Sameh Choukri a eu chaud! Le ministre égyptien des Affaires étrangères, en charge de présider la COP27, qui s'est achevée le dimanche 20 novembre dernier, a redouté jusqu'au dernier moment que les délégués des quelque 190 pays réunis à Charm el-Cheikh ne se séparent sur un constat d'échec.
Mais, coup de tonnerre, l'Europe lui a sauvé la mise deux jours avant la clôture de la conférence en proposant à la surprise générale de créer un fonds pour aider les pays les plus pauvres à faire face aux conséquences irréparables qu'ils subissent du fait du réchauffement climatique, une demande formulée depuis des lustres par ces pays et régulièrement écartée jusqu'alors par les États-Unis et l'Union européenne (UE).
Le communiqué final de la conférence est pratiquement muet sur la question majeure des énergies fossiles et sur l'accélération des processus de réduction des effets nocifs que ces énergies provoquent.
Du coup, au final, le bilan du sommet annuel de la Convention-cadre des nations unies sur le climat, sans être flamboyant, répond aux objectifs que l'Égypte s'était assignés. Les États se sont entendus sur deux points clés. Ils ont d'abord confirmé que leur but demeurait, malgré les retards accumulés, de limiter la hausse des températures d'ici à la fin du siècle à 1,5 °C, ce que certains voulaient remettre en cause pour se contenter d'un objectif plus modeste, mais peut-être plus réaliste, de 2, voire 2,5 °C. Et, surtout, ils ont acté la création d'un fonds de compensation «des pertes et préjudices» occasionnés par le réchauffement climatique déjà à l'œuvre dans les pays les plus pauvres.
L'Égypte, qui s'était présentée comme la porte-parole du continent africain, parle d'une avancée historique. Reconnaissons cependant que cette décision, pour importante qu'elle soit, dissimule mal que le communiqué final de la conférence est pratiquement muet sur la question majeure des énergies fossiles et sur l'accélération des processus de réduction des effets nocifs que ces énergies provoquent. C'est donc un bilan honorable, mais mitigé.
Désormais, il faut se tourner vers l'avenir. La prochaine conférence annuelle, en octobre 2023, aura lieu à Dubaï. On peut, hélas, s'attendre d'ici là à de nouvelles catastrophes climatiques et à de nouvelles victimes. La lucidité s'impose. De même, on peut pronostiquer que la colère des jeunes générations partout dans le monde va s'amplifier, ainsi que la frustration des sociétés civiles, exprimée par de nombreuses ONG. La prochaine COP doit donc être considérée dès maintenant comme une échéance à haut risque.
L'«accord historique» de Charm el-Cheikh a certes reconnu pour la première fois un devoir de solidarité des pays du Nord envers les pays du Sud, les plus vulnérables au changement climatique. Encore faut-il en fixer les modalités. À Dubaï, ce sera le premier enjeu, avec, à la clé, la double définition des pays appelés à en bénéficier et de ceux à qui incombera la charge du financement. L'Europe et les États-Unis sont désormais d'accord pour être contributeurs.
L'autre sujet difficile qui devra être abordé à la COP28 sera la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce qui est en cause, c'est le tabou des énergies fossiles, c'est l'écart qu'il y a année après année entre les engagements pris et la réalité.
Mais quid de la Chine, de l'Inde et de quelques autres, qui, certes, figurent aujourd'hui au sein du groupe des 134 pays dits «en développement», mais dont les ressources justifieraient pleinement qu'ils participent au financement du nouveau fonds «pertes et préjudices»? C'est ce que demande l'UE. Combien de temps faudra-t-il pour l'obtenir? La répartition entre le Nord et le Sud est ancienne et, pour certains, carrément obsolète. Comme l'ont noté de nombreux observateurs, les grands équilibres géopolitiques ont commencé de vaciller à Charm el-Cheikh.
L'autre sujet difficile qui devra être abordé à la COP28 sera la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce qui est en cause, c'est le tabou des énergies fossiles, c'est l'écart qu'il y a année après année entre les engagements pris et la réalité. Les pays concernés, en particulier la Chine ou l'Inde, ne se résolvent pas à accepter de considérer une démarche, certes progressive, mais visant, dans un délai à négocier, à l'abandon de ces sources d'énergie. C'est pourtant le cœur même de la transition écologique. La politique des petits pas a atteint ses limites. Elle a fait son temps.
Pour toutes ces raisons, le rendez-vous de Dubaï sera crucial. On ne manquera pas d'observer avec attention ce que fera la présidence émiratie, qui jouera là une partie capitale pour son autorité internationale. L'exercice sera sans nul doute difficile pour un pays qui figure au nombre des principaux producteurs de gaz ou de pétrole. Mais ce que l'on sait de ses dirigeants laisse penser que la diplomatie émiratie saura y faire face. L'UE, de son côté, pourrait valoriser son influence médiatrice comme elle a su le faire à Charm el-Cheikh, pour autant qu'elle reste exemplaire dans sa démarche en interne.
D'ores et déjà, le président Macron a annoncé préparer un sommet à Paris avant la prochaine COP «en vue de travailler à un nouveau pacte financier avec les pays les plus vulnérables». Décidemment, la COP27 est passée, vive la COP28!
Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire.
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