La reconstruction d'un cimetière juif révèle ce qu’est vraiment le Yémen

Une vue sur le centre-ville de la ville portuaire d'Aden, au Yémen (Photo, Reuters).
Une vue sur le centre-ville de la ville portuaire d'Aden, au Yémen (Photo, Reuters).
Short Url
Publié le Jeudi 15 septembre 2022

La reconstruction d'un cimetière juif révèle ce qu’est vraiment le Yémen

La reconstruction d'un cimetière juif révèle ce qu’est vraiment le Yémen
  • Il est remarquable que les Yéménites aient récemment commencé à réhabiliter à Aden un cimetière juif vieux de cent soixante ans avec le soutien des institutions du pays
  • La communauté juive du Yémen n'existe plus, mais les Yéménites honorent leur propre passé et leur patrimoine commun en conservant sa mémoire

C'est en temps de crise et de conflits que nous révélons le plus clairement notre caractère. Cela s’applique aujourd'hui au Yémen, où l’espoir d'une trêve négociée en grande partie par l'ONU, les États-Unis et l'Arabie saoudite doit encore cimenter la paix ou accélérer la reconstruction. Pour ce faire, les Yéménites doivent également reconstruire les liens de foi et de communauté qui permettent à toute société de prospérer.

Dans le contexte de ces défis, il est d'autant plus remarquable que les Yéménites aient récemment commencé à réhabiliter à Aden un cimetière juif vieux de cent soixante ans. Ce qui a commencé comme une initiative bénévole a maintenant obtenu le soutien des autorités locales et des institutions yéménites.

C’est un projet de tolérance et de rapprochement interconfessionnels dans des lieux où de tels sentiments ont été rares. Au cours des deux dernières années, la communauté juive du Yémen – l'une des plus anciennes au monde – a disparu. La plupart des quelques personnes restantes ont fui vers les pays voisins après avoir été persécutées et même arrêtées par les Houthis. Il y a tout juste un siècle, les Juifs se comptaient par dizaines de milliers et pouvaient revendiquer une généalogie de près de trois mille cinq cents ans.

La tradition juive veut que le cimetière d'Aden soit l'endroit où Abel, de la Bible, a été enterré il y a quelques milliers d’années. Il fait partie de la tradition de chaque foi abrahamique, sachant que la mémoire collective de la tolérance yéménite demeure, malgré les ravages sociétaux de la dernière décennie.

Chacune des religions abrahamiques nous enseigne à agir avec bonté envers nos frères et sœurs d'autres confessions. Il devrait être motivant pour nous tous de voir le gouvernement du Yémen internationalement reconnu et le peuple d'Aden agir dans cet esprit. J'espère que ce regain d’attention pour un cimetière juif démontrera comment la foi et l'action peuvent nous aider à surmonter les vicissitudes et les écueils des politiques extrémistes, des communautés et des conflits du passé – réels ou imaginaires.

La communauté juive du Yémen n'existe plus, mais les Yéménites honorent leur propre passé et leur patrimoine commun en conservant sa mémoire. En respectant la participation des Juifs dans la longue et riche histoire du Yémen, les dirigeants yéménites font preuve de la volonté d'intégration et de protection des minorités dans l'avenir de la nation, alors qu’elle émerge à peine de ce conflit tragique.

«De tels efforts de reconstruction rappellent à tous les Yéménites la primauté de la tolérance dans leur culture»

Rabbin Marc Schneier

Le contraste avec les Houthis et l'idéologie raciste qu'ils propagent est saisissant. Ces derniers exploitent les différences religieuses de doctrine et de rituel existant au Yémen pour diviser des communautés autrefois harmonieuses. Les enfants sont entraînés à la haine dans les écoles, tandis que les travailleurs de l'État doivent scander des slogans de mort contre certains peuples, comme ceux des États-Unis et d'Israël, qu'ils n'ont jamais rencontrés et dont ils n'ont aucune idée. Par ailleurs, la célébration d'innocents yéménites ou saoudiens tués est totalement condamnable.

Les analystes parlent aujourd'hui de la trêve au Yémen en termes d'argent, d'hommes et d'idéologie. Les choses bougent et changent, mais la nécessité pour une société opérationnelle d'incorporer des personnes de croyances différentes reste tout aussi vraie.

Les Houthis semblent maintenir une emprise ferme sur de grandes parties du Yémen. Mais dans ce pays, avec sa mosaïque tribale, religieuse et sociétale riche et résistante, l'intolérance rend toute idée de «contrôle» naturellement précaire. L'histoire du Yémen montre que l'endoctrinement sectaire ne change pas un peuple. Certains de ses bâtiments les plus anciens se sont effondrés et une précieuse documentation a été perdue, mais le Yémen tolérant d'autrefois reste vivant dans les histoires, la poésie et la prière, ainsi que dans le cœur de son peuple.

L'effort de réhabilitation du cimetière est un microcosme de ce qui devra avoir lieu pour redonner au Yémen sa véritable tradition de tolérance. Alors que certains détruisent l'histoire et profanent les lieux de culte et de commémoration pour créer un vide à remplir de haine à leur propre profit, les efforts de reconstruction, à l’exemple du cimetière, peuvent rappeler à tous les Yéménites la primauté de la tolérance dans leur culture.

Nous prions tous pour la fin de la guerre au Yémen, le maintien de la paix et une reconstruction rapide. Ajoutons à ces prières l’espoir que les Yéménites restent sur cette voie pour reconstruire le pays non seulement brique par brique, mais pour restaurer la diversité de l'Aden d'autrefois à l'image de la tolérance de notre Créateur.

 

Le rabbin Marc Schneier est président de la Foundation for Ethnic Understanding et consultant de renom dans de nombreux États du Golfe.

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com