Benjamin Netanyahou a prouvé à ses détracteurs qu'ils avaient tort lorsqu'il a formé une coalition d'extrême droite qui a dominé les élections israéliennes le mois dernier et qu'il est revenu en force au pouvoir.
M. Netanyahou a dû passer un pacte avec le diable pour remporter ces élections et, ainsi, l'aider à atteindre son véritable objectif: se mettre à l'abri des inculpations pour corruption qui l'ont accablé ces dernières années.
Mais si ce partenariat avec les partis de droite et antipaix israéliens le ramène au bureau du Premier ministre, entouré de certains des politiciens les plus extrémistes du pays, il pourrait également mettre à mal les accords d'Abraham qui, espérait-on, pourraient permettre d’établir la paix entre le monde arabe et Israël.
Le nouveau gouvernement de droite de Benjamin Netanyahou sera probablement si anti-arabe et antimusulman qu'il pourrait fermer la porte à tout nouvel accord auquel les pays arabes auraient pu être persuadés d’adhérer.
L'une des conditions qui ont rendu la signature des accords d'Abraham acceptable pour les Émirats arabes unis (EAU), le Bahreïn et même le Maroc était la promesse de M. Netanyahou et d'Israël de mettre de côté les plans d'annexion de la Cisjordanie. Mais désormais, l'avenir de la Cisjordanie et cette promesse sont en danger, car les nouveaux partenaires de Benjamin Netanyahou, qui ont réclamé l'annexion, sont sur le point de s’attribuer une part importante dans le gouvernement israélien.
M. Netanyahou a remporté les élections en s'associant aux partis juifs ultraorthodoxes et en évitant tout partenariat avec le centre, isolant même les partis arabes qui avaient accepté de travailler avec ses rivaux, dont Yaïr Lapid.
Plus important encore, ces partis religieux de droite exigeront l'annexion de la Cisjordanie et ils pourraient même envisager des changements à Al-Haram al-Sharif (Esplanade des mosquées), où des extrémistes ont réussi à pénétrer sur le site, interdit à ce moment-là aux musulmans qui voulaient s’y rendre.
Le Who's Who de la coalition de Benjamin Netanyahou devrait inquiéter le monde arabe quant à son engagement à poursuivre la paix et sa promesse de ne pas annexer la Cisjordanie.
M. Netanyahou prévoit d'offrir à Aryeh Deri trois postes ministériels, dont celui de ministre de l'Intérieur. En tant que ministre de l'Intérieur, M. Deri aura le pouvoir de rompre la promesse d'annexion et c'est exactement ce qu'il a clamé dans ses discours ces dernières années. En réalité, sa plate-forme politique – et celles des autres partis politiques ultra-orthodoxes de la coalition de Benjamin Netanyahou – est basée sur l'annexion de la Cisjordanie dès que possible.
Le Who's Who de la coalition de Benjamin Netanyahou devrait inquiéter le monde arabe quant à son engagement à poursuivre la paix.
Ray Hanania
M. Netanyahou ne s'est guère donné le choix. Il a obtenu le soutien de M. Deri en contrepartie de sa promesse de modifier la loi israélienne concernant les fonctionnaires du gouvernement ayant un casier judiciaire. Aryeh Deri a récemment été condamné pour fraude fiscale et le fait de modifier la loi éliminera toute menace pour sa carrière politique. Au sein de la classe politique israélienne, l'attention s'est portée presque exclusivement sur la manière dont Benjamin Netanyahou espère utiliser le soutien de ses puissants alliés politiques ultraorthodoxes pour changer la loi israélienne et saper les accusations de corruption portées contre lui, ainsi que pour aider M. Deri.
Les autres partenaires de M. Netanyahou sont encore pires. Le chef du parti sioniste religieux, Bezalel Smotrich, est pressenti pour un rôle au sein du ministère de la Défense, ce qui lui permettra de contrôler la construction en Cisjordanie. Itamar Ben-Gvir, un colon israélien extrémiste et leader du parti Force juive, qui a aidé Benjamin Netanyahou à remporter une majorité de sièges à la Knesset, sera chargé de la sécurité nationale et du maintien de l'ordre en Cisjordanie.
M. Smotrich aura pour mission d'accélérer l'expansion des colonies israéliennes, tandis que M. Ben-Gvir veillera à ce que ces colonies n'aient pas à se soucier du financement, du soutien militaire ou des contestations des Palestiniens.
Le nouveau gouvernement de M. Netanyahou, lorsqu'il sera officiellement annoncé, devrait susciter de graves inquiétudes dans le monde arabe, en particulier dans les pays qui ont signé les accords d'Abraham, ainsi que dans d'autres qui restent sur la touche, dans l'espoir de voir un nouveau contexte de paix rendre leur signature possible.
Comme on a pu le constater au Qatar lors de la Coupe du monde de la Fifa, les journalistes et les officiels israéliens ont été autorisés à assister à la rencontre, mais ils ont dû faire face à un froid. Alors que de nombreux gouvernements arabes espéraient construire sur les bases des accords d'Abraham, les gens ordinaires se sont montrés plus sceptiques quant aux motivations d'Israël. Lors de la couverture de la compétition, les journalistes et les politiciens israéliens se sont plaints à haute voix d'avoir été snobés par les officiels, les athlètes et les membres du public en raison des violations des droits des Palestiniens par Israël.
Les accords d'Abraham ont été conçus pour servir de nouvelle voie de sortie du conflit, une feuille de route actualisée autour des Palestiniens, plutôt que par eux, pour parvenir à la paix. C'était logique, bien sûr, car la scène politique palestinienne est en proie à des conflits et à des dissensions sans fin, qui paralysent le gouvernement.
Même si les Palestiniens voulaient faire la paix avec les Israéliens, ils en seraient incapables en raison des profondes divisions et d’une désunion parfois violente. Mais cette préoccupation est désormais éclipsée par les extrémistes que Benjamin Netanyahou place aux commandes et par leur détermination à saper le fondement essentiel des accords d'Abraham, soit l'arrêt de l'annexion de la Cisjordanie.
Ces évolutions politiques rapides et la montée de l'ultradroite ne peuvent qu'avoir un impact négatif sur ce que beaucoup espéraient être le chemin vers la fin des tensions régionales.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il est joignable sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com. Twitter : @RayHanania
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com