Le Premier ministre israélien, Yaïr Lapid, a profité de son passage à la 77e session de l'Assemblée générale des nations unies (Agnu77) pour dresser un portrait élogieux de sa nation.
Lors de son discours, le jeudi 22 septembre, il a détaillé les nombreuses réalisations d'Israël et a souligné qu'il avait choisi «de ne pas s'attarder sur les douleurs du passé».
C'est un euphémisme.
Il aurait été difficile de présenter une image positive d'Israël si Lapid s'était «attardé» sur les événements majeurs des soixante-quinze dernières années, ou même s’il n’avait fait que les survoler. En effet, ils ont été marqués par la brutalité, la discrimination religieuse et la violence.
Alors que Lapid a décrit de quelle manière il a été contraint d’emmener son enfant, qui nécessite des besoins spéciaux, dans un bunker quand, en mai dernier, «des missiles ont explosé au-dessus de notre maison», il n'a pas expliqué que ces missiles avaient été tirés en représailles aux frappes et aux raids militaires israéliens à Gaza et en Cisjordanie ni que les actions d'Israël ont entraîné le meurtre d'une journaliste palestinienne américaine, Shireen Abu Akleh, qu'il n'a jamais mentionnée nommément dans son discours.
Lapid a souligné qu'Israël n'avait qu'une seule condition, «l’arrêt des tirs de roquettes et missiles sur nos enfants», comme si les missiles palestiniens étaient aussi précis que les roquettes et les missiles israéliens de haute technologie qui ont fait, au fil des ans, des milliers de victimes. Ces dernières ne pouvaient pas se cacher dans des abris antibombes et elles ont souvent perdu la vie lorsque ces bombes se sont écrasées sur leurs maisons.
Toutefois, Lapid a tout de même ajouté un élément à son discours lors de l'Agnu77 afin de lui donner une certaine rondeur par rapport aux discours unilatéraux de ses prédécesseurs.
Lapid a commencé par décrire de manière inexacte les Palestiniens comme les «voisins les plus proches» d'Israël – il s'agit en réalité de citoyens occupés auxquels Israël refuse les droits de l'homme les plus fondamentaux – et, de manière surprenante, il a déclaré: «Un accord avec les Palestiniens basé sur deux États pour deux peuples est la bonne chose pour la sécurité d'Israël, pour l'économie d'Israël et pour l'avenir de nos enfants.»
Lapid a poursuivi en ces termes: «La paix n'est pas un compromis. C'est la décision la plus courageuse que nous puissions prendre.»
Plutôt que de passer outre la plus grande partie de la propagande de Lapid et de se concentrer sur la seule déclaration publique significative d'un dirigeant israélien, la plupart des Palestiniens l'ont considérée sans conséquence.
Le lendemain, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s'est adressé à l'ONU et il a évoqué la «douleur du passé» en rappelant l’historique de la violence et en reconnaissant le meurtre d'Abu Akleh, qui n'a pas été sanctionné, par un franc-tireur israélien. Mais il a salué l'appel de Lapid en faveur d'une solution à deux États, le qualifiant de «développement positif». Il a souligné que la Palestine était également «impatiente de voir la paix se concrétiser».
Cependant, la paix n'est pas un objectif qu'Abbas peut atteindre seul. L'équilibre du pouvoir repose presque entièrement sur Israël. Les Palestiniens ont beaucoup moins d'influence qu'Israël.
Les Nations unies devraient accorder à la Palestine le statut de membre à part entière, comme l'a demandé Abbas dans son discours, ne serait-ce que pour réduire l'écart de pouvoir entre Israël et la Palestine.
Ray Hanania
La responsabilité repose sur les épaules d'Israël. Et, tout comme les Palestiniens, Israël compte aussi des extrémistes, qui tiennent leur peuple en otage dans la colère et la vengeance. Les extrémistes israéliens ont tout fait pour empêcher la paix; ils sont allés jusqu’à assassiner l'un de leurs propres Premiers ministres.
Je comprends maintenant pourquoi les militants et les dirigeants palestiniens sont aveuglés par la rage que suscitent les meurtres souvent impunis d'Israël.
De nombreux dirigeants et militants palestiniens ont été assassinés par Israël, ce qui est souvent décrit comme des «exécutions extrajudiciaires», mais ce qui, techniquement, est un crime de guerre pour toute nation qui adhère à la quatrième convention de Genève, ce qui n'est pas le cas d'Israël.
Les Palestiniens sont tués bien plus fréquemment que les Israéliens. Si Lapid a dû tenir la main de sa fille pour fuir vers un abri antibombes, vous savez qu'au moins mille pères palestiniens tenaient la main de leurs enfants alors qu'ils fuyaient les attaques aériennes et les missiles d'Israël, les snipers et les assauts terrestres. Mais contrairement à Lapid, ils ne disposent pas d’abri.
Abbas et les dirigeants palestiniens font face à un défi difficile. Ils doivent se libérer des extrémistes qui maintiennent le conflit dans une impasse perpétuelle. Ces derniers veulent tout ou rien. S'ils dénoncent légitimement les atrocités commises par l'armée israélienne, ils ne parlent jamais de compromis ou de paix. Ils veulent que la violence continue parce que, sans elle, ils n'ont aucune raison d’exister.
Normalement, c'est à ce stade qu'un président américain devrait intervenir pour inciter les deux parties à passer à l'étape suivante: des négociations en face à face.
Malheureusement, je ne crois pas que le président Joseph Biden en soit capable. Je crains que, s'il essaie, il ne commette une erreur d'expression, comme il en a l'habitude, et n'aggrave la situation.
Les paroles de Lapid n’ont aucun sens s'il ne prend pas d’initiative courageuse. Il peut engager des pourparlers de paix, malgré la pression politique exercée par le mouvement extrémiste croissant en Israël, et amener les deux parties à la paix.
À l'approche de la paix, nous savons que les extrémistes des deux camps feront tout ce qu'ils peuvent pour la faire échouer. Il faudrait beaucoup de courage pour aller plus loin en ce sens. Mais, étant donné les réalités politiques d'Israël, je ne suis pas sûr que le Premier ministre israélien le fera.
Jusqu'à ce que Lapid trouve cette volonté, les Nations unies devraient accorder à la Palestine le statut de membre à part entière, comme l'a demandé Abbas, ne serait-ce que pour réduire l'écart de pouvoir entre Israël et la Palestine.
Cela rappellera également aux Israéliens que, malgré leur pouvoir, ils ne contrôlent pas tout.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Vous pouvez le joindre sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com. Twitter: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.