La crise mondiale de la biodiversité est passée au rouge. Cependant, au moment où des représentants de presque tous les pays se réunissent à Montréal à partir du 7 décembre pour le sommet de la COP15 de l’ONU, une possibilité d’accord est loin d’être certaine.
La COP15 est la 15e Conférence des parties à la convention des Nations unies sur la diversité biologique, un traité initialement rédigé en 1992. Le forum devait avoir lieu en Chine en 2020, mais a été reporté plusieurs fois en raison de la pandémie de Covid-19.
La convention a été transférée au Canada pour éviter tout retard supplémentaire et la Chine en conserve la présidence. Au cours de la première phase qui a eu lieu l’année dernière, les ministres de plus de cent pays se sont engagés à parvenir à un accord concernant ce qui a été présenté comme un cadre mondial pour la biodiversité, sans pour autant s’engager à mener à bien des objectifs spécifiques.
L’objectif à Montréal est d’établir un cadre pour la biodiversité post-2020 en vue de faire face à la crise du monde naturel, potentiellement jusqu’au milieu du siècle pour la plupart des pays, à l’exception des États-Unis, qui ne s’y sont toujours pas engagés. Cette démarche comprendra des objectifs clés à atteindre d’ici à 2030.
Si les différentes parties parviennent à un accord, la réunion sera aussi importante pour endiguer la perte de biodiversité que l’accord historique de Paris de 2015 pourra encore l’être pour l’action contre le changement climatique. Le besoin est particulièrement pressant puisque les pays n’ont pas réussi à atteindre un seul objectif fixé pour la décennie précédente.
Les signaux d’alerte sont passés au rouge dans ce que certains scientifiques qualifient de sixième grande extinction à laquelle la planète fait face, avec un million d’espèces végétales et animales menacées d'extinction. Les populations d’animaux sauvages surveillées ont chuté en moyenne de 70% au cours des cinquante dernières années et de vastes étendues de forêt sont perdues toutes les minutes. De toute évidence, cela ne peut plus durer.
Aujourd’hui, on estime qu’au moins la moitié de la production économique mondiale dépend d’écosystèmes en bon état de fonctionnement. Cela se fait soit directement à partir de l’utilisation de ressources comme l’eau, de processus comme la pollinisation ou de conditions comme la santé des sols, soit au moyen d’activités indirectes qui dépendent de ces processus naturels, comme la vente au détail.
Il y a plus de vingt objectifs dans le projet d’accord créé par un groupe de travail de l’ONU dans les années qui ont précédé la COP15 pour remplacer un accord du dernier grand sommet sur la biodiversité tenu au Japon en 2010. Pour mener à bien cette tâche colossale, il faudra des négociations laborieuses à Montréal. Seuls très peu d’objectifs et environ un cinquième du texte du cadre défini ont jusqu’à présent été approuvés.
L’un des principaux objectifs est de s’engager à protéger au moins 30% des terres et des eaux du monde d’ici à 2030. Plus de cent pays ont rejoint une coalition en faveur de cet objectif «30 millions d’ici à 2030», ce qui représenterait une augmentation significative des terres et des océans protégés, mais cela est considéré par de nombreuses ONG comme une décision insuffisante et tardive.
Bien que l’événement ne soit pas centré sur le changement climatique en soi, ce sujet est essentiel à la discussion. Le réchauffement climatique accélère la perte de biodiversité et d’écosystèmes clés, y compris les forêts riches en biodiversité. Cela pourrait bien sonner le glas de l’objectif d’1,5 degré Celsius dans le cadre de l’accord de Paris.
Avec des enjeux aussi élevés, il est surprenant que peu de chefs d’État et de gouvernement soient présents, à l’exception du Premier ministre canadien Justin Trudeau, et ceci malgré la pression exercée sur les dirigeants mondiaux pour qu’ils y assistent.
Au Royaume-Uni, par exemple, des dizaines de députés, dont des conservateurs du parti au pouvoir, ont écrit au Premier ministre Rishi Sunak pour lui demander d’assister à la COP15 et avertir que le manque d’adhésion politique de haut niveau pourrait être synonyme d’échec. L’ancienne Première ministre Liz Truss s’était engagée à y assister.
La secrétaire britannique à l’Environnement, Therese Coffey, sera présente, mais la leçon à tirer des sommets sur le climat réussis, comme celui de Paris en 2015, est que la participation des principaux acteurs politiques fait souvent la différence entre le succès et l’échec dans des négociations qui peuvent être épuisantes. La lettre à M. Sunak met en garde, à juste titre, contre le danger que Montréal puisse reproduire le sommet sur le climat de Copenhague en 2009, où le processus a failli s’effondrer.
Alors que la COP de Montréal est sur le point de commencer, le monde est à la croisée des chemins. Un échec serait un désastre, mais le succès pourrait encore voir un nouveau cadre puissant s’établir au profit de la nature qui deviendrait la pierre angulaire du développement durable pour des milliards de personnes à travers le monde dans les années 2020 et au-delà.
Andrew Hammond est un associé à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com