PARIS: Emmanuel Macron et Marine Le Pen, interpellés à plusieurs reprises durant l'entre-deux-tours sur l'interdiction du voile promise par la candidate RN, assument leurs divergences sur ce thème controversé qui s'invite à nouveau dans le débat.
Après le président sortant lors d'un bain de foule à Strasbourg mardi, c'est la candidate RN qui vendredi sur un marché de Pertuis (Vaucluse) a fait face à une femme voilée contestant son projet d'interdiction du voile dans l'espace public.
Le sujet permet de souligner pour l'un son attachement strict à la laïcité dans l'esprit de la loi de 1905, pour l'autre la lutte contre l'islamisme.
Mais les deux prétendants à l'Elysée jouent aussi les équilibristes.
Dans la capitale alsacienne, M. Macron, interpellé sur son « féminisme » par une jeune femme voilée, a jugé « beau » que son interlocutrice qui déclare porter ce signe religieux « par choix », puisse lui poser une telle question.
« C'est la meilleure réponse à toutes les bêtises que je peux entendre », a souligné le candidat, taclant au passage Marine Le Pen.
Deux jours plus tard au Havre, il faisait mine d'interroger: « il n'y a aucun pays au monde qui interdit le voile sur la voie publique, vous voulez être le premier? »
Un clin d'oeil à l'électorat musulman qui a largement voté en faveur de Jean-Luc Mélenchon au premier tour (69%) selon un sondage Ifop pour La Croix?
La grande mosquée de Paris (GMP) et le Rassemblement des musulmans de France (RMF) ont appelé à voter vendredi pour Emmanuel Macron au second tour.
« Des forces malveillantes s'expriment aujourd'hui et appellent au bannissement des musulmans », écrit le recteur de la GMP (proche de l'Algérie), Chems-Eddine Hafiz. « Votons Emmanuel Macron », ajoute-t-il. « Votons pour que l'esprit du juste milieu l'emporte sur les extrêmes ».
Pour le RMF (proche du Maroc), présidé par Anouar Kbibech, « seul le vote pour Emmanuel Macron permet à notre pays de préserver les principes républicains et de consolider les valeurs d'ouverture, de tolérance et de solidarité qui l'ont toujours animé ».
M. Macron se pose en champion de la défense de toutes les libertés religieuses: « si la candidate d'extrême droite Marine Le Pen interdit le voile, de par notre Constitution, elle va devoir interdire la kippa, elle va devoir interdire la croix, elle va devoir interdire les autres signes religieux ».
Mais le candidat cherche également à solder les critiques provoquées par sa loi dite de « lutte contre le séparatisme » accusée d'avoir alimenté la défiance à l'égard de l'islam, ce dont la majorité s'est toujours défendue.
« Erreur »
C'est justement au moment des débats autour de cette loi que Marine Le Pen avait proposé une kyrielle de mesures « visant à combattre les idéologies islamistes », parmi lesquelles l'interdiction du voile reprise dans son programme présidentiel.
Marine Le Pen propose de sanctionner d'une amende le port du voile dans l'espace public qu'elle assimile à un « uniforme » islamiste.
« Les femmes qui ne le portent pas sont isolées, victimes de pression, insultées », égrène la candidate RN.
Confrontée à une femme voilée dans le Vaucluse, elle est restée droite dans ses bottes sans cependant vouloir trop prolonger l'échange.
« L'interdiction du voile est essentielle », a-t-elle mis en avant vendredi sur BFMTV, rétro-pédalant sur des propos tenus quelques secondes plus tôt où elle affirmait qu'il n'était pas « l'élément le plus fondamental, urgent » de sa proposition de loi.
Dans son propre camp, la mesure ne fait pas l'unanimité. « C'est une erreur » et « pas possible à mettre en oeuvre », a glissé Robert Ménard, maire de Béziers et soutien de Mme Le Pen.
Nourrie par les critiques du camp Macron, l'émergence de cette thématique la renvoie au volet identitaire de son projet présidentiel susceptible de la rendre plus clivante aux yeux des abstentionnistes ou d'une partie des électeurs de Jean-Luc Mélenchon dont elle guigne les suffrages pour l'emporter au second tour.
Polémique autour du port du voile par une étudiante à l'Assemblée nationale, également dans les compétitions sportives, ou volonté de l'interdire pour les jeunes filles: le quinquennat n'a pas été avare en controverses autour de ce signe religieux qui creuse de profondes fractures en France depuis l'affaire de Creil (Oise) en 1989 où trois adolescentes avaient été exclues d'un collège pour port du voile.