Qualifié d’historique par le président français Emmanuel Macron, le plan de relance européen adopté par les 27 membres de l’Union européenne réunis à Bruxelles l’est à juste titre.
Né au forceps, à l’issue d’un sommet marathonien, le plan assure à l’union pas moins que sa survie.
Dans un contexte de récession économique sans précédent, exacerbée notamment par la pandémie du Covid-19, l’UE allait au-devant d’un réel danger d’effondrement en cas d’échec du sommet.
Le couple franco-allemand a pesé de tout son poids et mis à profit tous ses moyens pour parvenir à l’adoption du plan de relance, prouvant une fois de plus que lorsque ce couple fonctionne l’Europe avance.
Pourtant aller de l’avant n’était pas un objectif facile vu l’opposition entre les pays dits « solidaires » et les pays dits « frugaux » ou « radins » qui se sont affrontés tout au long des cinq jours du sommet prévu à la base pour durer trois jours.
Les « frugaux », dont notamment le Premier ministre néerlandais Mark Rutte s’opposaient farouchement au plan proposé par les « solidaires », menés par Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, qui prônait un plan d’aides massives aux pays membres les plus touchés économiquement.
Les Européens ont toujours eu du mal à s’entendre quand il s’agit d’argent. Les rencontres consacrées à l’adoption du budget annuel de l’union sont traditionnellement l’occasion de discussions houleuses.
S’agissant d’un plan de relance du plusieurs centaines de milliards d’euros, la tâche s’annonçait difficile, voire impossible. M. Rutte et les « frugaux » voulaient conditionner tout octroi de fonds à des plans de relance économique adoptés par les pays demandeurs.
Les « solidaires » insistaient sur l’urgence d’une aide pour soutenir les Européens les plus éprouvés par la pire crise financière depuis celle de 2008.
Un plan de sauvetage économique leur semblait vital en raison de l’influence croissante des forces nationalistes dans plusieurs pays européens et de la nécessité de préserver l’union et la mettre à l’abri d’une nouvelle saute d’humeur, comme celle qui a mené le Royaume-Uni au « Brexit ».
C’est au prix d’une constance et d’un acharnement sans relâche, mais non sans concessions, que les « solidaires » ont obtenu la ratification d’un plan inédit.
Pour la première fois de leur histoire, les 27 ont approuvé la création d’un fond de 750 milliards d’euros qui pourront être empruntés sur les marchés par la Commission européenne.
Ce fond est constitué de 390 milliards d’euros de subventions qui seront allouées aux pays les plus frappés économiquement par la pandémie.
Il est important de souligner que cette somme sera remboursée communément par les pays de l’UE et qu’il s’agit donc de la première mutualisation d’une dette européenne.
Le même plan prévoit également une somme de 360 milliards d’euros disponibles cette fois ci pour des prêts remboursables par les pays demandeurs.
Au chapitre des concessions qui ont permis de parvenir à la ratification du plan, le président du Conseil européen, Charles Michel, a revu à la baisse 500 milliards d’euros prévus dans le plan proposé initialement.
Dans le même chapitre également la contribution des « frugaux » au budget européen a été réduite de 10 milliards d’euros sur sept ans.
L’unité de l’Europe est sauvée contre vents et marées et les pays affaiblis par la pandémie peuvent compter sur le soutien de cette Europe pour renouer avec la reprise économique.
Il était donc légitime que M. Macron qualifie l’adoption du plan de sauvetage de « moment le plus important dans la vie de la nation européenne depuis la création de l’euro ». Auparavant, il avait qualifié l’adoption du plan de « changement historique de notre Europe et de notre zone euro ».
Il va sans dire que le plan de relance adopté à l’aube du 21 Juillet lie l’Europe dans un avenir commun puisqu’il s’agit d’un emprunt qui sera remboursé sur 30 ans et permet d’entrevoir les contours d’une Europe plus solidaire et plus intégrée.
Certains y voient même l’amorce d’une matérialisation de la fiscalité européenne et d’autres voient une évolution vers une forme de fédéralisme à l’américaine.
Les 27 ont donc réussi à consolider le caractère bénéfique de l’Europe, dont le principal fondement consistait selon ses fondateurs à « parvenir à un vaste espace économique » avec une double mission : le développement économique et le progrès social.
Ce vœu qui a culminé avec le plan de relance était celui de l’Europe des Six, alors que le parcours de l’Europe des 27 est jalonné de projets qui restent à consolider.
La politique étrangère et la politique de défense commune restent cependant à refaire s’il faut un jour parler d’un véritable édifice européen dont l’existence s’avère de plus en plus nécessaire dans le climat de plus en plus délétère qui caractérise les relations internationales.
Cependant, pour pouvoir continuer à avancer, l’Europe a besoin de se réformer et de se délester de la règle de la prise de décision à l’unanimité permettant à tout membre de l’union, quel que soit son poids économique et démographique, de paralyser l’ensemble de l’union.