Liz Truss s’attendait à un rythme effréné lors de ses premiers jours en tant que Première ministre britannique, mais elle n’aurait pas pu prévoir la semaine mouvementée qui se poursuit depuis lundi.
La triste mort de la reine Elizabeth jeudi est un événement marquant de l’histoire britannique et Liz Truss doit désormais parler au nom de la nation dans les prochains jours, aux côtés du nouveau roi Charles.
Monarchie mise à part, elle fait face à une situation politique difficile. Sur le plan international, la guerre bat son plein en Ukraine. La nouvelle Première ministre doit rétablir les liens avec l’Union européenne et montrer au monde que le Brexit a un objectif cohérent. Par ailleurs, elle doit en quelque sorte tisser des liens avec les États-Unis au moment où la relation avec le président est à son paroxysme, peut-être depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Malgré le fait que la Première ministre soit confrontée à certains des plus grands défis politiques depuis 1945, le gouvernement qu’elle a formé est l’un des moins expérimentés des temps modernes. C’est étrange, compte tenu de l’ampleur de la tâche qui les attend sur les plans économique, financier et social.
Bien que Liz Truss ait remporté la course à la direction du Parti conservateur lundi avec une marge plus étroite que prévu, elle s’est montrée peu disposée à nommer des ministres qui s’opposent à elle. L’ancien ministre des Finances Rishi Sunak ne s’est pas vu offrir de poste –une rupture significative avec le précédent. Elle risque donc de commettre exactement la même erreur que Boris Johnson en 2019 en favorisant un trop grand nombre d’alliés proches tout en faisant fi des membres principaux du Parti conservateur.
En effet, seuls deux députés qui avaient publiquement déclaré leur soutien à M. Sunak pendant la campagne ont évité d’être limogés et/ou sont parvenus à accéder au conseil des ministres de Liz Truss. Il s’agit du secrétaire d’État pour le Pays de Galles, Robert Buckland, qui a commencé à soutenir la nouvelle Première ministre plus tard dans la campagne, et du nouveau procureur général Michael Ellis.
Liz Truss aime se comparer à Margaret Thatcher, qui a également relevé des défis en 1979, mais ses nominations sont très différentes. Le nouveau ministre des Finances Kwasi Kwarteng, le ministre des Affaires étrangères James Cleverly et la ministre de l’Intérieur Suella Braverman ont beaucoup moins d’expérience politique que la première équipe de haut niveau de Thatcher à la fin des années 1970, composée de Geoffrey Howe, Lord Carrington et Willie Whitelaw. En effet, Liz Truss est désormais la seule personne au pouvoir qui a occupé des postes au sein des gouvernements britanniques pendant plus de six ans et à avoir servi dans le dernier gouvernement de David Cameron en 2016.
Néanmoins, le gouvernement présente une importante diversité au niveau de l’ethnie et du genre. C’est la première fois dans l’histoire du Royaume-Uni qu’aucun homme blanc n’occupe l’un des quatre grands bureaux de l’État (10 Downing Street, Trésor, ministère des Affaires étrangères ou ministère de l’Intérieur).
«Il est inexplicable que l’équipe dirigeante sélectionnée par Liz Truss ne soit pas plus pertinente pour relever les défis à venir.»- Andrew Hammond
De plus, le gouvernement compte au moins cinq autres candidats issus de la récente élection à la direction – Penny Mordaunt, Nadhim Zahawi, Suella Braverman, Kemi Badenoch et Tom Tugendhat. Liz Truss soutient donc qu’il s’agit d’un gouvernement qui unifiera le parti.
L’une de ses nominations les plus controversées est celle de Jacob Rees-Mogg au poste de secrétaire d’État aux Affaires. Lui, avec d’autres comme Suella Braverman, est sceptique quant à l’agenda zéro émission nette. Il est ouvertement en faveur de la fracturation, a fait part de ses inquiétudes concernant «l’alarmisme climatique» et estime que «chaque goutte» d’énergie fossile devrait être extraite de la mer du Nord au Royaume-Uni.
La nomination de M. Rees-Mogg a été critiquée par les ONG vertes et il y aura des compensations à tout changement important dans la politique climatique britannique. Tout d’abord, le nouveau ministre des Finances, M. Kwarteng, est le principal artisan du plan en dix points de Boris Johnson pour atteindre zéro émission nette d’ici à 2050. Deuxièmement, le député en faveur de l’objectif zéro émission nette, Graham Stuart, a été nommé ministre du Climat sous M. Rees-Mogg et prendra part au gouvernement. Enfin, M. Johnson a averti Liz Truss qu’il était prêt à défendre son héritage climatique et elle sait qu’il dispose toujours d’une grande cote de popularité auprès du parti.
Parmi tous les principaux défis auxquels la nouvelle Première ministre Truss fait face, le plus pressant est une intervention majeure sur le marché britannique de l’énergie, qu’elle a décrite jeudi. Cela devrait coûter entre 100 milliards de livres sterling (116 milliards de dollars; 1 dollar = 0,98 euro) et 150 milliards de livres sterling au cours des dix-huit prochains mois. Avec ces dépenses supplémentaires considérables, ainsi que d’importantes réductions d’impôts, les coûts d’emprunt de référence du Royaume-Uni ont atteint leur plus haut niveau en plus de onze ans mardi, alors que les marchés craignaient que les plans de la Première ministre pour lutter contre la crise du coût de la vie n’entraînent une forte augmentation de la dette publique.
Pour ajouter un fardeau supplémentaire à Liz Truss, un nouveau sondage d’opinion publié mardi montre également que le parti travailliste de l’opposition renforce son leadership de quinze points de pourcentage environ, soit une augmentation de sept points par rapport à la semaine précédente.
La nouvelle Première ministre fait donc face à une tempête économique et politique croissante. Il est donc inexplicable que l’équipe dirigeante qu’elle a sélectionnée ne soit pas plus pertinente pour relever les défis à venir.
Andrew Hammond est un associé à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com