L’incertitude continue de planer sur la guerre en Ukraine. Certes, des revendications et des attentes légitimes peuvent découler d’un différend bilatéral, mais cela ne justifie pas la mort de dizaines de milliers d’êtres humains ou les dommages colossaux infligés aux infrastructures.
Certains signes montrent que des acteurs subordonnés travaillent dur pour trouver une solution négociée au conflit. L’échec de la Russie à atteindre ses objectifs militaires initiaux l’a poussée à vouloir prouver qu’elle est toujours capable de causer des dommages considérables à l’Ukraine.
Les Russes et les Ukrainiens forment une société si entremêlée – des deux côtés de leur frontière commune – qu’ils peuvent être considérés comme les deux moitiés d’une même pomme. Il y aurait des centaines de milliers de familles mixtes. De nombreux Russes pensent que leur pays a dépassé les bornes, comme la journaliste Marina Ovsiannikova, qui, lors d’une émission en direct, a brandi une pancarte sur laquelle on pouvait lire «Non à la guerre». Par ailleurs, certains Ukrainiens pensent que la Russie n’aurait pas dû être provoquée à ce point.
Malheureusement, quelques pays parmi les membres de l’Otan ne se soucient guère de mettre rapidement fin aux hostilités. Ils semblent plus intéressés à affaiblir la Russie et à la harceler. En d’autres termes, ils jettent des civils ukrainiens en pâture au lion. Affaiblir un pays que vous considérez comme un adversaire peut être justifié, mais le faire aux dépens d’Ukrainiens innocents est une attitude moralement discutable.
La liste des sujets difficiles à résoudre dans le cadre de la crise ukrainienne est longue, mais cinq d’entre eux sont particulièrement importants: le statut de la Crimée, le Donbass et les États autoproclamés de Donetsk et de Lougansk, le massacre de Boutcha, les affrontements à Marioupol et un statut de neutralité internationalement garanti pour l’Ukraine. Si ces problèmes ne sont pas résolus, les deux pays continueront de saigner à blanc.
Il faudrait prendre du recul par rapport aux deux premiers enjeux et s’y intéresser de nouveau lorsque les conditions seront plus favorables, après la mise en place d’un cessez-le-feu. Les images horribles qui proviennent de Boutcha, à la périphérie de Kiev, montrent environ cinq cents cadavres dont certains ont les mains attachées dans le dos. Les efforts de médiation ne sont pas entièrement terminés, mais de tels massacres ont rendu les initiatives de paix plus difficiles. Par ailleurs, la Russie tente d’ouvrir un couloir entre Marioupol et la Crimée.
Pour la Russie, le plus important est d’empêcher l’Ukraine de devenir membre de l’Otan.
Yasar Yakis
En raison du veto posé par Moscou au Conseil de sécurité de l’ONU, la seule résolution relative à l’invasion russe a été adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU. Les Nations unies ont voté pour condamner l’agression de la Russie contre l’Ukraine par 141 voix contre 5, avec 35 abstentions. Le Kremlin a du mal à prendre du recul, mais il devrait tirer les bonnes conclusions de ce vote écrasant.
Pour la Russie, le plus important est d’empêcher l’Ukraine de devenir membre de l’Otan. L’idée de côtoyer un pays doté d’une armée puissante qui pourrait lui causer des problèmes avec le soutien de cette organisation a toujours représenté pour Moscou un motif d’inquiétude. À son tour, l’Ukraine ne veut pas devenir un pays que la Russie peut réprimander quand bon lui semble: cela va à l’encontre du principe de pays souverain. Les négociateurs tentent de trouver une formule magique qui répondrait aux attentes des deux parties.
Un accord tacite semble avoir été conclu: l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan n’est pas envisageable dans un avenir proche. Une position plus réaliste serait actuellement d’en garantir la neutralité sur le plan international.
L’Ukraine a proposé que les pays garants soient les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, en plus de la Turquie et de l’Allemagne. La Biélorussie a également été mentionnée. L’Ukraine propose par ailleurs un corollaire de la procédure prévue dans l’article 5 de la charte de l’Otan. Selon cette procédure, les pays membres considèrent toute attaque contre un pays de l’organisation comme une agression dirigée contre leur propre pays. Une telle proposition n’est pas rationnelle dans la mesure où la présence de la Russie parmi les garants pourrait poser problème.
Ankara mène actuellement des consultations sur un cadre alternatif pour l’équipe des pays garants, qui pourrait être composée du P5 (moins la Russie), de la Turquie et de l’Allemagne. Ce cadre propose que ces pays agissent à l’unanimité pour contrer toute violation de la neutralité de l’Ukraine.
De nombreux pays désirent apporter leur contribution pour résoudre cette crise, mais sans se brûler les doigts. Ils hésitent à se porter garants, puisqu’ils ne veulent pas faire face à l’hostilité russe dans l’hypothèse où de nouveaux affrontements opposeraient les deux pays.
Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et il est membre fondateur du parti AKP, au pouvoir.
Twitter: @yakis_yasar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com