, mais parce qu’il a été remplacé lors d’un vote interne du parti. Un nombre croissant de membres conservateurs pourraient regretter ce choix si M. Sunak ne parvient pas à s'imposer au pouvoir et, surtout, si les résultats des élections locales de mai sont très médiocres.



Andrew Hammond est un associé à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com