Un panel de l'ONU a voté ce mois-ci pour demander à la Cour internationale de justice (CIJ) un avis consultatif sur l'occupation des Territoires palestiniens depuis cinquante-cinq ans. Israël a été particulièrement irrité par le succès diplomatique des Palestiniens. Cependant, les Israéliens sont dans le déni. Ils doivent simplement comprendre que le statu quo n'est plus possible et que l'occupation ne peut plus se poursuivre sous prétexte d’acte «légal».
Depuis 1967, Israël occupe les terres qui étaient censées revenir à un État palestinien. Il a été en mesure de maintenir l'occupation pendant si longtemps en raison de deux facteurs: d’une part, aucun État arabe n'a été en mesure de vaincre militairement Israël, d’autre part, l’État hébreu a eu recours à un lobbying intensif aux États-Unis et a eu la première superpuissance mondiale de son côté, qui a opposé son veto à toute résolution de l'ONU allant à son encontre. Fondamentalement, la combinaison de la suprématie militaire et d'une organisation populaire efficace aux États-Unis et dans le reste de l'Occident a permis à Israël de maintenir son occupation illégale.
Les Israéliens ont conjugué leur occupation avec une campagne de diabolisation des Palestiniens et des Arabes, représentant Israël comme une oasis de démocratie et de droits de l'homme dans un océan de barbarie. Ils se sont positionnés comme un État naissant qui cherche simplement à être accepté et à vivre en paix dans une région difficile, où tous ceux qui l'entourent veulent sa disparition.
L'occupation a été présentée comme une nécessité sécuritaire et les colonies comme un droit des Juifs à vivre sur leur Terre sainte. Toutefois, cette perception commence à changer en raison de plusieurs facteurs, l'un d'eux étant la perte du contrôle de l'information par Israël depuis l’émergence des médias sociaux. Désormais, tous les abus peuvent être facilement documentés sur un smartphone et diffusés sur diverses plates-formes. Il devient donc de plus en plus difficile de dissimuler les abus de l'occupation.
En outre, le discours des voisins arabes d'Israël qui cherchent à le détruire n'est plus valable. Certains États arabes ont officiellement normalisé leurs relations avec Israël. Enfin, les dirigeants israéliens expriment de plus en plus clairement leur opposition à un État palestinien. L'ancien Premier ministre, Naftali Bennett, a explicitement déclaré qu'il n'autoriserait pas la création d'un État palestinien sous sa direction. La communauté internationale est donc de plus en plus déçue par la prétendue «innocence» d'Israël.
Du côté palestinien, des changements se produisent. La diaspora arabe en Occident, qui est favorable à la Palestine, devient plus active, plus bruyante et plus visible. Elle est donc en mesure de contrecarrer le discours israélien et cette tendance va probablement s'accentuer.
Pendant ce temps, la communauté juive des États-Unis change. De nombreuses organisations de gauche s'opposent avec véhémence à la politique israélienne dans les Territoires occupés. Si les accords d'Abraham ont enhardi Israël, ils ont également galvanisé les Palestiniens, qui sont désormais conscients qu'ils ne peuvent plus compter sur les seuls Arabes pour soutenir leur cause. Le probable prochain Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a avancé que les accords avec les pays arabes ouvriraient la voie à un accord avec les Palestiniens, autrement dit qu'ils accepteront ce qu'Israël leur offrira, ce qui ne sera pas beaucoup.
La diaspora arabe occidentale, favorable à la Palestine, devient plus active, plus bruyante et plus visible.
Dr Dania Koleilat Khatib
C'est un signal d'alarme pour les Palestiniens. Ils savent qu'ils ne peuvent pas négocier avec les Israéliens s'ils ne disposent pas d'un moyen de pression. Ils savent aussi que des négociations où une partie est forte et l'autre faible n'aboutissent pas à un accord équitable. Naturellement, cette situation aboutit à ce que le fort impose sa volonté au plus faible. C'est pourquoi les Palestiniens utilisent la voie juridique pour faire pression sur Israël. Bien qu'il soit peu probable que l'enquête de la Cour internationale de justice débouche sur une action punitive contre Israël – les États-Unis seront toujours là pour opposer leur veto à toute résolution mise sur la table – ce ne sera qu'un épisode d'une campagne de pression soutenue sur Israël.
Le timing est également à l'avantage des Palestiniens. La résolution du Comité de décolonisation des Nations unies est intervenue à un moment où Israël est sur le point de se doter du gouvernement le plus à droite de son histoire. Les modérés en Israël ont montré lors des dernières élections qu'ils sont désorganisés et manquent de courage. Le Premier ministre sortant, Yaïr Lapid, un modéré et un partisan de la solution à deux États, n'a même pas rencontré le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, sans parler de lui faire une offre décente pour mettre fin à l'occupation et reconnaître un État palestinien souverain.
La droite israélienne devient de plus en plus extrême, répondant aux caprices et à l'idéologie des colons plus qu'aux intérêts à long terme du pays. Netanyahou ne peut se passer de ces factions extrémistes. S'ils se séparent de sa coalition, il ne sera plus au pouvoir et fera l'objet d'un procès pour corruption qui pourrait le conduire en prison. Il est donc peu probable qu'il se montre plus modéré dans les Territoires occupés.
Le rapport de l'ONU est susceptible d'exposer les abus d'Israël. Tel Aviv a beau essayer de présenter son occupation comme bénigne, elle ne l’est jamais. Alors que les Israéliens sont nerveux et que le représentant du pays à l'ONU a accusé les Palestiniens d'utiliser la CIJ «comme une arme de destruction massive dans leur guerre de diabolisation d'Israël», les Palestiniens ont donné une réponse mesurée et poursuivent leur campagne diplomatique bien planifiée pour mettre fin à l'occupation et établir leur propre État.
Dania Koleilat Khatib est spécialiste des relations américano-arabes et plus particulièrement du lobbying. Elle est chercheuse affiliée à la Hoover Institution, Stanford, et présidente du Research Center for Cooperation and Peace Building, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.