Lors de son discours très attendu à l’Assemblée générale des Nations unies le 23 septembre, le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas devrait, une fois de plus, plaider avec passion en faveur de la reconnaissance de la Palestine en tant que membre à part entière.
En septembre 2011, la quête de l’Autorité palestinienne pour une pleine reconnaissance a été bloquée par l’administration de Barack Obama, forçant les Palestiniens à opter pour la meilleure solution de rechange: une victoire «symbolique» à l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) l’année d’après. En novembre 2012, la résolution 67/19 de l’AGNU accorde à l’État de Palestine le statut d’observateur non-membre.
À certains égards, cette résolution est effectivement symbolique, puisqu’elle n’améliore rien sur le terrain. Au contraire, l’occupation israélienne s’est aggravée depuis, son système alambiqué d’apartheid s’est approfondi et, en l’absence de tout horizon politique, les colonies illégales d’Israël se sont développées comme jamais auparavant. De plus, une grande partie de la Cisjordanie est activement annexée par Israël – un processus qui a initié une campagne d’expulsion lente mais systématique, qui se fait sentir de Jérusalem-Est à Masafer Yatta dans les collines du sud d’Hébron.
Les partisans de la diplomatie de Mahmoud Abbas, cependant, mentionnent des faits comme l’adhésion de la Palestine à plus de cent organisations, conventions et traités internationaux. La stratégie palestinienne semble être fondée sur l’obtention d’un statut de pleine souveraineté à l’ONU afin qu’Israël soit reconnu comme un occupant non seulement des «territoires» palestiniens, mais d’un État réel. Israël et ses alliés à Washington et dans d’autres capitales occidentales le comprennent bien, d’où leur constante mobilisation contre les efforts palestiniens. Compte tenu des dizaines de fois où Washington a utilisé son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour protéger Israël, son utilisation d’un veto serait également probable si les Palestiniens renouvelaient leur demande d’adhésion à part entière.
La diplomatie internationale de M. Abbas semble également manquer de volet national. Le dirigeant palestinien de 87 ans n’est guère populaire auprès de son propre peuple. Mis à part la corruption endémique, on compte, parmi les problèmes qui expliquent le manque de soutien populaire, la «coordination sécuritaire» continue de l’Autorité palestinienne avec l’occupation israélienne contre laquelle M. Abbas montre sa fureur dans ses discours annuels à l’ONU.
Une telle coordination, généreusement financée par Washington, se traduit par des arrestations quotidiennes de militants palestiniens contre l’occupation et de dissidents politiques. Même lorsque l’administration de Donald Trump a décidé de couper toute aide, y compris humanitaire, aux Palestiniens en 2018, les soixante millions de dollars (1 dollar = 1 euro) alloués au financement de la coordination de la sécurité de l’Autorité palestinienne avec Israël sont restés intacts.
Une contradiction aussi importante incite les Palestiniens à revoir leurs attentes à la baisse quant aux promesses d’indépendance totale de leur chef, même si elles sont symboliques.
«Les contradictions n’ont pas commencé avec Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne et ne prendront certainement pas fin avec eux.»- Ramzy Baroud
Mais les contradictions n’ont pas commencé avec Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne et ne prendront certainement pas fin avec eux. La relation de la Palestine avec la plus grande institution internationale du monde est entachée de contradictions.
Si la déclaration Balfour de novembre 1917 reste le principal cadre de référence historique de la colonisation de la Palestine par le mouvement sioniste, la résolution 181 de l’ONU était tout aussi importante, voire plus, dans une certaine mesure.
L’importance de la déclaration Balfour découle du fait que la Grande-Bretagne coloniale – à laquelle la Société des Nations, le prédécesseur de l’ONU d’aujourd'hui, a accordé plus tard un «mandat» sur la Palestine – a pris le premier engagement écrit officiel envers le mouvement sioniste d’accorder aux juifs un foyer en Palestine.
«Le gouvernement de Sa Majesté considère favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif», peut-on lire dans le texte. Cette quête, ou «promesse», comme beaucoup le savent, n’aurait abouti à rien de concret si les autres alliés occidentaux coloniaux du mouvement sioniste n’avaient pas réussi à en faire une réalité.
Il a fallu exactement trente ans pour que la quête sioniste traduise en réalité la promesse du secrétaire britannique aux Affaires étrangères de l’époque, Arthur James Balfour. La résolution 181 de l’ONU de novembre 1947 est la base politique sur laquelle Israël a vu le jour. Bien que les frontières actuelles de l’État d’Israël dépassent de loin l'espace qui lui est alloué par le plan de partage de l’ONU, la résolution est néanmoins souvent utilisée pour fournir une base juridique à l’existence d’Israël, tout en réprimandant les Arabes pour avoir refusé d’accepter ce qu’ils percevaient dans le temps – et à juste titre – comme un accord injuste.
Depuis lors, les Palestiniens continuent d’entretenir des liens mouvementés avec l’ONU.
En 1947, l’ONU «était en grande partie un club de pays européens, d’États de colons blancs anglais et de pays d’Amérique latine dirigés par des élites coloniales d’origine espagnole», écrit l’ancien rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Palestine, Michael Lynk, dans un récent article concernant le plan de partage de la Palestine historique.
Bien que la composition géographique et démographique de l’ONU ait considérablement changé depuis, le pouvoir réel continue d’être concentré entre les mains des anciens États coloniaux occidentaux, à savoir les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Ces trois pays représentent la majorité des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Leur soutien politique et militaire à Israël, entre autres formes de soutien, demeure aussi fort que jamais. Les Palestiniens continueront d’être désavantagés au CSNU jusqu’à ce que la répartition du pouvoir à l’ONU reflète les véritables souhaits démocratiques de la population mondiale. Même les discours enflammés de M. Abbas ne pourront rien y faire.
Dans ses mémoires, citées dans l’article de M. Lynk, l’ancien diplomate britannique Brian Urquhart, «qui a contribué au lancement de l’ONU», écrit que «le plan de partage de la Palestine est la première décision majeure des Nations unies naissantes, sa première crise majeure et, sans doute, son premier faux pas majeur.»
Le paradigme de pouvoir actuel de l’ONU lui permettra-t-il de corriger enfin ce «faux pas» historique en offrant aux Palestiniens leur justice et leur liberté qui se font attendre depuis longtemps? Pas encore, mais les changements géopolitiques mondiaux actuellement en cours pourraient présenter une ouverture qui, une fois gérée correctement, pourrait servir de source d’espoir et présenter des solutions de rechange aux préjugés occidentaux, aux vetos américains et à l’intransigeance historique d’Israël.
Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de vingt ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et fondateur de PalestineChronicle.com.
Twitter: @RamzyBaroud
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com