Israël a désormais prêté serment à son gouvernement le plus à droite de tous les temps, qui affirme sans ambages son objectif d'étendre les colonies, ce qui est en contradiction directe avec le droit international et anéantit toute perspective de solution à deux États. Comment le monde doit-il traiter avec un tel gouvernement?
L'administration Biden, aux États-Unis, déclare ironiquement qu'elle a hâte de travailler avec le Premier ministre Benjamin Netanyahou pour promouvoir la «paix régionale». La Maison Blanche, de manière soit naïve, soit sarcastique, a publié la déclaration suivante: «Les États-Unis continueront à soutenir la solution à deux États et à s'opposer aux politiques qui mettent en danger sa viabilité ou qui contredisent nos intérêts et valeurs mutuels.»
Dans le même temps, le premier point de la liste des principes fondamentaux du gouvernement Netanyahou indique qu'il travaillera à l'expansion des colonies en Cisjordanie. Il est dit que «le peuple juif a des droits exclusifs et indiscutables» sur la totalité d'Israël et des territoires occupés et que «le gouvernement va promouvoir et développer la colonisation de toutes les parties de la terre d'Israël – en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan et en Judée-Samarie», en référence à la Cisjordanie.
Parallèlement, ce gouvernement a rejeté le vote de la semaine dernière de l'Assemblée générale des nations unies qui demande à la Cour internationale de justice un avis sur les conséquences juridiques de l'occupation par Israël des territoires palestiniens. L'ambassadeur israélien auprès de l'ONU l'a qualifiée d'organisation «moralement en faillite et politisée» et il a décrit la Cisjordanie comme étant la «patrie» du peuple juif. Netanyahou a également fait une déclaration provocante en prétendant que le vote de l'ONU n’engageait pas Israël.
Netanyahou ne peut pas augmenter les colonies et fragmenter ce qui devrait être un État palestinien tout en amadouant les États-Unis et le reste du monde.
Dr Dania Koleilat Khatib
En décembre, l'ONU a adopté une résolution qui reconnaît le droit des Palestiniens à l'autodétermination, et donc leur statut de peuple. La résolution a reçu cent soixante-sept voix en sa faveur, alors que seuls Israël, les États-Unis et quatre autres pays, dont la Micronésie, s'y sont opposés. La pression internationale s'accroît donc sur Israël, tandis que le gouvernement Netanyahou défie plus que jamais le droit international.
Les gens raisonnables savent à quel point le gouvernement actuel est dangereux, car il s'efforce de créer des réalités irréversibles sur le terrain qui bloqueraient hermétiquement toute voie vers la paix entre les Israéliens et les Palestiniens. L'administration Biden, qui a tant de défis à relever sur le front de la politique étrangère, ne sera probablement pas disposée à ouvrir un nouveau front avec Netanyahou et son gouvernement.
Quant aux pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, il est peu probable qu'ils aient une quelconque influence sur le nouveau gouvernement. En réalité, Itamar Ben-Gvir, après avoir rencontré l'ambassadeur émirati, s'est vanté de manière provocante qu'Israël pouvait faire la paix avec les pays de la région «sans concessions». En outre, certains signaux indiquent que les pays qui ont normalisé leurs relations avec Israël sont prêts à traiter avec le gouvernement que le peuple israélien choisira.
Par ailleurs, de nombreux juifs américains sont très mécontents du nouveau gouvernement. Les trois quarts de la communauté juive des États-Unis sont de tendance démocrate et sont consternés par la coalition de Netanyahou. Le fossé entre les juifs américains et Israël se creuse. Avi Maoz, qui fait partie du nouveau cabinet et qui est chargé de «l'identité juive», s'est montré très critique à l'égard du mouvement du judaïsme réformé, qui comprend un tiers des Juifs américains et qui représente la plus grande confession du pays. Il est trop tôt pour parler de rupture, mais la relation entre Israël et les Juifs américains, qui est fondamentale pour Tel-Aviv, est aujourd'hui bancale. Cela s'explique par le fait que les juifs américains voient Israël se transformer en une entité qui ne les représente pas.
Les objectifs du nouveau gouvernement sont un désastre pour les Palestiniens, la région et Israël lui-même. D’abord, le nombre de meurtres en Cisjordanie se multiplie. L'augmentation de la construction de colonies nécessitera davantage d'expulsions. Les principes du gouvernement Netanyahou incluent également le Néguev, ce qui va galvaniser les Bédouins du désert.
Certains chercheurs affirment que ces principes ne sont pas contraignants et qu'ils espèrent que Netanyahou adoptera une voie plus «modérée». Toutefois, ces hypothèses sont un vœu pieux, car Netanyahou ne peut se permettre de contrarier les membres de son gouvernement. Si Maoz, Ben-Gvir et Bezalel Smotrich quittent le cabinet, Netanyahou pourrait se retrouver en prison pour ses affaires de corruption. Ceux qui ont suivi la carrière de Netanyahou savent qu'il est un animal politique et que sa survie passe avant tout. Il ne permettra pas que ce gouvernement s'effondre et qu'il se retrouve incarcéré.
Jusqu'à présent, le gouvernement tente de jouer sur les zones grises. Netanyahou veut faire plaisir à ses alliés de droite tout en donnant au monde de fausses assurances. Cependant, une pression de plus en plus forte devrait être exercée sur lui pour qu'il dise la vérité. Il ne peut pas augmenter les colonies et fragmenter ce qui devrait être un État palestinien tout en amadouant les États-Unis et le monde. Il faut également faire pression sur Israël pour qu'il définisse ses frontières.
Dans la mesure où Israël ne reconnaît pas d'État palestinien et continue de s'étendre, il ne définit pas ses propres frontières. Les pays arabes, en particulier ceux qui entourent Israël, devraient faire pression en faveur d'une résolution des Nations unies qui demande à Tel-Aviv de définir ses frontières. Il s'agit d'une revendication raisonnable, car les pays délimitent leurs frontières et les enregistrent auprès de l'ONU. Pour y parvenir, les pays arabes devraient se concerter avec les juifs américains, qui veulent sauver Israël de lui-même.
Le Liban a un rôle important à jouer dans cette résolution. L'accord de démarcation maritime conclu l'année dernière entre le Liban et Israël devrait servir de moteur à une telle action. Cela poussera également Israël à définir ses frontières terrestres avec le Liban et donc à clarifier sa position sur la zone des fermes de Chebaa, qui est un point de discorde entre les deux pays.
En un mot, la pression sur Israël doit se poursuivre et, à cet égard, le pousser à définir ses frontières à l'ONU serait la meilleure prochaine étape.
Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com