Il y a quelques semaines, en marge de l'Assemblée générale virtuelle des Nations unies, j'ai dressé une courte liste de ces agences onusiennes méconnues et de leurs redoutables dirigeants qui ont fait un si bon travail à travers le monde. Ces derniers sont souvent méconnus, car ce sont surtout les questions politiques auxquelles l’ONU a dû faire face qui ont mobilisé l’attention. J’ai donc été très heureux que le prix Nobel de la paix de cette année soit attribué à l’un d’entre eux, le Programme alimentaire mondial (PAM).
Le succès du PAM doit beaucoup à son leadership, notamment parce qu’il a veillé à ce que les États-Unis, son principal bailleur de fonds, ne l’abandonnent pas en 2017, à un moment où la Maison Blanche contestait de nombreuses agences multilatérales.
L’ampleur du travail de cette organisation est vraiment impressionnante. Fondé en 1961, le PAM a joué un rôle vital pour le monde depuis près de soixante ans. En 2019, il a soutenu 97 millions de personnes dans 88 pays, fournissant 15 milliards de rations alimentaires. Le travail accompli par ses 17 000 employés est allé bien au-delà de simples secours d'urgence; il a conduit à des programmes durables à long terme qui ont contribué à la réparation et au redressement.
Le succès du PAM doit beaucoup à son leadership, notamment parce qu’il a veillé à ce que les États-Unis, son principal bailleur de fonds, ne l’abandonnent pas en 2017, à un moment où la Maison Blanche contestait de nombreuses agences multilatérales.
Le directeur exécutif, David Beasley, ne fait pas de quartier: il expose à Washington l'impossibilité de faire face à une crise humanitaire mondiale qui s'aggrave face à des troubles croissants si les États-Unis réduisent leur soutien massif. Mais il n'a pas non plus hésité à être honnête au sujet des lacunes de l'ONU. Les qualités de cet ancien gouverneur de confiance de Caroline du Sud conjuguées à celles de l’élément PAM de l’ONU forment une association remarquable qui donne une leçon de ce qui peut être accompli lorsqu’on travaille ensemble.
N'importe qui pourrait remplir une colonne, et plus encore, avec un flux de statistiques du PAM, mais je doute que Beasley et son équipe s'en réjouiraient. Bien que cela constitue une louange et un soutien pour eux, ce n'est pas un éloge pour un monde complaisant. Pourquoi le PAM est-il là? Pourquoi a-t-il été honoré et qu'est-ce qui en a fait une organisation hors concours?
Quand j’étais enfant, je collectionnais les timbres et je me souviens encore des images roses de 1963, «Freedom from Hunger», avec un logo qui représentait des familles et des tiges de blé. Ces timbres soutenaient une campagne mondiale qui visait, dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, à défendre un ordre international déterminé à utiliser la paix retrouvée pour mettre fin à la pauvreté et à la faim dans le monde. Je me rappelle les efforts entrepris pour faire face principalement aux sécheresses, aux famines et aux catastrophes naturelles – l'humanité intervenant pour combattre la nature, qui ne pouvait être tenue pour responsable de la puissance qu'elle dégageait ou de ses conséquences.
Ce n'est plus le cas. Pardonnez-moi ces quelques statistiques supplémentaires. Les deux tiers des activités du PAM se déroulent désormais dans les zones de conflit. Quelque 74 millions de personnes confrontées à une faim aiguë vivent dans 21 pays touchés par les conflits et par l'insécurité, 80 % de leurs enfants étant menacés de retard de croissance du fait de la malnutrition. Ce ne sont pas des personnes confrontées à la colère d'un environnement déchaînant ses forces, mais des familles dont la vie vaudrait la peine d'être vécue si d’autres n’avaient délibérément transformé leur monde en enfer.
C'est encore bien pire. Les conflits constituent un élément de l’histoire de l’humanité depuis des siècles. Pratiquement aucun État n'a les mains propres, de sorte que personne ne peut prêcher avec piété, et certainement pas un ancien ministre du gouvernement britannique. Mais nous pouvons au moins tirer des leçons de l’expérience et chercher de meilleurs moyens. Pourquoi certains conflits ont-ils recommencé à utiliser la famine comme arme de guerre, exigeant que la résolution 2417 du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) soit promulguée en 2018 afin de veiller à ce que les parties en guerre offrent le strict minimum d'humanité à ceux qui se trouvent dans les zones sous leur contrôle?
Imaginez si toutes ces ressources avaient été consacrées au développement, à l’amélioration de la nutrition et au fait d’aider ceux qui, dans les situations d’urgence, n’ont pu bénéficier d’aucun secours humain.
Le PAM a reçu le prix Nobel de la paix pour les deux tiers de son travail, et cela n'aurait pas dû être le cas. Il a atteint les lieux les plus difficiles, plaidant pour ceux qu'il aime, négociant pour eux et perdant des héros qu'il n’aurait pas dû perdre. Sa citation faisait référence à sa «contribution à l'amélioration des conditions de paix dans les zones touchées par le conflit et agissant en tant que force motrice dans les efforts visant à empêcher l'utilisation de la faim comme arme de guerre».
Imaginez si toutes ces ressources avaient été consacrées au développement, à l’amélioration de la nutrition et au fait d’aider ceux qui, dans les situations d’urgence, n’ont pu bénéficier d’aucun secours humain.
La durée des conflits, de la Syrie et du Yémen jusqu’à la Libye et au Sahel, incite le CSNU et les États membres ayant l'influence requise à relever le défi actuellement relevé par le PAM. Beaucoup d'entre nous savent à quel point c'est difficile – il n'y a pas de solutions miracles, et il y a beaucoup de gens qui essaient.
Mais ce prix doit nous faire réfléchir, et nous faire redoubler d’efforts. Faisons en sorte que ce soit la dernière fois qu'une agence des Nations unies remporte le prix Nobel de la paix en faisant un travail qu'elle ne devrait pas faire.
Alistair Burt est un ancien membre du Parlement britannique, qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth – en tant que sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013, et en tant que ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.
Twitter: @AlistairBurtUK
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com