Plus de deux ans après la survenue de la pandémie, le Forum économique mondial est enfin de retour à Davos, où il a débuté dimanche, mais avec un revirement important.
Cette année, les représentants de l'événement qui aura lieu en présentiel devront se munir de sandales plutôt que de chaussures de ski, puisque la station suisse accueille une version printanière et plus chaude de ce forum emblématique du réseautage.
Pourtant, bien que le choix du timing soit nouveau, une grande partie de la tradition de Davos perdurera dans ce qui devrait être la première occasion mondiale pour les dirigeants d'entreprises, de gouvernements et de la société civile de se réunir à nouveau et de mettre en place un programme de redressement durable dans le monde post-pandémique.
Parmi les invités vedettes de cette année – qui comptent environ 50 chefs d'État ou de gouvernement – figure le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui prononcera un discours lundi par visioconférence. Son message portera principalement sur la reconstruction de son pays après la guerre, qui nécessitera sans doute des centaines de milliards de dollars. Le WEF a en effet gelé toutes ses relations avec la Russie depuis que la guerre a commencé.
Le WEF respectera également la tradition en 2022 en s'attaquant aux principaux problèmes de la société. L'un des grands thèmes de l'événement cette année s'intitule «travailler ensemble, restaurer la confiance». Certains critiques trouvent ironique que ce que l'on considère parfois comme un club exclusif pour l'élite mondiale se concentre sur l'intégration et la confiance.
Toutefois, il est indispensable que le monde se penche sur ce sujet. La confiance est en déclin dans une grande partie du monde et, après des décennies de progrès dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités de revenus, la pandémie a entraîné la première augmentation de l'extrême pauvreté depuis toute une génération.
Certes, les gouvernements ont mis en place, ces deux dernières années, des programmes de dépenses sociales parmi les plus importants jamais connus. Mais l'inégalité des vaccins et l'inflation – notamment la hausse des prix des denrées alimentaires et du coût de l'énergie – menacent de creuser les écarts.
Cela est d'autant plus vrai, comme l'a souligné le Forum économique mondial cette semaine, puisque les perspectives de croissance mondiale sont loin d'être prometteuses. Alors que les pays assouplissent les restrictions de voyage, les fermetures en Chine – réponse de Pékin à la propagation du variant Omicron – aggravent les perturbations de la chaîne d'approvisionnement mondiale.
Ainsi, pour assurer une véritable reprise, nous devons stabiliser les économies, mais aussi veiller à ce qu'elles soient plus résilientes et plus justes, en assurant la mobilité sociale, l'emploi et des opportunités équitables pour tous, surtout que nous évoluons dans un monde où la méfiance s'accroît et la désinformation se répand.
Alors que les pays assouplissent les restrictions de voyage, les fermetures en Chine – réponse de Pékin à la propagation du variant Omicron – aggravent les perturbations de la chaîne d'approvisionnement mondiale.
Andrew Hammond
Comme la pandémie semble s'être calmée dans la plupart des pays développés, le moment est peut-être venu de relancer le débat en 2022.
Par conséquent, le WEF cherche à renouveler la coopération mondiale et la prospérité partagée. Parmi les initiatives spécifiques qui seront discutées dans les prochains jours en Suisse figurent la lutte contre les pandémies, la lutte contre le changement climatique, l'avenir du travail, l'accélération du capitalisme des parties prenantes et l'exploitation des nouvelles technologies.
Rétablir la confiance n'est pas uniquement un objectif à atteindre; c'est aussi ce qui permettra de reconstruire les systèmes sociaux et économiques du monde, à travers des solutions justes, durables et prévoyantes.
Depuis des années, voire des décennies, dans certains pays, les enquêtes d'opinion mettent en évidence l'érosion de la confiance dans de nombreuses institutions d'élite. Par ailleurs, la réputation d'un certain nombre de gouvernements a été davantage ternie par ce que l’on perçoit comme une mauvaise gestion de la pandémie.
Cependant, alors que la confiance des élites continue de s'affaiblir, certaines enquêtes indiquent un redressement de la perception des entreprises. Cette tendance potentielle est intéressante dans la mesure où le phénomène inverse, c'est-à-dire la perte de confiance dans les entreprises, a été l'un des principaux héritages de la crise financière mondiale de 2007-2008.
Cette marée montante de méfiance a particulièrement réduit la confiance des parties prenantes à l'égard de ce que de nombreuses entreprises disent et font. Cela a posé de nouveaux défis aux entreprises qui cherchent de nouvelles façons de rétablir le contact avec le public.
Depuis lors, de nombreuses entreprises ont cherché à rétablir la confiance en ayant recours à des techniques éprouvées, comme la création de nouveaux emplois de qualité. De plus, outre ces techniques, plusieurs sociétés ont adopté de nouvelles idées pour restaurer leur crédibilité, et cela pourrait à présent porter ses fruits auprès de l’opinion publique.
L'un des exemples repose sur le paradoxe suivant: bien que la méfiance à l'égard des entreprises ait augmenté, nombreuses sont les personnes qui s'attendent à ce que le secteur privé joue un rôle plus important dans la société. Cela implique notamment une contribution à la résolution des grands défis, allant du changement climatique à l'inégalité économique croissante.
Certes, les entreprises font depuis longtemps preuve de responsabilité sociale à travers la mise en place de programmes philanthropiques, à titre d'exemple. Cependant, elles reconnaissent aujourd'hui qu'il est important de contribuer à l'amélioration de la situation à long terme, en prenant part à des engagements dans divers domaines, y compris la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la justice sociale.
Alors que nous nous lançons dans la prochaine phase de reprise, le WEF affirme qu'il est important de mettre en œuvre le «capitalisme des parties prenantes» pour que la prospérité touche non seulement les actionnaires, mais aussi les employés, les clients, les fournisseurs et les communautés locales.
L'innovation dont font preuve de nombreuses entreprises en renouant ainsi avec la société peut être source d'inspiration pour les autres. La meilleure façon de relever les défis auxquels le monde est confronté au lendemain de la pandémie consiste à renforcer la confiance et la coopération entre les secteurs privé, public et tertiaire dans le cadre d'un effort de redressement massif et intégré.
Andrew Hammond est un associé LSE IDEAS à l’École d'économie et de sciences politiques de Londres.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arbanews.com