L'effondrement de la coalition gouvernementale israélienne semblait inévitable. Les personnes cyniques diraient même que le fait que cette coalition invraisemblable ait survécu pendant un an est un véritable miracle.
Toutefois, on peut tout aussi bien dire qu'une rare occasion de rétablir une gouvernance stable, unifiée et ordonnée, dont le pays a désespérément besoin, a été manquée. En effet, la décision de dissoudre la Knesset a plongé le pays dans une nouvelle campagne électorale nuisible et virulente qui s'achèvera lorsque les Israéliens se rendront aux urnes le 1er novembre pour la cinquième fois en trois ans et demi. C'est là le triste reflet à la fois des divisions croissantes de la société israélienne et de la paralysie de son système politique.
D'ici au jour du scrutin, nous aurons amplement le temps de spéculer sur les gagnants et les perdants quand les dés seront jetés. Mais le pari le plus sûr est que les résultats seront aussi peu concluants que ceux des quatre élections précédentes, que la majorité du nouveau gouvernement sera très faible ou que de nouvelles élections suivront peu après.
Une bonne partie de ce qui va se passer au cours des prochains mois résulte des dysfonctionnements du gouvernement actuel. Il serait simpliste d'affirmer que cette coalition était mort-née puisqu'elle comprenait des partis aux idéologies diamétralement opposées. Ce n'était donc qu'une question de temps avant que les fissures n'apparaissent et ne provoquent éventuellement son effondrement. Après tout, qu'est-ce qui peut faire tenir un gouvernement qui compte parmi ses membres à la fois ceux qui croient que la résolution du conflit israélo-palestinien passe par une solution à deux États et ceux qui pensent que tout le territoire entre le Jourdain et la mer Méditerranée doit être gouverné par l'État juif ?
Comment faire cohabiter libéraux laïcs, juifs orthodoxes et arabo-islamistes pour diriger de manière cohérente une société assez complexe ? Et comment les partisans du libre-échange pourraient-ils travailler avec le centre-gauche et les sociaux-démocrates pour proposer un programme socio-économique cohérent ? Ces paradoxes indiquaient depuis le début que l'espérance de vie de ce gouvernement ne pouvait être que courte et qu'il s'agirait au mieux d'un gouvernement intérimaire, d'une simple porte de sortie de la longue ère dévastatrice de Netanyahu, qui stabiliserait un système politique chancelant jusqu'à ce que le leader du Likoud quitte définitivement la scène politique.
Bien qu'elle se définisse comme « gouvernement du changement », cette administration, inhabituellement dirigée par le Premier ministre Naftali Bennett et le Premier ministre suppléant Yaïr Lapid, était principalement motivée par un besoin pressant de remplacer le Premier ministre ayant servi le plus longtemps dans l'histoire d'Israël, Benjamin Netanyahu, et d'empêcher l’accusé dans trois affaires de corruption d'occuper la plus haute fonction du pays.
Cependant, le parti Likoud de Netanyahu constitue la faction la plus importante de la Knesset et il existe des éléments forts au sein de la coalition actuelle qui s'identifient plus (sur le plan idéologique) aux partis d'opposition qu'à certains de leurs collègues de la coalition. Ainsi, ils ont été accusés, sans aucun fondement, d'avoir trahi leurs partisans. Il était inévitable que certains cèdent à la pression et qu'ils abandonnent la coalition, au lieu de reconnaître la valeur d'un gouvernement inclusif qui mettrait fin à l'ère de division et de corruption de Netanyahu et de ses partisans.
Il était inévitable que certains cèdent à la pression et qu'ils abandonnent la coalition, au lieu de reconnaître la valeur d'un gouvernement inclusif qui mettrait fin à l'ère de division et de corruption de Netanyahu et de ses partisans.
-Yossi Mekelberg
Bien que ce gouvernement n'ait pas duré longtemps, sa formation a montré que l'affirmation démagogique de Netanyahu, selon laquelle il ne pouvait y avoir d'autre leader que lui, était fausse. Néanmoins, la coalition n'a pas tenu assez longtemps pour éliminer complètement le risque de son retour au pouvoir.
Si ce n'est pour sa longévité, le gouvernement Bennett-Lapid pourrait au moins rester dans les mémoires pour avoir tenté de rétablir un peu de bon sens dans le processus politique, sans compter [la mise en place de] certaines normes de comportement et de collégialité, en particulier entre ses deux principaux protagonistes. Contrairement aux promesses non tenues par Netanyahu dans les accords de rotation passés, Bennett, malgré tous ses défauts, a respecté son accord avec Lapid et a cédé le rôle de Premier ministre dans l'ordre. Il est peut-être évident pour la plupart d'entre nous que les accords doivent être respectés, mais dans un paysage politique qui a été façonné pendant des années par la soif de pouvoir incontrôlée de Netanyahu, un tel respect est devenu rare.
Il est encore tôt pour savoir comment l'histoire jugera cette coalition, mais le fait qu'un parti israélo-arabe, qui plus est, islamiste, en ait fait partie pour la première fois, et que son leader, Mansour Abbas, se soit avéré l'un de ses membres les plus responsables en travaillant sans relâche pour maintenir la coalition malgré les critiques sévères des Palestiniens – qu'il s'agisse de citoyens israéliens ou de ceux des territoires occupés et sous blocus – doit laisser un héritage durable de l'inclusion de la minorité israélo-palestinienne en tant que partenaire égal au gouvernement.
De plus, ce gouvernement a adopté une loi budgétaire, mettant ainsi fin aux manipulations irresponsables et corrompues du budget, menées par les anciennes administrations Netanyahu. En outre, la capacité de politiciens aux opinions complètement opposées à s'occuper de manière constructive de certains des défis nationaux et internationaux auxquels Israël est confronté, en particulier lorsqu'ils sont soumis à des attaques constantes et abusives de la part du bloc de droite, ne doit pas être tenue pour acquise. Cependant, Bennett et ses partenaires au gouvernement n'ont pas réussi à gérer correctement la coalition ni à protéger certains de ses membres les plus vulnérables contre les attaques verbales infâmes et les atteintes à leur bien-être, ce qui les a poussés à fléchir et à retirer leur soutien.
Ce n'était pas non plus un gouvernement de changement par rapport à la question palestinienne. Il était d'ailleurs impossible de faire la différence entre ce dernier gouvernement et ceux dirigés par Netanyahu. Effectivement, les colonies ont continué à s'étendre, l'idée que Jérusalem appartient exclusivement aux Juifs a été maintenue et le blocus de Gaza n'a été allégé que de façon marginale.
Nous ne saurons jamais comment ce gouvernement aurait évolué s'il avait duré un mandat complet. Il a cependant démontré, à la fois par ses politiques et son effondrement spectaculaire, que c'est la droite populiste, et peu à peu l'ultra-droite religieuse, qui mène le jeu dans la politique israélienne, tant au pouvoir que dans l'opposition.
• Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales à la Regent's University à Londres, où il dirige le Programme des Relations Internationales et des Sciences Sociales. Il est également chercheur associé au Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux et régionaux.
Twitter: @YMekelberg
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.