Alors que la guerre à Gaza se poursuit sans aucune fin en vue, la décision prise le mois dernier par le Parlement israélien de rompre les liens avec l'Unrwa risque de renforcer l'instabilité du conflit. Le ministère israélien des Affaires étrangères a ensuite annulé l'accord de coopération de 1967 qui constituait la base juridique des relations entre Israël et l'agence des Nations unies. Cet accord assurait à l'Unrwa protection et immunité diplomatique. Le ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, a déclaré que cette décision était motivée par le fait qu'Israël estimait que les liens présumés de l'Unrwa avec le Hamas rendaient l'agence complice du conflit en cours.
Depuis sa création en 1949, l'Unrwa a été une bouée de sauvetage pour les réfugiés palestiniens, fournissant des services vitaux tels que l'éducation, les soins de santé, l'assistance alimentaire et l'aide d'urgence. Son importance s'est particulièrement accrue au cours des deux dernières décennies, le nombre de réfugiés dépendant de l'Unrwa pour l'aide alimentaire étant passé de 80 000 personnes en 2000 à plus de 2 millions aujourd'hui. En 2023, le taux de pauvreté à Gaza s'élevait à 64% et à 12% en Cisjordanie.
Cette initiative israélienne perturbera le fragile système de distribution de l'aide à Gaza à un moment où la crise humanitaire s'est considérablement aggravée et où Israël est soumis à des pressions croissantes pour autoriser l'entrée de l'aide dans la bande de Gaza. L'Autorité palestinienne est déjà confrontée à une grave crise financière en raison de la guerre et de l'effondrement de l'économie et peine à payer les fonctionnaires. Cette situation risque d'accroître la dépendance à l'égard du Hamas en matière de services sociaux et de soutien, compte tenu de son rôle dans la structure de gouvernance de la bande de Gaza. Toutefois, cela retardera encore la résolution du conflit entre Israël et le Hamas.
Cette mesure perturbera le fragile système de distribution de l'aide à Gaza, à un moment où la crise humanitaire s'est considérablement aggravée.
- Zaid M. Belbagi
Le manque d'aide humanitaire causé par le retrait de l'Unrwa de Gaza nécessitera inévitablement le soutien des acteurs régionaux et internationaux. Jusqu'à ce qu'un remplaçant officiel de l'Unrwa soit mis en place, l'Égypte et les États du Golfe devront assumer la responsabilité principale de l'aide et de la reconstruction à Gaza, car leur situation géographique les rend particulièrement vulnérables à l'émigration depuis la bande de Gaza. Depuis octobre 2023, les États du Golfe ont déjà augmenté leur aide à Gaza et cette tendance va se poursuivre. Au cours de l'année écoulée, les Émirats arabes unis ont envoyé plus de 50 000 tonnes de fournitures urgentes à Gaza, tandis que l'Arabie saoudite a annoncé l'octroi d'une aide financière mensuelle aux Palestiniens. Les deux pays figurent également parmi les 20 premiers donateurs de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa).
Les États-Unis sont traditionnellement le plus grand donateur international, bien qu'en janvier ils aient temporairement suspendu tout financement à l'organisation à la suite de l'accusation d'Israël selon laquelle 12 membres du personnel de l'Unrwa liés au Hamas étaient impliqués dans l'attaque du 7 octobre 2023. Néanmoins, les États-Unis joueront un rôle clé pour combler le vide en matière d'aide à Gaza, car ils ont exprimé leur profonde inquiétude quant à la dernière mesure prise par Israël. En outre, le futur président Donald Trump se concentre sur la stabilité régionale afin d'accélérer le retrait militaire américain du Moyen-Orient. La prochaine administration américaine pourrait augmenter le flux d'aide à Gaza tout en encourageant Israël à remplacer l'Unrwa.
Les États-Unis joueront un rôle clé pour combler le vide de l'aide à Gaza, car ils ont exprimé leur profonde inquiétude face à la dernière décision d'Israël
- Zaid M. Belbagi
En réponse à la lettre adressée par Israël à l'ONU concernant la rupture des liens avec l'Unrwa, le secrétaire général Antonio Guterres a souligné qu'il incombait à Tel-Aviv d'établir ou de nommer un remplaçant pour l'agence d'aide. L'Unrwa n'est pas la seule agence d'aide opérant à Gaza et en Cisjordanie. Plusieurs organisations humanitaires internationales de premier plan, telles que le Croissant-Rouge palestinien, Médecins sans frontières, le Fonds des Nations unies pour la population et l'Unicef, y sont également présentes. Cependant, l'Unrwa, connu comme «l'épine dorsale de la réponse humanitaire à Gaza», a servi d'agence d'ancrage consolidée pour les réfugiés palestiniens à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Jordanie et en Syrie. Il sera donc très difficile pour une seule organisation de la remplacer.
La décision d'Israël intervient à un moment crucial du conflit au Moyen-Orient qui, bien que loin d'être terminé, sera suivi d'un gigantesque effort de reconstruction à Gaza qui pourrait coûter près de 80 milliards de dollars (1 dollar = 0,95 euro). La reconstruction post-conflit nécessitera non seulement un soutien financier, mais aussi une expérience de travail sur le terrain avec les réfugiés et les autorités palestiniennes, ce qui relève de l'expertise de l'Unrwa. En raison de l'absence d'un système politique stable à Gaza et en Cisjordanie, la suppression de l'Unrwa se traduit par la suppression de la structure administrative la plus avancée disponible dans les territoires occupés.
S'il est peu probable que la décision israélienne soit annulée, la communauté internationale encouragera probablement Israël à élargir les voies de l'aide humanitaire à Gaza et à renforcer la coopération avec les autres agences humanitaires présentes dans la région.
Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller auprès de clients privés entre Londres et le CCG.
X: @Moulay_Zaid
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com