Comme une victoire de Joe Biden aux élections américaines semble de plus en plus probable ces dernières semaines, il y a eu un immense débat dans tout le monde arabe sur ce que signifierait une présidence Biden pour cette région troublée. Les opinions ont divergé entre ceux qui désespèrent de voir la fin du chaos des années Trump, et ceux qui craignent un retour inspiré par Obama pour apaiser Téhéran.
Le monde arabe se tourne principalement vers une future administration Biden pour un réengagement mondial, travaillant avec les alliés européens de l'OTAN et les pays arabes pour rétablir un ordre fondé sur des règles afin que les dictateurs et les régimes parias ne puissent dominer leurs voisins proches avec une impunité sans merci. Les pays arabes en ont assez de Poutine, d’Erdogan, de Netanyahu et de Khamenei qui se battent pour leur suprématie dans toute la région, en piétinant la souveraineté et l'identité arabes.
Les leaders de Téhéran, quant à eux, espèrent que le leadership de Biden signifiera un assouplissement des sanctions et la poursuite sans encombre de leurs politiques régionales hostiles, en attendant que l'Amérique vienne implorer LE SENS N’Y EST PAS. PHRASE INITIALE? un accord nucléaire de 2015 encore moins efficace. Biden devrait donc renforcer sa main en affirmant qu'il n'y aura pas de répit dans les sanctions jusqu'à ce que l'Iran accepte définitivement de vivre pacifiquement à l'intérieur de ses propres frontières, renonçant au terrorisme, au paramilitarisme et à ses ambitions nucléaires.
Le fait que l’Agence internationale de l’énergie atomique ait récemment révélé que le régime, à un coût énorme, construisait un nouveau site souterrain pour enrichir de l’uranium à Natanz, est une preuve suffisante que les ayatollahs ne veulent pas d’un retour rapide au respect de leurs obligations. Tandis que les Iraniens ordinaires meurent de faim, ce régime gaspille sa richesse pour se procurer des armes nucléaires.
Immédiatement après l'investiture présidentielle américaine, l'Iran entamera sa propre saison des élections présidentielles, ce qui fait que l'espoir d'un prompt accord exprimé par certains collaborateurs de Biden semble extrêmement optimiste. En effet, les efforts précipités pour relancer l'accord de 2015 risquent de répéter l'erreur d'Obama en paraissant plus désireux que Téhéran de cet accord, ce qui oblige une partie à faire plus de concessions.
Au contraire, l’Iran devrait être obligé de demander un accord nucléaire. Le régime xénophobe de Khamenei pense que les arsenaux nucléaires et les armées paramilitaires garantissent sa survie face à un monde hostile. Il ne fera des concessions dans ces domaines qu'en dernier recours pour éviter l'effondrement du régime. Des informations circulent déjà sur les communications en coulisse entre Iraniens, Israéliens et responsables américains. En effet, après trois ans de sanctions intensifiées, il se peut que Téhéran soit déjà plus désespéré pour un accord qu'il ne voudrait nous le faire croire.
Les mandats d’Obama et de Trump ont été largement définis par le désir de réduire l’enfoncement des États-Unis dans les bourbiers étrangers. Pourtant, à Beyrouth, à Bagdad, à Kaboul et dans de nombreuses autres capitales aujourd'hui, il y a une véritable soif de réémergence d'une diplomatie occidentale musclée, pour déjouer l'Iran et ses alliés, défendre la stabilité ainsi qu’une gouvernance de plus en plus efficace.
----------------------------
Biden devrait renforcer sa main en affirmant qu'il n'y aura pas de répit des sanctions jusqu'à ce que l'Iran accepte définitivement de vivre pacifiquement à l'intérieur de ses propres frontières, renonçant au terrorisme et au paramilitarisme ainsi qu’à ses ambitions nucléaires.
