La Turquie et l’Égypte: vers une normalisation tant attendue des relations?

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi. (Reuters)
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi. (Reuters)
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Publié le Vendredi 15 avril 2022

La Turquie et l’Égypte: vers une normalisation tant attendue des relations?

La Turquie et l’Égypte: vers une normalisation tant attendue des relations?
  • L’année dernière, la Turquie a pris tardivement conscience du fait que couper les ponts avec l’Égypte avait des effets néfastes sur ses intérêts nationaux
  • Visiblement, le gouvernement égyptien n’était pas entièrement satisfait de l’attitude de la Turquie envers la question des Frères musulmans

Une nouvelle étape à demi concrète a été franchie dans le but d’améliorer les relations turco-égyptiennes, puisque la Turquie a décidé de nommer un haut diplomate en Égypte. Salih Mutlu Sen était auparavant le représentant permanent d’Ankara auprès de l’Organisation de la coopération islamique.

Deux détails méritent d’être mentionnés. D’abord, la nouvelle de la nomination n’est venue ni de Turquie ni d’Égypte, mais d’un média du Royaume-Uni. Ensuite, l’ambassadeur a été nommé chargé d'affaires, contrairement à la pratique courante. Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré: «Le mandat de l’actuel chargé d’affaires au Caire a pris fin. Il sera désormais remplacé par un nouveau.» Les autorités égyptiennes n’ont fait aucun commentaire à ce sujet.

Il y a neuf ans, lorsque les autorités des deux pays ont retiré leurs ambassadeurs respectifs, la représentation a été abaissée au titre de chargé d’affaires. La Turquie a également eu recours à cette pratique dans ses relations avec Israël. En l’occurrence, Ankara avait l’habitude d’envoyer un ambassadeur à Tel-Aviv et de l’appeler «chargé d'affaires».

Il est possible qu’une situation similaire soit en train de voir le jour en Égypte. Il semblerait que les deux pays n’aient toujours pas décidé de rétablir les relations au niveau des ambassadeurs. L’Égypte peut choisir de tout faire selon les accords; cela sera donc inscrit dans les documents d’archives. Ou peut-être n’est-elle pas encore prête à élever la représentation au niveau des ambassadeurs. En d’autres termes, elle risque de tergiverser en attendant de voir si la Turquie remplit certaines conditions supplémentaires.
La principale raison du retrait des ambassadeurs était la réaction disproportionnée de la Turquie face à la destitution, en 2013, du gouvernement égyptien dirigé par Mohamed Morsi, par le général Abdel Fattah al-Sissi. Cette réaction si vive d’Ankara s’explique par les affinités idéologiques entre le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, et le mouvement des Frères musulmans. L’opposition d’Ankara à la destitution de Morsi était compréhensible. Cependant, la pratique internationale veut que les pays commencent à reconnaître le nouveau gouvernement et à établir des relations avec lui, une fois la loi et l’ordre restaurés, puisqu’il ne devrait pas rester indéfiniment mis à l’écart.

L’année dernière, la Turquie a pris tardivement conscience du fait que couper les ponts avec l’Égypte avait des effets néfastes sur ses intérêts nationaux. Elle a donc pris des initiatives pour tenter de réparer les pots cassés. Cette fois, l’Égypte a imposé des conditions. Le pays a demandé au gouvernement turc de contrôler les activités des membres des Frères musulmans qui opéraient en Turquie. Pour répondre aux exigences égyptiennes, Ankara a demandé aux militants des Frères musulmans de ne pas diffuser d’émissions télévisées qui critiquaient le gouvernement d’Abdel Fattah al-Sissi et de les remplacer par des programmes culturels et sociaux. Le Caire a prié la Turquie d’extrader ces militants vers l’Égypte, mais ils ont finalement été transférés vers des pays tiers.

Visiblement, le gouvernement égyptien n’était pas entièrement satisfait de l’attitude de la Turquie envers la question des Frères musulmans, comme le montre la lenteur du dégel des relations entre les deux pays.

Les relations turco-égyptiennes continueront de progresser, mais il reste des obstacles à surmonter.

Yasar Yakis

Lorsque le processus de réconciliation a été initié, des combats ont éclaté en Libye. Cette crise a propulsé la Turquie et l’Égypte dans des camps opposés. Bien que le gouvernement d’unité nationale, formé au mois de mars 2021, ait apaisé les tensions entre les gouvernements de Tripoli et de Tobrouk, la Turquie et l’Égypte ne sont toujours pas d’accord au sujet du conflit libyen.

Lorsque l’initiative de réconciliation entre la Turquie et l’Égypte a été entamée, l’année dernière, Cavusoglu a déclaré qu’Ankara ferait des gestes de bonne volonté envers l’Égypte au sein de l’Otan. Il s’est avéré, plus tard, qu’il s’agissait avant tout de la levée du veto de la Turquie qui empêche l’Égypte de former un partenariat avec l’alliance en Méditerranée orientale.

Les médias turcs ont diffusé la semaine dernière des informations en provenance de Russie sur une éventuelle coopération dans le domaine du tourisme. Comme la Turquie ne s’est pas jointe aux pays de l’Otan et de l’Union européenne pour imposer des sanctions économiques à la Russie après que cette dernière a envahi l’Ukraine, les touristes russes pourraient prolonger leurs voyages de la Turquie vers l’Égypte.

Les relations turco-égyptiennes continueront de progresser, mais il reste des obstacles à surmonter.

Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et membre fondateur du parti AKP, au pouvoir.
Twitter: @yakis_yasar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com