Les élections aux États-Unis ont tenu le monde en haleine : jamais autant de ressources journalistiques n’avaient été déployées pour couvrir, analyser et commenter les déclarations des candidats, des experts ou même des simples quidams. Tous, nous avons été interpellés par la personnalité des acteurs et par la dramaturgie des multiples rebondissements de cette campagne présidentielle qui a couronné un mandat déjà haut en couleurs.
Dès ses débuts, le président Trump a fait de son slogan America first un outil très offensif. Son «art de la négociation» l’a conduit à remettre en cause les plates-formes de coopération et de multilatéralisme. Et pas uniquement celles des Nations unies. En 2019, l’administration américaine a confirmé son refus de financer le pavillon américain pour l’Exposition universelle à Dubaï, contraignant ainsi le gouvernement des Émirats arabes unis à soutenir financièrement la construction et les opérations du pavillon servant à la promotion du pays le plus riche de la planète. Fin octobre 2020, en signant l’ «Empowering Olympic, Paralympic and Amateur Athletes Act», le président américain a donné des pouvoirs étendus à son administration pour contrôler le développement et les activités du Comité olympique et paralympique américain (USOPC), fragilisant par ricochet la légitimité du Comité international olympique et de son partenaire le Comité paralympique…
Aujourd’hui, Joe Biden a été élu président, et nos attentes à tous concernant le renouveau du multilatéralisme et de la coopération internationale sont fortes. Personnellement, je compte beaucoup sur les opportunités apportées par les très grands événements, qu’ils soient sportifs (Jeux olympiques, Coupe du monde de football) ou culturels (Expositions universelles). Mon engagement et ma passion pour les événements à échelle planétaire datent des Jeux olympiques d’hiver d’Albertville, et depuis près de 30 ans, j’aime la complexité et les spécificités de leur organisation et la puissance de leur soft power : ils développent la fierté nationale tout en réunissant l’humanité autour d’aspirations universelles ; ils consacrent des alliances entre pays ; ils décloisonnent sport, sciences et éducation... Autant d’enjeux cruciaux pour notre humanité aujourd’hui.
L’Arabie saoudite, une source d’inspiration
Le nouveau président élu a annoncé sa volonté de rompre avec son prédécesseur et s’est engagé dans une redynamisation des instances de coopération internationales. Pour ce travail de revalorisation, le travail accompli par le royaume d'Arabie saoudite dans le cadre de la présidence du G20 peut être, pour les États-Unis, une source d’inspiration. Depuis que le Royaume a pris la tête du G20, le 1er décembre 2019, il s’est engagé à soutenir les efforts pour refaçonner la coopération mondiale. Afin de «réaliser les opportunités du 21ème siècle pour tous», il a engagé avec tous les pays membres un travail remarquable d’adaptation aux contraintes de la pandémie de Covid-19. Dès le 26 mars, le Roi Salman a convoqué un Sommet extraordinaire virtuel, au cours duquel il a exhorté tous les États membres du G20 à dégager 8 milliards de dollars pour répondre rapidement à la crise sanitaire mondiale, donnant l’exemple en contribuant à hauteur de 500 millions de dollars. L’Arabie saoudite a organisé avec succès une centaine de réunions ministérielles et de travail du G20, ainsi que huit réunions des différents groupes d’engagement. A contrario, les États-Unis, qui assuraient la présidence du G7 cette année, ne lui ont donné qu’une importance minime et les réunions prévues ont été reportées.
Alors que certains experts brandissent à nouveau le spectre du « choc des civilisations » tel que le prédisait l'Américain Samuel Huntington en 1993 dans la revue Foreign Affairs, le royaume d’Arabie Saoudite a maintenant l’opportunité de clôturer sa présidence du G20 en se positionnant comme un acteur majeur du rassemblement et du dialogue. Et ce n’est pas une figure de style : Riyad travaille déjà sur deux candidatures majeures, et complémentaires, pour 2030 : celles des Jeux asiatiques et de l’Exposition universelle. Cela témoigne clairement de son engagement sur le long-terme à dépasser les oppositions culturelles, «civilisationnelles» … Ce qui devrait fortement plaire au 46ème président des États-Unis d’Amérique.
Philippe Blanchard a été Directeur au Comité International Olympique puis en charge du dossier technique de Dubai Expo 2020. Passionné par les méga-événements, les enjeux de société et la technologie, il dirige maintenant Futurous, les Jeux de l’Innovation et des sports du Futur.
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