La démission de Liz Truss après seulement 44 jours au pouvoir signifie que, d’ici la semaine prochaine, le Royaume-Uni aura eu trois premiers ministres en deux mois, quatre ministres des Finances en quatre mois et pendant la plus grande partie de 2022, un gouvernement travaillant en pilotage automatique grâce à ses fonctionnaires et diplomates.
Les Britanniques sont exceptionnellement stoïques. Bien qu’ils soient de plus en plus préoccupés par la hausse du coût de la nourriture et de l’énergie, ils continuent leur vie et ne défilent pas au Parlement. La semaine dernière, ils ont plutôt observé une diffusion en direct d’une laitue, que la presse populaire et l’hebdomadaire « The Economist » avaient comparées à Truss, poussant les lecteurs à deviner si sa durée de conservation serait plus longue que la période du Premier ministre au pouvoir. Ce fut d’ailleurs le cas. En effet, le contraste entre les dirigeants britanniques élus et le service dévoué de la reine Elizabeth est bien douloureux.
La majorité parlementaire du Parti conservateur au pouvoir est en théorie assurée jusqu’à la fin de 2024. Cependant, en pratique, elle est en sursis et doit agir rapidement afin de retrouver la crédibilité qu’elle a perdue. Un calendrier électoral rapide garantira qu’un nouveau chef de parti, voire Premier ministre, sera en place le 28 octobre au plus tard.
Or, la mécanique n’est qu’une partie de l’histoire. En effet, le Parti conservateur est véritablement déchiré par des fissures idéologiques desquelles résulte une instabilité continue, indépendamment du dirigeant, à moins qu’elles ne soient surmontées et affrontées de manière transparente. Des échos du débat sur le Brexit existent encore, partageant les avis. Ce sujet a polarisé de nombreux conservateurs à l’époque. Aujourd’hui, ces derniers sont encore partagés en ce qui concerne les détails des perspectives économiques du Royaume-Uni, entre un petit État, des solutions de marché libre et une plus grande intervention pour lutter contre les inégalités sociales. Ils ne sont d’accord ni sur l’ampleur de l’immigration pour combler les pénuries de main-d’œuvre et de compétences exacerbées par le Brexit ni sur la relation avec l’Union Européenne et les concessions qui peuvent, ou non, être nécessaires à la résolution des problèmes qui affectent la frontière commerciale entre le Royaume-Uni et l’UE en Irlande.
Il n’y a pas de consensus sur un leader qui pourrait actuellement unir les intérêts concurrents. Les évènements des mois derniers ont d’ailleurs approfondi les rivalités personnelles. En bref, le gouvernement britannique actuel n’a plus que quelques jours afin de résoudre ces problèmes et de céder le passage à un nouveau Premier ministre conservateur qui calmera la situation et donnera un sentiment de stabilité aux marchés financiers qui surveillent et dont le rejet de l’économie de Truss a hâté son départ.
« Il n’y a pas de consensus sur un leader qui pourrait actuellement unir les intérêts concurrents. Les évènements des mois derniers ont d’ailleurs approfondi les rivalités personnelles »
Alistair Burt
La Grande-Bretagne est consciente que cela affecte la manière dont le monde la perçoit. Que peuvent donc attendre les autres pays d’un nouveau Premier ministre britannique ?
Heureusement, d’autres institutions au Royaume-Uni sont plus saines. La force économique sous-jacente du pays reste attrayante pour les investisseurs, avec une Banque d’Angleterre solidement indépendante et en partie responsable de la pression sur les décisions fiscales et de dépenses actuellement suivies par le chancelier Jeremy Hunt. Ce dernier a rassuré les marchés cette semaine. La base de recherche et de développement du pays stimulera la croissance des industries nouvelles et établies, sécurisées dans certaines des meilleures universités du monde.
La majorité des engagements de politique étrangère du pays semblent ne pas être affectées par les drames de Westminster. Un grand consensus s’étend aux partis d’opposition sur l’invasion russe de l’Ukraine. Des armes continueront d’être fournies à Kiev et les sanctions contre Moscou seront renforcées davantage. Un débat pourrait ainsi s’établir quant aux dépenses de défense ; Truss avait l’intention d’augmenter le PIB de 2,2% à 3% d’ici 2030. L’impressionnant secrétaire à la défense, Ben Wallane, a désormais inscrit cela dans son budget, suggérant que le menacer dans une compression des dépenses serait brutalement résister. Le gouvernement était également au point de désigner la Chine comme une « menace stratégique » pour le Royaume-Uni, plutôt que « concurrent systémique ». Cet avis pourrait être maintenu par le successeur de Truss, vu qu’il bénéficiera d’un soutien croissant, que ce soit au Parlement ou à travers les services de sécurité.
La collaboration avec les partenaires historiques du Royaume-Uni au Moyen-Orient se poursuivra et un accord commercial longtemps recherché avec le CCG sera mené. Cependant, l’examen de l’emplacement de l’ambassade britannique en Israël pourrait donner un résultat différent. Truss avait promis l’examen alors qu’elle concourait pour la direction de son parti et qu’elle semblait désireuse de déménager personnellement de Tel-Aviv à Jérusalem. Je soupçonne que la majorité des habitants de Whitehall croyaient que les accords existants fonctionnaient bien conformément au droit international et n’affectaient pas les relations avec Israël – un point de vue qui serait renforcé par le renversement récent de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par l’Australie.
Enfin, une autre des institutions britanniques fonctionne également bien. Sa démocratie dépend en définitive du transfert pacifique du pouvoir et d’une opposition devenant un « gouvernement en attente. » Le Parti conservateur n’a qu’à s’en prendre à lui-même pour avoir joué un rôle aussi important en aidant Keir Starmer et le Parti travailliste à être perçus ainsi.
- Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé deux postes au ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth – en tant que sous-secrétaire d’État pour le Moyen-Orient, de 2017 à 2019. Twitter : @AlistairBurtUK
NDLR : L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.