La semaine dernière, l’Union européenne a fait part de son huitième train de sanctions contre la Russie, y compris un plafond sur les prix du pétrole, surprenant certains par l’ampleur de son ambition. Pourtant, il est peu probable que cela marque la fin des mesures majeures que l’Europe prend contre Moscou, les présidents et premiers ministres du bloc devant se réunir à nouveau la semaine prochaine pour tenter d’imposer également un plafond historique sur les prix du gaz.
Le débat sur les sanctions montre que les dirigeants de l’UE peuvent sentir le «poids de l’histoire» sur leurs épaules. Avec la réunion inaugurale de la nouvelle Communauté politique européenne – un forum qui comprend plus de quarante pays, membres ou non de l’UE – qui a eu lieu la semaine dernière, octobre pourrait être une période potentiellement révolutionnaire pour l’ensemble du continent européen.
Ce forum prévoit de se réunir deux fois par an. Les prochaines réunions devraient avoir lieu en Moldavie (un candidat clé pour l’adhésion à l’Union européenne), en Espagne (un membre clé de l’UE) et au Royaume-Uni (le seul État à s’être jamais retiré de l’UE).
Parmi les principaux résultats de la réunion initiale de l’EPC, on compte le retour probable du Royaume-Uni dans le groupe de coopération énergétique de la mer du Nord, dont il a dû se retirer à la suite du Brexit.
Pourtant, le lancement de l’EPC pourrait ne pas être le seul développement historique dans la région cet automne, puisque la perspective d’un plafond européen sur les prix du gaz devient de plus en plus probable. Alors que les défis pour parvenir à un consensus à l’échelle du bloc sont considérables, l’UE-27 a constamment surpris ces derniers temps par l’ampleur de ses mesures punitives contre la Russie et la Commission européenne devrait publier sa proposition finale sur les prix du gaz le 18 octobre.
Actuellement, les prix du gaz en Europe sont environ quatre fois plus élevés qu’il y a un an et plus de onze fois plus élevés qu’en 2020. Par conséquent, l’impératif politique d’agir est élevé. Ceux qui militent pour un plafond, parmi lesquels figure désormais la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, espèrent qu’il sera approuvé pendant le sommet qui réunira les 27 présidents et premiers ministres les 20 et 21 octobre.
Cependant, cette échéance risque d’être beaucoup trop optimiste. Si un accord est conclu, il pourrait ne pas être mis en application avant novembre au moins, après la réunion des ministres européens de l’Énergie le 25 octobre.
La dynamique derrière le plafonnement, au moins sur les prix de gros, tant pour les importations que pour les transactions gazières intra-UE, est soutenue par dix-huit pays environ, dont la Belgique, la France, la Pologne, le Portugal, la Slovénie, la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Ce soutien important laisse perplexe de nombreux observateurs, compte tenu des défis de grande envergure associés à une telle réforme.
«Alors que les défis pour parvenir à un consensus à l’échelle du bloc sont considérables, l’UE-27 a constamment surpris ces derniers temps par l’ampleur de ses mesures punitives contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine.»
- Andrew Hammond
Elisabetta Cornago du groupe de réflexion Centre for European Reform, par exemple, décrit la proposition de plafonnement des prix de l’essence comme «une sorte d’appel à l’aide. Le bloc est à court de solutions à portée de main pour faire face à la crise énergétique et s’éloigne progressivement du cadre conventionnel, malgré les dangers potentiels que ce changement implique.»
Un consensus européen pourrait donc ne pas être possible, au vu notamment du large éventail de propositions concurrentes qui entrent en jeu. De plus, certains pays, dont les Pays-Bas et l’Allemagne, restent fermement opposés à une telle mesure.
Indépendamment de tout plafond de prix potentiel, Ursula von der Leyen a présenté la semaine dernière une feuille de route énergétique à plus grande échelle qui comprend au moins quatre éléments clés.
Premièrement, elle appelle à l’action pour tenter de maintenir la sécurité des approvisionnements en gaz tout en réduisant le prix des importations. Bruxelles intensifie les négociations avec des fournisseurs de longue date comme la Norvège, le pays qui a remplacé la Russie en tant que premier fournisseur de gaz de l’UE. La Norvège a déclaré, dans un communiqué conjoint avec Bruxelles la semaine dernière, qu’elle souhaitait aider à «repenser et remodeler la sécurité énergétique de l’Europe».
Ursula Von der Leyen souhaite également construire une «plate-forme énergétique» européenne plus robuste pour aider à garantir un meilleur accès aux approvisionnements mondiaux en gaz. Elle veut que cela se produise avant la prochaine saison de remplissage au printemps. De plus, si l’initiative fonctionne bien, elle pourrait également devenir un modèle pour des stratégies énergétiques plus larges, y compris l’hydrogène renouvelable.
Deuxièmement, elle veut stimuler les investissements pour aider à accélérer la transition vers l’indépendance énergétique. Elle croit fermement que l’argent injecté dans les infrastructures comme les gazoducs et l’efficacité énergétique réduira les futurs chocs des prix de l’énergie.
Troisièmement, la Commission européenne redoublera d’efforts au niveau des réformes structurelles du marché de l’électricité. D’ici Noël, Ursula von der Leyen fera part d’idées de réformes conçues pour offrir un marché de l’électricité plus adapté à un avenir décarboné.
Quatrièmement, la Commission formule une série de mesures destinées à améliorer la préparation, les tests de résistance, la réaction, la coopération internationale et l’échange d’informations au sein de l’infrastructure énergétique de l’UE. Cela fait suite à la récente perturbation des gazoducs Nord Stream du continent, qui a été largement imputée au sabotage.
Ce débat sur les marchés du gaz et de l’électricité s’appuie sur l’approbation par l’UE la semaine dernière d’un huitième train de sanctions contre Moscou, dont la pierre angulaire est la mise en place d’un plafonnement des prix sur le commerce maritime du pétrole russe. Les détails de cette mesure doivent cependant encore être finalisés et l’Europe est actuellement en consultation avec ses partenaires occidentaux à ce sujet, y compris sur la fourchette de prix.
Alors que la Russie est profondément mécontente du plafonnement des prix du pétrole, elle sera furieuse si un plafond similaire est appliqué au gaz, sachant qu’elle a déjà menacé de couper tous les approvisionnements en gaz vers l’Europe.
Alors que les défis pour parvenir à un consensus à l’échelle du bloc sont considérables, l’UE-27 a constamment surpris ces derniers temps par l’ampleur de ses mesures punitives contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine et il ne faut donc pas l’exclure.
Andrew Hammond est un associé à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com