Depuis le 10 septembre, le Liban a un nouveau gouvernement dirigé par l’ancien Premier Ministre et homme d’affaires milliardaire, Najib Mikati. Le 20 septembre, le Parlement libanais vote la confiance au gouvernement. Trois jours plus tard, M. Mikati est reçu au palais de l’Élysée par le président français, Emmanuel Macron, qui apporte son soutien au gouvernement Mikati sous le signe des réformes exigées par la France et la communauté internationale pour venir en aide au Liban.
Paris exige que le Liban se mette sur la voie des réformes par des actes et pas uniquement des promesses qui ne trouvent plus écho au sein de la communauté internationale. Les promesses des différents gouvernements qui se sont succédé aux commandes du Liban d’entamer de sérieuses réformes ne manquent pas. Ce qui manque, c’est la mise en place de ces réformes, et leur exécution, ainsi que le respect des lois en vigueur, surtout l’indépendance de l’autorité judiciaire et son efficacité en tant qu’autorité garante du bon respect des lois et de la bonne gouvernance à laquelle aspirent les Libanais. Ceux-ci sont excédés par une caste politique rongée par la corruption, et la gestion mafieuse des affaires de l’État. Le résultat est sans appel: le Liban a fini par sombrer dans une crise socio-économique d’une ampleur sans précédent.
L’exigence de la communauté internationale quant à ce que le Liban se place sur le chemin des réformes, en préambule au lancement du processus de négociations entre le nouveau gouvernement de M. Mikati et le Fonds Monétaire international (FMI), devrait ouvrir la voie au sauvetage de l’État libanais en banqueroute. Ces exigences se concentrent sur l’aspect technique de la crise libanaise.
L’approche de Paris et de ses partenaires internationaux se limite à la crise dans sa dimension financière, administrative, et se garde bien d’approcher la dimension politique de celle-ci. Une dimension politique voire sécuritaire que représente l’existence d’une milice armée jusqu’aux dents qu’est le Hezbollah, bras armé au Liban du corps d’élite iranien, les Gardiens de la révolution. Tout en se félicitant d’avoir pu pousser à la formation d’un gouvernement au Liban, après treize mois de vacance au niveau de l’exécutif, le président Macron se contente de mettre l’accent sur la dimension socio-économique de la crise libanaise, sans se soucier de la dimension portant atteinte aux fondements de la souveraineté de l’État libanais.
Il oublie le danger permanent que représente la milice pro-iranienne en tant que formation militaire et sécuritaire agissant en marge des lois, et allant même jusqu’à imposer sa mainmise sur les différents organismes et administrations de l’État libanais. Face à ce fait accompli, la classe politique oppose un silence presque total, ne se souciant que de préserver ses privilèges au sein de la machine du pouvoir usé acquis au fils des années. La classe politique libanaise a su cohabiter confortablement avec le Hezbollah, de quoi risquer de mettre en péril tout programme de réforme indispensable pour le sauvetage du pays du Cèdre.
En réalité, le Liban est sous occupation iranienne indirecte. Une des dernières preuves en date que le Hezbollah règne en maître sont les menaces qu’il profère à l’encontre du juge qui instruit l’affaire de l’explosion du port, et sa capacité à bloquer la justice sans se soucier de l’opinion publique qui crie son désarroi haut et fort. Doit-on rappeler le chapitre du fioul iranien distribué un peu partout au Liban indépendamment des autorités officielles, sous la protection armée de la milice pro-iranienne? Les exemples ne manquent pas.
Dans ce contexte, une question s’impose: comment sauver un pays sans prendre en compte le fait qu’il subit l’occupation d’une milice de mèche avec une classe politique corrompue et kleptocrate?
Comment la France entend-elle sauver le Liban comme elle le prétend, en donnant à l’occupation iranienne de facto du Liban, une légitimité internationale par le biais d’un gouvernement qui représente la sacro-sainte alliance des corrompus avec les instruments de cette occupation?
La crise libanaise ne se limite pas aux seuls paramètres financiers et économiques. Elle est le fruit d’une équation bien plus complexe dont le Hezbollah en constitue un facteur clé.
Paris ferait mieux de ne pas cautionner la mainmise du Hezbollah, ni cette occupation iranienne par milices interposées.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.