Personne ne sait ce que le monde deviendra en 2023 après plusieurs années d’incertitude absolue où rien ne s’est déroulé comme prévu.
Soyons clairs: se livrer au jeu de la perspective est impossible après une pandémie mondiale et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Personne ne peut savoir ce qu’il se passera, mais il est en revanche possible d’imaginer le rôle que la France pourra jouer.
Car 2022 a été une année de renouveau, contre toute attente, de l’action internationale de la France et 2023 va être l’occasion de poursuivre cet effort. En Europe d’abord, où l’Allemagne s’enfonce doucement dans la crise après avoir été à contretemps sur la guerre en Ukraine. L’absence d’Angela Merkel se fait sentir et Olaf Scholz semble encore loin de peser autant que celle qui a dirigé l’Allemagne pendant presque vingt ans.
La France a une occasion unique de prendre le leadership européen – voire, si elle parvient à être suffisamment habile, de créer un nouvel équilibre en Europe, notamment en valorisant les pays d’Europe centrale et orientale, et tout particulièrement le pays qui s’est révélé durant la crise ukrainienne: la Pologne. La France gagnerait à entamer un véritable dialogue diplomatique avec cette Europe qui ne veut plus s’aligner sur l’Allemagne. Pour cela, il faudrait qu’Emmanuel Macron parvienne à ne pas mélanger politique politicienne et diplomatie et qu’il parvienne à intégrer que tous les pays européens n’ont pas culturellement les mêmes valeurs, mais que ce qui les unit est plus fort que ce qui les divise.
Forte d’une politique arabe différente et sans complexe, la France doit avoir sa carte à jouer, notamment dans la recomposition du Moyen-Orient - Arnaud Lacheret
La France va avoir également besoin de développer une politique asiatique forte et ambitieuse. Elle doit privilégier ses relations avec l’autre géant asiatique qu’est l’Inde, qui a déjà, à plusieurs reprises, montré qu’il avait un désir de promouvoir ce partenariat original dont la vente des avions Rafale est la vitrine. Ces relations peuvent et doivent se matérialiser dans le long terme par des échanges en profondeur. On peut penser à la culture, au tourisme, mais aussi et surtout aux échanges d’étudiants. Les Indiens sont de plus en plus nombreux à choisir la France pour étudier; c’est l’occasion de construire une relation de long terme qui dépasse la simple diplomatie économique et stratégique.
L’autre défi de la France sera l’Afrique, où elle est très contestée, notamment par la Russie et la Chine, à des degrés divers. On l’ignore souvent, mais la France est très présente dans plusieurs pays non francophones. L’ambassadrice de France au Ghana a été nommée meilleure ambassadrice de ce pays en 2022 et elle n’est qu’un exemple de ce qu’est une diplomatie africaine ambitieuse qui se détache de plus en plus de ses anciennes colonies. Plus à l’Est, TotalEnergies développe des projets d’infrastructures contestés en Ouganda et en Tanzanie dont les travaux se poursuivront tout au long de l’année, faisant de l’entreprise française un acteur majeur de l’Afrique anglophone.
C’est aussi dans le monde arabe que la France peut transformer l’essai. Après une année qui a mené Emmanuel Macron pour la première fois en Algérie et en Arabie saoudite, le moment va venir où il faudra construire une véritable relation partenariale avec des pays qui sont de plus en plus approchés par la Chine et semblent se détourner de l’Occident.
Forte d’une politique arabe différente et sans complexe, la France doit avoir sa carte à jouer, notamment dans la recomposition du Moyen-Orient. Mais, pour cela, il faudra sortir de l’ambiguïté vis-à-vis de l’Iran. Les manifestations et les révoltes qui secouent ce pays l’ont parfaitement montré: on ne doit pas négocier avec un État qui massacre sa population et n’existe qu’en déstabilisant ses voisins. Cette phrase pourrait aussi parfaitement s’appliquer à la Russie, mais il est compliqué de se hasarder à une quelconque perspective au sujet de ce pays tant l’instabilité de toute la région est grande.
Enfin, la France pourra tirer profit de sa diplomatie sportive dont on a pu mesurer au Qatar qu’elle était loin d’être anodine. L’Hexagone organise la Coupe du monde de rugby en 2023 et sera dans la dernière ligne droite de sa préparation des Jeux olympiques de Paris 2024. Le pays va se trouver dans une fenêtre très favorable en termes d’exposition médiatique et nul doute que l’approche de ces événements pourra être exploitée en termes de diplomatie et de relations internationales.
Arnaud Lacheret est docteur en sciences politiques, Associate Professor à Skema Business School et professeur à la French Arabian Business School. Twitter: @LacheretArnaud
NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.