Alors que le monde luttait contre les effets de la crise pétrolière de 1973, les ministres des Finances de six des principales économies mondiales – la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis – officialisaient leur coopération, dans un contexte d'instabilité. Les perturbations de l'approvisionnement en énergie avaient entraîné des pertes d'emplois massives, une inflation galopante et un effondrement du commerce international. Réuni dans la ville française de Rambouillet en 1975, ce «Groupe des Six» (puis huit et désormais sept) s'est réuni régulièrement pour discuter de solutions globales aux défis mondiaux.
Le groupe s'est réuni à nouveau la semaine dernière pour discuter du conflit en Ukraine, de la flambée des prix alimentaires et de l'inflation. Ce rassemblement des pays les plus riches du monde a eu lieu la même semaine qu'un sommet de l'Otan, soulignant l'importance de telles rencontres dans un monde de plus en plus incertain.
Le but de la diplomatie est de renforcer un État, une nation ou un groupement et les intérêts qu'ils servent, par le biais d'une activité diplomatique sans le risque et le coût liés à l'utilisation de la force. Alors que la technologie moderne rend la guerre extrêmement coûteuse et réellement meurtrière, les négociations concertées prennent de plus en plus d’importance. Un monde de plus en plus multipolaire a créé les circonstances dans lesquelles les procédures et les règles de conduite entre les États sont compromises.
Cela se reflète dans le concept de pacta sunt servanda («les accords doivent être respectés» en latin), principe fondamental du droit qui est de plus en plus ignoré alors que les États souverains se préoccupent davantage de leurs propres agendas. Le retour des conflits à grande échelle en Europe a mis en évidence cette tendance, la communauté internationale n'ayant pas saisi la probabilité de la guerre pour changer fondamentalement l'ordre mondial.
Les préoccupations environnementales, les conditions commerciales préférentielles pour les pays riches, l'augmentation de l'insécurité alimentaire et la montée de la Chine interrogent sur une crise du capitalisme, alors que l'Occident semble avoir perdu sa capacité intellectuelle et son autorité morale pour proposer des solutions aux défis mondiaux.
Pendant près de deux décennies, les réunions annuelles du G7 ont été considérés comme des lieux où parler affaires, donnant trop peu de résultats. À titre d’exemple, l'initiative «Reconstruire un monde meilleur» annoncée lors du sommet de l'année dernière, a été rapidement classée dans les longues listes d'idées non réalisées de l'organisation. De même, au cours de la dernière décennie, l'Otan a continuellement échoué à s'armer, malgré la perspective de nouveaux conflits, signifiant que l’Alliance s'est retrouvée prise de court en pleine crise ukrainienne. Aujourd'hui, cependant, les urgences ont poussé les dirigeants à reconsidérer l'importance d’une action menée de concert pour faire face aux défis mondiaux.
Les conflits violents, la pandémie et le changement climatique ont fait que le monde connaît un ensemble de crises qui risquent d'inverser les importants progrès réalisés au cours des dernières décennies pour mettre fin à l'extrême pauvreté. Selon Oxfam, plus de 250 millions de personnes pourraient être plongées cette année dans une extrême pauvreté en raison de ces crises. Ces circonstances sont si urgentes qu'il n'y a pas de plus grande motivation pour un consensus international. La crise alimentaire mondiale se propage à la suite d'un blocus sur les céréales ukrainiennes, des approvisionnements dont l'Afrique et le Moyen-Orient ont cruellement besoin. Les économies et les familles dans le monde entier sont touchées, remettant ainsi les rassemblements mondiaux à l’ordre du jour.
«Ces circonstances sont si urgentes qu'il n'y a pas de plus grande motivation pour un consensus international»
Zaid M. Belbagi
En raison de leur richesse et de leur pouvoir, le G7 et l'Otan sont bien placés pour faire bouger les choses dans le monde. Charles Kupchan, chercheur principal au Council on Foreign Relations, a affirmé que si l'Otan pouvait définir l'ordre du jour principal pour un grand groupe de pays, le fait de l’associer au G7 permettrait «une plus grande flexibilité» et ferait que les «dirigeants retroussent leurs manches pour avoir de franches conversations les uns avec les autres».
Alors que le sommet de l'Otan a permis d'aborder les questions traditionnelles de sécurité continentale, le G7 a été l'occasion de faire le point sur des questions ne relevant pas de la compétence de l'alliance militaire. «Il y a aussi la question de la sécurité alimentaire et sa dimension énergétique. Il y a le changement climatique. Il y a beaucoup de choses qui sont de nature plus géoéconomique que géostratégique. Je pense que c'est donc une chance qu'il y ait cette configuration de travail en équipe entre le G7 et l’Otan», a indiqué Kupchan.
L'annonce par le G7 d'un fonds d'infrastructure de 600 milliards de dollars (un dollar = 0,97 euros) qui contrecarrera l'influence croissante de la Chine avec son initiative «la Ceinture et la Route» est un exemple de la puissance du groupe lorsque ses membres mettent leurs ressources en commun.
La visite collective des dirigeants de l'UE en Ukraine, ainsi que les sommets consécutifs du G7 et de l'Otan, montrent que la diplomatie concertée, qu'un monde globalisé rendait superflue, semble avoir refait surface. Tout comme les guerres napoléoniennes ont conduit au Congrès de Vienne qui a dicté les échanges des grandes puissances au cours du siècle suivant, les rivalités renaissantes, les ambitions hégémoniques et les défis mondiaux existentiels d'aujourd'hui nécessitent des sommets qui fournissent une plate-forme visant à façonner les réponses politiques dans le monde entier.
Le G7 a contribué à sauver 27 millions de vies du sida, de la tuberculose et du paludisme et a soutenu l'éducation de dizaines de millions d'enfants dans les pays les plus pauvres du monde. L'Otan, quant à elle, interdit l'escalade des conflits entre grandes puissances en Europe depuis plus de soixante-dix ans. Malgré ces avancées, le succès de ces projets communs se mesurera au niveau de la gestion des effets de la guerre sur l'économie mondiale, l'inflation et la régularité accrue des conflits.
Les défis actuels sont peu de choses par rapport à ce qui nous attend en termes de lutte contre la Chine, par exemple. Une telle entreprise nécessitera un effort diplomatique, informationnel, militaire et économique. Des politiques audacieuses conduisent invariablement à des retombées politiques potentielles, à des désaccords avec des alliés petits et grands, et à la probabilité d'une réaction chinoise à tout moment. Seuls la coopération, le dialogue et les négociations peuvent répondre aux défis croissants du monde.
Zaid M. Belbagi est chroniqueur politique et conseiller de clients privés entre Londres et le CCG.
Twitter: @Moulay_Zaid
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com