Tantôt fascinants, tantôt consternants – comme l'illustre parfaitement l'élection présidentielle houleuse – les États-Unis risquent toujours de distraire le reste du monde, en lui donnant une excuse pour ne pas accomplir certaines choses ou pour reporter des questions qui requièrent notre attention et notre action.
La migration fait partie de ces questions qui, par intermittence, sont à la une des journaux occidentaux, pour peu de temps, alors que les pressions sous-jacentes qui la placent en tête de l'actualité demeurent sans solution.
Cinq ans se sont écoulés depuis que la photo du petit garçon Aylan Kurdi, allongé sans vie sur une plage de la Méditerranée, a braqué l'attention de millions de personnes sur le sort de ceux qui cherchent à traverser les mers à la recherche d'une vie meilleure. Ils se retrouvent ainsi entre les mains de criminels qui considèrent que la vie est encore moins précieuse qu'elle ne l'est souvent dans les endroits que les réfugiés tentent de fuir. Le slogan habituel se fait alors entendre: «Il faut agir». Cependant, la force motrice du changement, représentée par le soutien des médias, ne peut pas durer longtemps. Le problème retombe ainsi dans l'ombre.
Les craintes ont refait surface au Royaume-Uni, la semaine dernière, à la suite de la noyade d'une famille kurde-iranienne de cinq personnes, dont trois enfants, dans la Manche. Les Britanniques sont complètement schizophrènes en ce qui concerne la question des migrations. D'une part, les journaux de droite dépeignent le pays comme étant envahi par ceux qui cherchent à «prendre d'assaut» la Manche, alors que les chiffres sont incomparablement faibles par rapport au nombre de personnes qui traversent la Méditerranée. Et, d'autre part, quand un drame survient, ces mêmes journaux traduisent largement la sympathie du peuple touché par les conséquences humaines de l'événement. Ces réactions ne se limitent pas au Royaume-Uni, et appellent des solutions alternatives telles que des barrières plus strictes et une action visant à dissuader ceux qui fuient, ou l'assouplissement des restrictions légales qui rendent ces passages inutiles.
Cependant, l'attention des médias ne tarde pas à s’éteindre, sans que rien d'efficace ne soit fait, et nous devons attendre la nouvelle vague.
J'aimerais qu'un remède ou un autre apporte la réponse, ce qui n'est pas le cas. Les idées de dissuasion de plus en plus farfelues qui surgissent dans le monde entier, comme un mur, une clôture ou une frontière hérissée où les gardes tirent pour tuer, ne règlent pas le problème. Ces solutions renvoient simplement le problème sur le seuil des autres pays. Cela en arrange certains. Si les migrants se dirigent désormais vers un autre pays, le problème politique local est résolu pour un gouvernement, ce qui satisfait bien souvent ses objectifs. Pensez à la souffrance de l'Italie et de la Grèce, les destinations de ceux qui cherchent à emprunter les routes les plus courtes menant à l'Europe depuis l'Afrique du Nord, ou le Levant. Ces pays abritent des camps surpeuplés où vivent des personnes dans des conditions misérables. Pourtant, les questions de savoir pourquoi les migrants sont venus, de qui ils relèvent et où ils peuvent aller restent sans réponse.
Ceux qui plaident pour des voies plus légales qui offrent justice et miséricorde à ceux qui fuient, même si ces voies ne respectent pas les droits de l'État hôte, ne règlent le problème que pour ceux qui réussissent à arriver au pays de destination. En effet, si on aboutit à un règlement qui impose des conditions à la migration et au droit de changer de résidence, il est inévitable que certains échouent à ce test. Que feront-ils ? Ils essaieront de s'introduire illégalement dans le pays, comme ils le font à présent.
Les idées de dissuasion de plus en plus farfelues qui surgissent dans le monde entier, comme un mur, une clôture ou une frontière hérissée où les gardes tirent pour tuer, ne règlent pas le problème
Alistair Burt
Il existe des réponses plus pertinentes, mais plus complexes. La première consiste à s'attaquer aux criminels qui facilitent les déplacements des personnes, et qui, bien souvent, créent davantage de misère sous forme d'abus et de meurtres au cours du voyage. On peut raisonnablement suggérer qu'une force militaire internationale les expulse du pays, sachant que ce commerce d'un milliard de dollars exige des ressources importantes pour dissuader les criminels et que des pertes de vies humaines sont à prévoir. Les efforts déployés actuellement au coup par coup – les forces nationales des pays les plus touchés devant en supporter la charge – demeurent toutefois insuffisants.
La deuxième option consiste à s'engager de nouveau dans les initiatives du Pacte mondial des Nations unies pour les migrations afin de persuader ceux qui hésitent à agir collectivement que le coût de l'inaction sera accablant.
La troisième approche implique que la communauté internationale soit là pour remédier aux forces motrices – le changement climatique et les conflits d'origine humaine de plus en plus importants. Trop souvent, les appels des Nations unies sur les deux questions aboutissent dans des oreilles réticentes. Les gens ne sont plus enclins à attendre dans des camps dans des pays déchirés par la guerre, ou à voir leurs familles réduites à la misère en raison de problèmes qui leur échappent. Ils vont continuer de marcher aussi longtemps qu'ils le peuvent, et ne prévoient peut-être pas de revenir. Il est bien entendu trop tard pour décider de ce qu'il faut faire lorsqu'ils arrivent à une frontière routière ou maritime.
En attendant qu'ils n'aient plus besoin de marcher, les défis de la migration se poursuivront, et nous verrons d'autres photos. Tôt ou tard, ces histoires de quitteront plus la une des journaux.
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du Foreign and Commonwealth Office – sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013, et ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.
Twitter : @AlistairBurtUK
NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est une traduction d’un article paru sur Arabnews.com