Alors que l’on parlait volontiers de déclin, de perte d’influence et d’effacement de la France sur le plan international, l’année 2022 ne montrerait-elle pas justement que le pays devient plus offensif en matière de relations internationales?
On avait quitté l’année 2021 avec une France engluée dans une campagne électorale compliquée où le président, Emmanuel Macron, entrait à reculons, refusant de faire plus que le strict minimum. Au plan international, la France semblait continuer à décliner, ou plutôt à patiner dans une sorte d’indécision permanente, ce fameux «en même temps» qui rendait sa politique difficile à déchiffrer.
Mais l’année qui vient de s’écouler semble montrer quelque chose de très différent. Si M. Macron n’a pas changé et agace parfois par une certaine indécision et une difficulté apparente à prendre position, les événements ont permis à la France de retrouver une influence qu’on lui croyait perdue.
On l’a vu de manière très nette dans le renouveau des relations avec le monde arabe. La visite d’Emmanuel Macron au prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, fut la première d’un chef d’État occidental et elle s’inscrivait dans le prolongement de visites remarquées aux Émirats arabes unis (EAU) et au Qatar. J’écrivais dans ces colonnes le 12 mai dernier qu’Emmanuel Macron entamait un renouveau de relations constructives avec le monde arabe et incontestablement, les débuts du second mandat présidentiel ont tenu leurs promesses à cet égard.
M. Macron a également tenu, à travers son voyage en Algérie cet été, à renouer des liens distendus avec le Maghreb, élan qui a été confirmé il y a quelques jours à travers la fin des restrictions de visa avec les ressortissants du royaume du Maroc.
Toutefois, c’est sur un autre plan que la diplomatie française a pu se faire remarquer en 2022. Professeur de géopolitique à l’Essec, Cédomir Nestorovic note un découplage de l’alignement avec l’Allemagne: «Depuis le Brexit, il n’y a plus que deux puissances diplomatiques en Europe de l’Ouest et force est de constater que l’Allemagne et la France font désormais cavalier seul ainsi que l’illustre la récente visite du chancelier, Olaf Scholz, en Chine.» C’est sur le dossier ukrainien que les positions allemandes et françaises se sont le plus éloignées, l’Allemagne payant très cher sa dépendance volontaire au gaz russe au point que l’on a pu se demander si une partie de sa classe politique n’était pas compromise.
Pour autant, une nouvelle fois, le président français a énormément hésité au début du conflit, tenant absolument à maintenir un dialogue avec Vladimir Poutine. Pour Cédomir Nestorovic, «c’est une bonne chose qu’il ait pu maintenir ce contact, car cela laisse la place pour une initiative de paix en 2023». Au vu des difficultés rencontrées par la Russie sur le terrain et de l’unité occidentale affichée derrière l’Ukraine, on peut toutefois raisonnablement émettre un doute sur la probabilité d’une paix négociée avec un président russe qui semble de plus en plus isolé, y compris vis-à-vis de ses alliés traditionnels.
Un autre élément du bilan 2022 de l’action internationale de la France porte sur la politique africaine. On assiste à une perte d’influence en Afrique francophone de plus en plus évidente. La France est militairement remplacée par la Russie au Mali et en République centrafricaine, par l’intermédiaire de troupes de mercenaires à la sinistre réputation. Pour autant, dans ces deux pays, force est de constater que la France n’avait plus d’intérêts particuliers comme nous l’indique un gradé fin connaisseur du terrain africain ayant été déployé sur ces deux secteurs. Par ailleurs, il semble que les Russes soient désormais trop occupés en Ukraine pour faire preuve d’une quelconque efficacité militaire au Sahel.
Enfin, la France a progressé en matière de relation transatlantique. La visite d’État du président Macron a permis d’exprimer clairement les différends que la France et l’Europe avaient vis-à-vis des États-Unis tout en promouvant une relation plus équilibrée. L’année 2023 nous montrera si cet élan se poursuit où s’il ne peut perdurer.
Car le véritable enjeu est celui d’une construction dans la durée. «La fin du corps diplomatique a énormément frustré le Quai d’Orsay et on peut craindre que l’alignement de l’Élysée avec la diplomatie française ne soit durablement affecté», nous confie M. Nestorovic. Il est toutefois indéniable de constater que l’activisme diplomatique d’Emmanuel Macron, même s’il a pu être parfois relativement maladroit, a su être efficace en dépit de la fin du corps diplomatique. Peut-être que l’analyse présidentielle qui a conduit à cette décision n’était finalement pas si erronée et qu’en effet, la diplomatie française était devenue trop endogène, centrée sur sa propre conservation plutôt que sur l’exercice de sa mission. Au regard du nombre d’enjeux qui attendent la France dans le monde, il sera assez facile de le vérifier en 2023.
Arnaud Lacheret est docteur en sciences politiques, Associate Professor à Skema Business School et professeur à la French Arabian Business School.
Ses derniers livres: Femmes, musulmanes, cadres… Une intégration à la française et La femme est l’avenir du Golfe, aux éditions Le Bord de l’Eau.
Twitter: @LacheretArnaud
NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.