Baria Alamuddin
-----------------------------
Une intervention rapide de Biden pourrait avoir un impact majeur au Liban. Après des mois de faux-fuyants, avec Saad Hariri de retour au poste de Premier ministre, le soutien vigoureux de Biden aux efforts du président français Emmanuel Macron en faveur d'un gouvernement compétent et technocrate pourrait ouvrir en grand la porte à un accord avec le FMI, tout en contrecarrant le Hezbollah.
La volonté des États-Unis de reprendre les pourparlers avec Téhéran doit être fondée sur le fait que l’Iran ordonne à ses alliés paramilitaires au Liban et en Irak de permettre aux processus démocratiques de suivre leur cours, en mettant un terme aux tentatives de déstabilisation dans le but de s’emparer du système politique. En fin de compte, l’Amérique et ses alliés doivent mener à bien et assurer le désarmement et le démantèlement de ces milices, si l’on veut vraiment que la région bénéficie d’une stabilité et d’une paix à long terme.
Biden devra également s'attaquer à la question palestinienne. Il devrait mettre de côté les tentatives de Trump et de Netanyahu de porter préjudice à la question, et à la place, reconnaître les droits territoriaux palestiniens dans les territoires occupés et à Jérusalem-Est. L’engagement de Biden en faveur de la sécurité d’Israël est peut-être « invulnérable », mais Israël ne peut bénéficier d’une sécurité à long terme que dans le cadre d’un accord de paix juste avec les Palestiniens, ainsi qu’avec ses voisins arabes.
Les aspirations des gens ordinaires à travers le monde arabe sont tout à fait raisonnables: ils veulent des emplois, de la stabilité et des services d'éducation et de santé de qualité pour leurs familles. Les femmes exigent les mêmes libertés et opportunités que les hommes. Les citoyens ne souhaitent pas être dominés par des extrémistes, ni par Daëch, ni par les Frères musulmans ou par les mandataires de l’Iran. Face aux pénuries d’eau, à la désertification, aux températures extrêmes et à une dépendance excessive au pétrole, c’est une région qui devrait sans doute bénéficier de l’accent mis par Biden sur le changement climatique.
C'est en outre une région accablée par de vastes populations déplacées – Syriens, Palestiniens, Yéménites, Irakiens, Libyens, Soudanais et maintenant même Libanais – à la recherche d'une vie meilleure à l'étranger. En annulant les réductions de financement de Trump pour les réfugiés et en accordant une attention immédiate à ce défi, Biden peut empêcher de nouvelles catastrophes humanitaires et les conséquences induites par l'extrémisme : mouvements massifs de population, trafic de personnes, d'armes et de stupéfiants et instabilité chronique de la région.
Une administration Biden serait confrontée à une pile massive de priorités nationales et étrangères, dont la moindre serait de parvenir à des accords stratégiques avec la Chine. Pendant ce temps, une administration Trump sortante devrait généralement adopter une politique de la terre brûlée, rendant la vie aussi problématique que possible pour son successeur. Après quatre ans de l’ère Trump, les institutions américaines sont déjà dans le chaos; par exemple, le Département d'État évidé et politisé, où une multitude de positions diplomatiques restent vides. Ainsi, il faudra peut-être plusieurs mois avant que Biden fasse des progrès vers le dévoilement d'un programme mondial multilatéral ambitieux, sans parler de la conclusion d'un accord rapide avec Téhéran.
Les Américains ont été attirés par la candidature de Biden car c’est un personnage modéré et non diviseur, qui représente un contraste avec les controverses et les confrontations des années Trump. Espérons que Biden aura également la stature capable d’être une force unificatrice sur la scène mondiale.
Le Moyen-Orient bénéficie d'un immense potentiel et de vastes ressources. Mais nous avons appris d'une expérience amère que le monde, dans son ensemble, ne peut jouir de la tranquillité et de la prospérité que lorsque les menaces d'extrémisme, d'instabilité et d'inégalité dans cette région stratégiquement importante sont affrontées de plein fouet.
• Baria Alamuddin est une journaliste et radiodiffuseur primée au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Syndicat des services médiatiques et a interviewé de nombreux chefs d'État.
Les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com