La décision d'un tribunal irakien d’emprisonner un jeune homme pour avoir critiqué un organisme gouvernemental a suscité colère et opposition dans la province du sud de Nassiriya la semaine dernière, poussant des centaines de jeunes à manifester et à affronter les forces de sécurité, qui ont tué au moins deux manifestants.
L'affaire a commencé lorsque Haider al-Zaidi, 20 ans, a apparemment critiqué le défunt commandant adjoint des Unités de mobilisation populaire pro-iraniennes (UMP), Abou Mahdi al-Mouhandis, sur Twitter. En juin, le département de la sécurité des UMP a arrêté Al-Zaidi et l'a détenu pendant seize jours pour un tweet critiquant Al-Mouhandis, où il écrivait qu’«en Irak, seul un espion serait décrit comme étant un martyr». Le 5 décembre, le tribunal pénal de Russafa à Bagdad a accusé le jeune homme d'insulte aux institutions de l'État et l'a condamné à trois ans de prison.
Lors de sa détention et de son interrogatoire, cet étudiant a été torturé et insulté par ses ravisseurs, selon son père, qui cherche à faire libérer son fils. «Nous attendons que les UMP abandonnent les charges et résolvent l'affaire. Nous essayons de trouver une solution à travers nos contacts personnels», a déclaré Hamid al-Zaidi aux journalistes, indiquant que l'état actuel de son fils était bon et qu'il avait été autorisé à lui rendre visite et à lui apporter de la nourriture et des vêtements.
Selon une agence de presse irakienne, il a été déclaré dans le jugement que les UMP se réservaient le droit à une indemnisation une fois la décision devenue définitive, ajoutant que le téléphone portable de l'accusé resterait entre les mains des enquêteurs pour avoir contenu des informations sécuritaires.
Le jeune militant a été condamné sur la base de l'article 226 du Code pénal irakien de 1969, qui interdit «d'insulter publiquement» l'Assemblée nationale, les forces armées ou tout autre organisme gouvernemental.
Est-ce le nouvel Irak pour lequel les gens se sont battus après la fin de la dictature de Saddam Hussein? Quel genre de message le régime au pouvoir essayait-il de faire passer à travers son système judiciaire?
La classe dirigeante pro-iranienne vise à étendre le système radical et violent de Téhéran à Bagdad par la force à travers ses milices. Elle punit quiconque n'est pas d'accord avec son programme.
«La classe dirigeante pro-iranienne vise à étendre le système radical et violent de Téhéran à Bagdad par la force à travers ses milices»
- Dalia al-Aqidi
Adam Coogle, directeur adjoint pour le Moyen-Orient à Human Rights Watch, a critiqué le système judiciaire irakien, qui ne devrait pas être utilisé comme un moyen d’étouffer les critiques pacifiques envers les autorités ou des éléments armés. «C'est une image déplorable de l'État de droit en Irak qu'un activiste comme Al-Zaidi écope de trois ans de prison pour un message sur Twitter qu'il affirme ne pas avoir écrit, alors que des dizaines de responsables et de groupes armés vivent en toute impunité après avoir tué des militants et des manifestants», a-t-il affirmé.
Le douteux système judiciaire irakien supprime les libertés du peuple en faveur des chefs de milice et des partisans du velayat-e faqih. Cela va à l'encontre de la nouvelle Constitution du pays, censée protéger les droits et les libertés du peuple irakien.
Le verdict a suscité colère et déception dans la rue irakienne, d'autant plus qu'il a été prononcé une semaine environ après la libération d'un homme accusé d'avoir volé plus d'un milliard de dollars de fonds publics.
Il n'y a qu'en Irak que des criminels sont acquittés, tandis que des innocents sont criminalisés en raison de leur manque de loyauté envers un pays voisin.
Il n'y a qu'en Irak que les enlèvements, la torture et les meurtres sont légaux du moment qu'ils oppriment l'opposition qui a osé rêver de vivre dans la paix et la dignité.
Les fidèles de Khomeiny placent Al-Mouhandis, un terroriste extrémiste, tueur et chef de milice, dans la catégorie des saints. Lui et les gens de son espèce, qui reçoivent leurs ordres directement du régime de Téhéran, ont tué des centaines de jeunes manifestants et en ont blessé des milliers dans tout le pays. Al-Mouhandis, le fondateur de la milice Kata'ib Hezbollah, qui a été tué lors d'une attaque de drones américains en 2020 avec son supérieur, Qassem Soleimani, n'était rien d'autre qu'un terroriste. Il a été condamné à mort au Koweït pour son implication dans les attentats à la bombe de 1983 contre les ambassades américaine et française. Il a également combattu avec l'armée iranienne contre l'Irak pendant la guerre des années 1980 qui a opposé les deux pays.
Le cas d'Al-Zaidi n'est pas le premier et ne sera pas le dernier. Tant que ces groupes continueront à tenir l'Irak en otage, des milliers de personnes seront assassinées ou emprisonnées, aussi longtemps qu'elles refuseront de se plier au régime iranien.
Si ces terroristes barbares et sanguinaires contrôlent le berceau de la civilisation, les hashtags, les pétitions et les manifestations ne sauveront pas le peuple de leurs crimes.
Dalia Al-Aqidi est chercheure principale au Center for Security Policy.
Twitter: @DaliaAlAqidi
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com