Un nombre record de douze Arabes et musulmans ont remporté des sièges au sein des législatures de six États américains lors des élections de mi-mandat de ce mois-ci, sur un total de plus de quatre-vingts choisis pour occuper des fonctions électives dans le pays. Cependant, un énorme fardeau repose sur leurs épaules lorsqu’il s’agit de résoudre les problèmes que l’Amérique moyenne préférerait ne pas aborder au sujet de ses communautés.
Ces députés arabes et musulmans devront certainement faire face à des défis en essayant de défendre leurs causes au milieu d’une mer de collègues non arabes et non musulmans, mais ils peuvent favoriser des discussions importantes dont les Américains traditionnels font souvent fi.
Il s’agit des députés de l’État de l'Illinois, Abdelnasser Rashid et Nabeela Syed; de Nabilah Islam, Ruwa Romman et Farouk Mughal, de la Géorgie; de Zaynab Mohammed, du Minnesota; de Munira Abdullahi et Ismail Mohamed, de l’Ohio; de Mana Abdi et Deqa Dhalac, du Maine, ainsi que de Suleman Lalani et Salman Bhojani, du Texas.
Ils vont pouvoir utiliser leurs plates-formes en tant que membres élus des législatures des États pour introduire des résolutions et des lois capables de renverser bon nombre de politiques antiarabes et antimusulmanes qui nuisent aux prétentions américaines de respecter la diversité. La question essentielle sera: peuvent-ils gagner le soutien et le coparrainage de leurs collègues pour soumettre un problème à la discussion publique, puis à une éventuelle approbation?
La question la plus facile à aborder et pour laquelle ces députés pourraient mobiliser un certain soutien est la nécessité de renforcer la lutte contre l’islamophobie qui croît actuellement aux États-Unis. Un récent rapport du Conseil des relations américano-islamiques montre une augmentation de 9 % des plaintes pour atteinte aux droits civils de la part des musulmans en 2020.
Un autre problème est l’exclusion des Arabes et des musulmans du recensement américain. Pendant de nombreuses décennies, le recensement a inclus des catégories ethniques et raciales – sans tenir compte de la religion – et ceux qui sont recensés bénéficient de lois qui exigent d’avoir la possibilité d’améliorer leurs chances d’être élus, ainsi que de recevoir des subventions fédérales et étatiques pour financer leurs besoins culturels.
Parce que les Arabes sont exclus, ils ne reçoivent pas un tel financement et le gouvernement n’est pas obligé de «créer» des districts du Congrès qui rassemblent en un même endroit la population électorale arabe d’une région. Les communautés arabes sont de fait souvent marginalisées, leurs électeurs étant répartis dans deux, trois ou quatre circonscriptions, ce qui réduit leur pouvoir de vote et les empêche d’élire des membres de leur communauté qui occuperont des fonctions publiques.
Par ailleurs, en n’étant pas inclus dans le recensement, les Arabes ne peuvent pas véritablement évaluer l’ampleur du racisme dont ils sont victimes. Les services de police et le gouvernement, à titre d’exemple, comptabilisent la fréquence à laquelle les Noirs, les Hispaniques, les Asiatiques et les autres personnes répertoriées dans le recensement sont arrêtés ou victimes d’actes criminels. Connaître une telle information sensibilise le public à un problème que le gouvernement doit aborder et auquel il devrait remédier.
Un enjeu vital est la nécessité de contraindre le gouvernement à tous les niveaux de réserver des fonds pour couvrir les coûts des études dont les Arabes et les musulmans ont besoin pour soutenir la croissance de leur entreprise, protéger leurs communautés et financer des campagnes pour sensibiliser d’autres Américains aux réalités qu’ils vivent. Ces douze députés peuvent faire valoir des arguments pour exiger que les Arabes et les musulmans reçoivent leur part des fonds qui sont alloués afin d’aider d’autres groupes ethniques à renforcer leurs entreprises, à lutter contre le racisme et à corriger les stéréotypes faux ou négatifs.
Bien sûr, les problèmes les plus difficiles auxquels seront confrontés ces députés concernent la politique et les affaires étrangères. Le mouvement pro-israélien, par exemple, a passé un siècle à ancrer ses croyances dans la conscience dominante à travers des films, des livres et des moyens de divertissement, à renforcer ses entreprises, à lutter contre l’antisémitisme et à se forger une image publique positive. L’une de ses préoccupations est de défendre Israël contre toute forme de critique. Cela inclut l’adoption de vingt-huit lois qui punissent les Américains exprimant des opinions critiques à l’égard de la politique étrangère d’Israël. Ces lois contre le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) interdisent aux Américains de refuser de faire des affaires avec Israël, y compris de boycotter le réseau illégal de colonies exclusivement juives qui pille les terres et les produits palestiniens par le biais de l’occupation militaire illégale.
«Ces députés peuvent favoriser des discussions importantes dont les Américains traditionnels font souvent fi.» - Ray Hanania
Parmi les six États représentés par ces nouveaux députés arabes et musulmans, quatre ont des lois contre la campagne BDS. La clé pour faire cesser ces violations racistes des droits américains réside dans la nécessité d’être stratégique et d’établir des coalitions. Leur langage devra être modéré et convaincant pour le public, sans être guidé par l’émotion ou la colère.
Ces députés peuvent sensibiliser le public à toutes ces questions et donner naissance à un public américain informé qui comprendra mieux la vérité, plutôt que de continuer à subir un lavage de cerveau de la part de personnes racistes et de la propagande pro-israélienne. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais les graines ont été semées et elles peuvent désormais pousser.
• Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site Web personnel à l’adresse www.Hanania.com.
Twitter: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com