Voici presque six semaines que les élections parlementaires libanaises se sont soldées par un résultat mitigé. Le Hezbollah, milice pro-iranienne, a perdu avec ses alliés la majorité à la Chambre des députés. Deux nouveaux grands blocs se sont formés séparément. Le groupe des députés du changement issu de la société civile, et celui des députés et partis appelés «souverainistes». À eux deux, ils forment de la majorité à la Chambre. Mais cette majorité ne peut exister si ces composantes ne trouvent pas un terrain d’entente, et qu’elles ne se plient aux exigences d’une large partie de l’opinion publique, qui demande un front uni réunissant députés du changement et souverainistes.
En attendant, le Hezbollah garde avec ses alliés une majorité relative, et présente un front uni pour les différentes échéances. Il a déjà réussi à faire réélire sans difficultés le président sortant du Parlement, Nabih Berri, et le candidat du Courant patriotique libre (CPL) du président Michel Aoun au poste de vice-président. Il est évident que le Hezbollah, qui a perdu la majorité à la Chambre, est parvenu à se maintenir comme décideur sur la scène politique libanaise, faute d’unité et de cohérence dans les rangs d’une majorité qui semble ne pas pouvoir se mettre en ordre de bataille pour réformer le pays et recouvrer la souveraineté.
Une autre occasion manquée aura été la nouvelle désignation, il y a tout juste deux semaines, du Premier ministre sortant Nagib Mikati, pour former le gouvernent, ce avec un maigre score de voix de députés, appartenant presque tous au camp du Hezbollah. Ce nouveau pari manqué pourrait peser très lourd dans les prochains mois, qui verront l’élection d’un nouveau président de la République pour succéder à Michel Aoun, dont le mandat prendra fin le 31 octobre.
Le Liban écrasé par une crise socio-économique d’une violence extrême pourrait donc se retrouver sans gouvernent
- Ali Hamadé
Il s’avère que les élections ont fait émerger une nouvelle classe politique issue de la société civile, mais qui peine encore à marquer son territoire au sein du jeu politique libanais, où les partis traditionnels gardent toujours la main haute. Pour leur part, les souverainistes manquent du sens de l’unité. Il est toujours assez difficile de les réunir autour d’une seule table. Les divergences ne manquent pas entre ces «frères d’armes». Tout cela fait le jeu du Hezbollah qui poursuit son chemin comme s’il avait remporté les élections de mai dernier.
Revenons à la formation du nouveau gouvernement. Il était clair que la nouvelle désignation de M. Mikat comme chef de cabinet représentait un choix peu convaincant. En effet, ce dernier fait partie des hommes politiques qui ne se mouillent presque jamais. Il fut un allié du Hezbollah en 2011 lors du renversement du gouvernement de Saad Hariri. Depuis, il se définit comme un centriste qui parle avec tout le monde et compose avec les uns et les autres.
Dans un pays comme le Liban, où il est difficile de se maintenir en politique si l’on est intransigeant, il est compréhensible qu’un candidat récurrent au poste de Premier ministre ne veuille jamais couper les ponts, même avec ceux que l’on pourrait qualifier de «force nuisible» à l’unité du pays, comme la milice pro-iranienne. Néanmoins beaucoup reprochent au Premier ministre désigné d’être un peu trop conciliant avec le Hezbollah.
M. Mikati chercherait aujourd’hui à former son gouvernement qui siégerait seulement jusqu’au 31 octobre, date de la fin du mandat présidentiel. Après quoi, il deviendrait démissionnaire. Il opterait alors pour un gouvernement de transition basé essentiellement sur son actuel gouvernent démissionnaire partiellement remanié. C’est mercredi dernier que M. Mikati a soumis au président de la République la première esquisse de son futur gouvernement.
Il est difficile d’imaginer qu’il obtienne l’aval de M. Aoun, qui privilégierait un gouvernent totalement nouveau lui offrant l’occasion d’être représenté par des ministres de son parti. Le président libanais, en fin de mandat, se bat depuis des années pour que son gendre, Gebran Bassil, lui succède à la magistrature suprême.
La formation d’un nouveau gouvernement plus politique et plus partisan incluant son gendre et dauphin politique est une priorité dont il serait impossible qu’il se défasse. Le Liban écrasé par une crise socio-économique d’une violence extrême pourrait donc se retrouver sans gouvernent, sans président, et sans amis au sein de la communauté internationale, qui considère que l’une des sources de la crise actuelle est la mainmise du Hezbollah, qui tient en laisse l’ensemble de la classe dirigeante libanaise. L’alliance entre la milice pro-iranienne et la mafia des dirigeants corrompus pourrait plonger le Liban dans une crise sans fin.
Aucun gouvernement ne pourra sortir le Liban de son marasme si ce petit pays ne se défait pas de l’hégémonie iranienne qui l’écrase.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
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