Beaucoup de chancelleries dans le monde se sont inquiétées de la montée des forces politiques d’extrême droite et d’extrême gauche en France à l’occasion de l’élection présidentielle. En Europe bien sûr, mais aussi dans le monde arabe, en Afrique et dans les grandes capitales mondiales, à Washington, à Londres ou à Pékin. Après une succession de crises sociales, la France allait-elle confirmer sa fragilité et ses divisions ?
Aussi bien peut-on mesurer le soulagement provoqué par la très brillante réélection d’Emmanuel Macron, le président le mieux réélu de la Ve République, même si la déroute des partis traditionnels de droite et de gauche et les scores élevés des extrêmes ne laissent pas d’inquiéter quelque peu.
Avec le même président, la France aura-t-elle la même politique étrangère ? Ce n’est pas si sûr, d’abord parce que le monde change à une vitesse accélérée, et aussi parce que, n’étant désormais plus rééligible, la Constitution n’ouvrant pas la possibilité d’un troisième mandat, le président aura les mains plus libres pour aller plus vite et plus loin en vue de rétablir l’autorité et l’influence françaises affaiblies depuis le tournant des années 2000.On peut mesurer le soulagement provoqué par la très brillante réélection de Macron, le président le mieux réélu de la Ve République, même si la déroute des partis traditionnels de droite et de gauche et les scores élevés des extrêmes ne laissent pas d’inquiéter quelque peu.
On peut mesurer le soulagement provoqué par la très brillante réélection de Macron, le président le mieux réélu de la Ve République, même si la déroute des partis traditionnels de droite et de gauche et les scores élevés des extrêmes ne laissent pas d’inquiéter quelque peu.
Hervé de Charette
Il faut d’abord s’attendre qu’Emmanuel Macron poursuive et sans doute approfondisse sa démarche européenne. Sur notre continent, son leadership est désormais incontesté et son partenariat avec le chancelier allemand bien établi. Certes, comme toujours dans l’Union européenne, il y aura des débats ardus, par exemple avec la Pologne et la Hongrie. La diversité des intérêts en Europe est difficile à gérer. Paris et Berlin, dont l’entente est indispensable, devront veiller à construire les compromis nécessaires pour répondre aux attentes des 27.
D’ores et déjà, le président français a mis sur la table la proposition d’«une communauté politique européenne» pour accueillir les pays européens des Balkans qui veulent s’arrimer à l’UE mais ne sont pas encore en situation d’y adhérer. C’est un projet très important qu’il aura à cœur de faire aboutir malgré les réticences déjà annoncées.
Mais ce qui change tout, c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la guerre qui s’est installée. Qu’on le veuille ou non, c’est une rupture profonde et durable entre les Européens et la Russie d’aujourd’hui. L’agression russe met directement en cause l’avenir de l’Europe. Une défaite ukrainienne ne saurait être envisageable sans péril pour notre continent. Il faut donc stopper l’aventurisme de Vladimir Poutine.
C’est dans ses circonstances que se pose en termes concrets la question de «l’autonomie stratégique européenne» suggérée par Emmanuel Macron. Il faut donc s’attendre que, dans les mois qui viennent, le président français soit conduit à faire des propositions à ce sujet, qu’il s’agisse d’un État-Major européen pour coordonner l’action des pays membres dans l’affaire ukrainienne, ou à tout le moins des changements significatifs des pratiques de l’Otan, faute de quoi la guerre en Ukraine deviendra, ce qu’elle tend déjà à devenir aujourd’hui, une affaire purement américano-russe, ce qui serait très contraire aux intérêts de l’Europe.
Pour la France enfin, mais aussi pour tous les Européens, c’est le moment d’affirmer que l’avenir des relations internationales n’est pas dans l’affrontement des nations ou, pire, la confrontation des blocs, comme on l’a vécu au XIXe et au XXe siècles, et qui ont provoqué tant de malheurs.
Hervé de Charette
Dans notre environnement proche, il y a le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Afrique. Les problèmes y sont nombreux. Les positions françaises ne sont pas faciles à défendre. En particulier nos engagements militaires en Afrique de l’Ouest n’ont pas donné les résultats escomptés. Il faut les raréfier. Mais dans cet ensemble complexe, le président a noué depuis cinq ans de nombreux contacts. Il a commencé de construire des réseaux d’influence qui doivent beaucoup à la force de sa personnalité. Notre diplomatie devra y consacrer beaucoup d’efforts pour rétablir la considération et l’écoute qu’y avait la France il y a maintenant plus de vingt ans.
Il y a la guerre en Europe, mais il y a aussi le conflit entre la Chine et les États-Unis qui se profile à l’horizon avec une netteté et une ampleur croissantes. On peut penser que le président français fera tout ce qui est possible pour que l’Europe ne soit pas entraînée dans ce maelström, mais qu’elle constitue au contraire une force d’équilibre ayant l’autorité nécessaire pour peser sur le cours des événements, conformément à sa vision et à ses intérêts.
Pour la France enfin, mais aussi pour tous les Européens, c’est le moment d’affirmer que l’avenir des relations internationales n’est pas dans l’affrontement des nations ou, pire, la confrontation des blocs, comme on l’a vécu au XIXe et au XXe siècles, et qui ont provoqué tant de malheurs. Les vrais problèmes qui se posent désormais, et desquels dépendent le sort et la prospérité des peuples, ne sont pas à l’échelle des nations ni même des groupes de nations. Ils sont à l’échelle de la planète.
Ainsi en va-t-il, entre autres, du climat, de la santé, de la sécurité alimentaire et du développement. Ces sujets devraient prendre une place beaucoup plus grande dans la politique étrangère française des années à venir, à charge pour notre diplomatie d’être moins bilatérale, moins traditionnelle peut-être, en tout cas plus multilatérale. Dans cette voie, beaucoup de pays peuvent se reconnaître et pourraient voir de façon positive la France y développer ses initiatives, son influence et son rayonnement. On peut être certain que le président réélu va s’y engager.
Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire.
Twitter: @HdeCharette
NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.