Un mois jour pour jour après les élections parlementaires libanaises qui devaient, avec l’arrivée de nouveaux députés du changement, annoncer le début d’une nouvelle ère, beaucoup de Libanais sont déçus. C’est un premier constat très sévère, j’en suis conscient. Mais l’espoir que des millions de Libanais avaient mis dans cette nouvelle caste de députés, eux qui faisaient leur entrée au sein d’un Parlement truffé de dinosaures politiques représentant un Liban rongé par la corruption et le clientélisme, était grand. D’où la déception d’un nombre de citoyens qui avaient pris d’assaut les bureaux de vote au Liban comme à l’étranger pour faire élire les candidats du changement. Pourquoi cette déception si rapide?
Il était clair aux yeux d’une grande majorité d’électeurs qui ont soutenu ces indépendants issus de la société civile qu’un changement devait se faire sentir à deux niveaux. Le premier se rapporte au jeu politique dans les institutions de l’État. Le second concerne le rééquilibrage national face à la mainmise du Hezbollah, parti pro-iranien qui tenait d’une main de fer les ficelles du pouvoir au sein de l’État libanais.
Le Hezbollah a réussi le pari de se maintenir en place et de garder en laisse l’appareil de l’État. Les forces souverainistes se retrouvent minoritaires et les nouveaux députés du changement se replient sur eux-mêmes, refusant de voir d’où provient le danger qui menace l’existence même du Liban.
Dans le premier cas, il s’est avéré que les nouveaux venus manquaient cruellement de maturité politique et qu’ils souffraient de la maladie infantile d’une gauche venue d’une autre époque. Ils ont raté leur entrée lors de l’élection du président et du vice-président de la Chambre ainsi que du bureau de l’assemblée. Ils ont mené une bataille marquée par un désordre total face à une caste politique ultra rodée, qui n’a fait d’eux qu’une simple bouchée! Ces élections devaient voir l’émergence d’une nouvelle donne politique au sein du Parlement. Il était évident que les treize nouveaux venus devaient impérativement composer avec d’autres députés avec qui il fallait peser le pour et le contre d’un coalition lors de cette élection à grande portée symbolique. Les treize ont ainsi raté l’occasion de porter un coup à un aspect du système. Ils ont choisi de ne pas composer avec les partis dits souverainistes, ni même avec des indépendants, taxés d’être traditionnels.
Le changement tant espéré n’est pas pour demain.
Dans le deuxième cas, les députés du changement ont échoué durant les premières quatre semaines à se mettre d’accord sur une plateforme politique commune. De plus, ils ont refusé de composer avec les partis souverainistes, même ceux dont le passé est assez lourd, mais qui seraient la seule voie possible pour ne pas être balayés à chaque échéance par la grande coalition d’acier menée par le Hezbollah qui a su se mettre en état de guerre et de se présenter en front uni. Les députés du changement, qui devaient insuffler un vent nouveau, un espoir de changement, une nouvelle conception de la politique, tout en se gardant de s’isoler, ont échoué dans leur mission de rassembler même les anciens du régime de la faillite qu’il aurait fallu rallier à leur cause.
Finalement, après la liesse vient le désarroi. Le changement tant espéré n’est pas pour demain. Le Hezbollah a réussi le pari de se maintenir en place et de garder en laisse l’appareil de l’État. Les forces souverainistes se retrouvent minoritaires et les nouveaux députés du changement se replient sur eux-mêmes, refusant de voir d’où provient le danger qui menace l’existence même du Liban.
Il faudra plus de lucidité politique pour que les nouveaux députés du changement ainsi que les souverainistes comprennent que le déséquilibre politique est grand
En conclusion, le Liban nouveau tant attendu a raté son départ. Les barons du système sont plus forts que jamais. Le parti pro-iranien tient toujours les rênes du véritable pouvoir. Il faudra plus de lucidité politique pour que les nouveaux députés du changement ainsi que les souverainistes comprennent que le déséquilibre politique est grand, et qu’il serait temps de fixer l’ordre des priorités qui se base sur le principe des reformes et du recouvrement de la souveraineté de l’État.