Le proverbe anglais selon lequel «un malheur ne vient jamais seul» constitue une description convaincante de la politique britannique en 2022. En effet, la démission de la Première ministre Liz Truss jeudi dernier constitue le récit du mandat le plus court au 10 Downing Street.
De nombreux députés conservateurs de Westminster, si ce n’est le plupart d’entre eux, sont exaspérés parce qu’ils doivent faire face à une nouvelle course à l’investiture.
Ces événements étonnants à Londres interviennent après l’une des semaines les plus notables de l’histoire politique du Royaume-Uni. Un nombre croissant de députés conservateurs sont parvenus à la conclusion que Liz Truss devait être remplacée. Son destin était scellé par le minibudget désastreux du mois dernier. Il proposait d’ouvrir les robinets budgétaires par des réductions d’impôts massives et des dépenses publiques qui ont effrayé les marchés financiers. La semaine dernière, elle a limogé son ministre des Finances, Kwasi Kwarteng, mais l’agitation qui a accompagné sa position n’a fait que s’amplifier. Beaucoup reconnaissent qu’il joue le rôle de bouc émissaire pour Liz Truss elle-même.
M. Kwarteng n’était pas un collègue malhonnête, mais plutôt quelqu’un qui avait un programme commun avec la Première ministre. En effet, c’est elle qui l’a poussé à prendre plus de risques qu’il ne le voulait dans le budget d’urgence imprudent du mois dernier.
Il est clair que la responsabilité devrait également incomber à la Première ministre pour avoir créé une histoire autour de la politique économique – imprudente et non durable – du nouveau gouvernement, en particulier compte tenu du ralentissement imminent. Lors de la course à l’investiture, cet été, elle a exagéré les attentes selon lesquelles elle mettrait fin à ce qu’elle a appelé «un consensus britannique raté» qui a «propagé, pendant vingt ans, une forme particulière de politique économique qui n’a pas abouti». Lancer le budget d’urgence du mois dernier sans les prévisions économiques du Bureau indépendant de responsabilité budgétaire témoigne d’une certaine naïveté.
Comme si cette humiliation politique intérieure n’était pas suffisante pour Liz Truss, le président américain Joe Biden a qualifié, le week-end dernier, son plan budgétaire abandonné d’«erreur», affirmant que c’était «prévisible» lorsqu’elle a été forcée la semaine dernière de revenir sur ses plans.
Ainsi, moins de deux mois après son entrée en fonction, et après avoir connu le pire départ de tous les Premiers ministres britanniques modernes, Liz Truss fait ses valises. Parmi ses successeurs potentiels figurent Boris Johnson, ancien Premier ministre, Rishi Sunak, ancien ministre des Finances, Penny Mordaunt, leader de la Chambre des communes, Ben Wallace, secrétaire d’État à la défense, et Suella Braverman, ancienne ministre de l’Intérieur.
Alors que le grand public et les marchés financiers attendent désormais le résultat de la course à l’investiture la semaine prochaine, il est temps de réfléchir à ces événements exceptionnels qui se sont déroulés au Royaume-Uni. Au cœur de cela se trouve la réaction la plus négative de l’histoire du marché à tout événement fiscal britannique, avec la démission de M. Kwarteng la semaine dernière, ce qui signifie qu’il y a désormais eu quatre ministres des Finances britanniques en quatre mois – Rishi Sunak, Nadhim Zahawi, Kwasi Kwarteng et Jeremy Hunt.
Comme l’illustre le sort de Liz Truss, la longévité politique des Premiers ministres depuis 2016 a également diminué: depuis cette année-là, il y en a eu trois (Theresa May, Boris Johnson et Liz Truss), et donc un quatrième à venir. Avant cela, David Cameron était resté en fonction pendant six années, Gordon Brown trois, Tony Blair dix, John Major six et Margaret Thatcher onze.
Cependant, aussi étonnantes que soient ces dernières semaines, elles s’inscrivent dans un contexte plus large de flux politiques sous-jacents au Royaume-Uni au moins depuis le référendum sur le Brexit en 2016. Cela est bien documenté dans une étude électorale britannique qui indique à quel point les électeurs sont de plus en plus influencés par des «chocs» clés. Par exemple, la pandémie de Covid-19 a causé un changement plus rapide que jamais au niveau des tendances de vote traditionnelles, renforçant ainsi la volatilité – y compris avec les élections de 2017 et 2019, au cours desquelles les électeurs ont été plus nombreux à modifier leur vote qu’à aucun autre moment dans l’histoire britannique depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le principal bénéficiaire des difficultés de Liz Truss sera le Parti travailliste, qui appelle à des élections générales. Certains sondages récents ont donné à ce mouvement une avance de plus de 30 points de pourcentage – le taux plus élevé depuis la victoire écrasante de Tony Blair aux élections de 1997.
Aussi étonnantes que soient les dernières semaines, elles s’inscrivent dans un contexte plus large de flux politiques sous-jacents au Royaume-Uni au moins depuis le référendum sur le Brexit.
Andrew Hammond
Les appels à des élections générales ont une résonance particulière, puisqu’il y aura désormais eu deux changements de Premier ministre depuis les dernières échéances électorales. La dernière fois que le Royaume-Uni s’est trouvé dans cette situation remonte à un siècle environ, lorsque Stanley Baldwin a remporté les élections de 1935 et qu’il a remis les rênes de l’État à Neville Chamberlain, qui a cédé le pouvoir à Winston Churchill en 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais les circonstances de 2022 sont différentes de celles qu’a connues la Grande-Bretagne en temps de guerre.
Les travaillistes ne prennent rien pour acquis, compte tenu de l’instabilité du climat politique et de l’élection prochaine d’un nouveau Premier ministre. Cependant, un sentiment ne cesse de croître dans le pays: le mandat actuel des conservateurs touche à sa fin et ils ne parviendront pas à devenir le plus grand parti lors des prochaines élections pour la première fois depuis 2005.
Andrew Hammond travaille comme associé à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com