Depuis octobre, une grande attention est accordée au fait que Rishi Sunak est le premier non-Blanc à occuper le poste de Premier ministre au Royaume-Uni. Il est fils de parents hindous d’origine pendjabie nés en Afrique du Sud-Est.
L’accession de Sunak à ce poste représente un moment important de l’histoire du Royaume-Uni et survient à un moment où le gouvernement espère conclure un gros accord commercial avec l’Inde. La secrétaire d’État au Commerce international, Kemi Badenoch, s’est rendue à New Delhi cette semaine pour tenter de faire progresser les négociations, tandis que le ministre de la Politique commerciale, Greg Hands, a déclaré à la Chambre des communes en octobre qu’une majorité des chapitres de l’accord – seize de vingt-six – avaient déjà été approuvés.
Un accord commercial bilatéral, s’il est négocié correctement, serait un énorme succès pour Londres et New Delhi, qui entretiennent des liens uniques remontant à l’Empire britannique. Cette relation de longue date a été revitalisée grâce à l’arrivée de Sunak au 10 Downing Street, ses deux grands-pères étant nés au Pendjab avant d’émigrer en Afrique de l’Est puis au Royaume-Uni dans les années 1960. Il fait maintenant partie de la diaspora indienne estimée à 1,5 million d’habitants en Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord.
Sunak et son homologue indien Narendra Modi apprécient tous deux les relations bilatérales. La visite en Inde du ministre des Affaires étrangères James Cleverly en octobre pour rencontrer son homologue indien Subrahmanyam Jaishankar souligne effectivement l’importance que le Royaume-Uni accorde à ses relations avec New Delhi.
Le Royaume-Uni, sous Sunak, a au moins deux raisons majeures de mettre la relation avec l’Inde sur une base aussi chaleureuse que possible. La première est le refroidissement postpandémique des liens avec la Chine, qui a peut-être été plus important entre Pékin et Londres qu’avec de nombreuses autres capitales européennes. C’est en partie à cause des liens historiques du Royaume-Uni avec Hong Kong, une ville qu’il a gouvernée jusqu’à ce qu’elle passe sous le contrôle de Pékin en 1997.
La deuxième raison est que Londres souhaite que les entreprises britanniques aient, après le Brexit, un meilleur accès au marché indien d’environ 1,3 milliard de consommateurs grâce à un accord commercial bilatéral. La force de la relation économique contemporaine découle du fait que le Royaume-Uni soit l’un des plus grands employeurs et investisseurs du G20 dans le pays. L’Inde, quant à elle, est l’une des principales sources d’investissement étranger au Royaume-Uni.
Il y a plusieurs éléments de la relation économique qui ont récemment fini par dominer les relations bilatérales et sur lesquels Sunak veut mettre l’accent au moyen d’un accord commercial. Premièrement, il souhaite une coopération encore plus forte dans le domaine de l’industrie de la défense dans le cadre d’un dialogue bilatéral approfondi sur la sécurité.
Deuxièmement, il vise des investissements internationaux supplémentaires, via la City of London, pour financer les infrastructures indiennes. Troisièmement, il met l’accent sur la technologie, compte tenu des investissements importants dans les entreprises indiennes de télécommunications et de technologie par les entreprises dont le siège est au Royaume-Uni.
Pourtant, malgré tous les gains potentiels d’un accord commercial, il y a aussi des défis. L’un des principaux problèmes sur lesquels l’Inde insiste est la réforme de l’immigration au Royaume-Uni pour permettre à davantage d’hommes d’affaires et d’étudiants indiens de se rendre en Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, comme cela a été décidé dans les accords commerciaux post-Brexit du Royaume-Uni avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Bien qu’il y ait eu quelques progrès dans ce domaine – y compris un accord ces dernières années entre Londres et New Delhi sur le retour plus rapide des immigrants indiens illégaux – il n’y a toujours pas eu de percée globale décisive. De plus, la ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, qui suscite beaucoup de controverse, a enflammé les liens le mois dernier lorsqu’elle a déclaré que les Indiens étaient les ressortissants qui avaient le plus dépassé la durée de leur visa britannique.
Malgré les différences qui subsistent entre l’Inde et le Royaume-Uni sur les détails d’un nouvel accord commercial, ce qui est plus frappant, c’est à quel point l’économie a fini par dominer les relations bilatérales sous les gouvernements conservateurs depuis 2010. Ce faisant, d’autres problèmes de longue date ont été relégués au second plan, y compris les droits de l’homme.
«Cette relation de longue date a été revitalisée grâce à l’arrivée de Sunak au 10 Downing Street.»
- Andrew Hammond
Par exemple, il y a eu un débat à la Chambre des communes en 2018, au cours duquel les députés ont demandé au gouvernement de soulever avec Modi, qui dirige le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata, le traitement des groupes minoritaires sikhs et chrétiens en Inde. En 2013, il y avait même une motion de la Chambre des communes appelant le ministère de l’Intérieur, qui est responsable de la politique d’immigration du pays, à réintroduire l’ancienne interdiction de voyager au Royaume-Uni contre Modi, citant son prétendu «rôle dans la violence communautaire en 2002» au Gujarat. En vertu de cette interdiction, qui a été annulée par Londres en 2012 avant que Modi ne devienne Premier ministre deux ans plus tard, il n’est pas autorisé à entrer dans le pays en raison de son implication présumée dans ces troubles de 2002, alors qu’il était ministre en chef de l’État.
Aussi importants que soient les droits de l’homme, ces controverses continueront probablement d’être largement ignorées par Sunak. Tant que ce dernier continuera de donner la priorité aux relations entre le Royaume-Uni et l’Inde sous Modi, les défis bilatéraux des deux pays seront remplacés par le désir d’une plus grande collaboration économique.
Andrew Hammond est un associé à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com