L'élection présidentielle française, qui aura lieu le 10 avril prochain, sera incontestablement un événement de grande ampleur en raison de son contexte local et international, de ses figures politiques et de ses enjeux électoraux. L'une des premières caractéristiques de cette élection est la consécration de la fin de la division binaire du champ politique entre la droite libérale et la gauche socialiste.
Cette tendance était déjà perceptible en 2017 avec le naufrage du Parti socialiste français et la déroute du candidat de la droite. La victoire de l'actuel président, Emmanuel Macron, était une illustration parfaite du choc brutal qui a secoué la scène politique française. Le jeune président a en effet réussi à brouiller les pistes en cherchant à transcender le vieux clivage droite-gauche, en déplaçant la ligne de fracture politique de la dichotomie libérale gauchiste au profit d'une nouvelle configuration idéologique axée sur la dualité du conservatisme et du progressisme.
Certes, il y a une nouvelle figure en vogue, le chroniqueur et polémiste Éric Zemmour, qui dispute à Marine Le Pen les voix de l'extrême droite, mais les données concrètes du terrain attestent qu'il est déjà en perte de vitesse et ses chances pour accéder au second tour sont minimes; il serait même devancé par Mélenchon dans la course présidentielle.
Pierre Rosanvallon a remarqué à juste titre que l'actuelle élection a un «côté crépusculaire», car elle se joue dans une conjoncture de dernier combat pour les figures les plus en vue de la compétition.
La candidate de l'extrême droite, Marine Le Pen, pressentie au second tour face au président sortant, Macron, en est à sa troisième candidature présidentielle. Le candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, mène vraisemblablement sa dernière bataille électorale. Macron cherche à réussir ce que ces deux prédécesseurs ont échoué à accomplir, c'est-à-dire se faire élire pour un second mandat.
Certes, il y a une nouvelle figure en vogue, le chroniqueur et polémiste Éric Zemmour, qui dispute à Marine Le Pen les voix de l'extrême droite, mais les données concrètes du terrain attestent qu'il est déjà en perte de vitesse et ses chances pour accéder au second tour sont minimes; il serait même devancé par Mélenchon dans la course présidentielle.
Il y a donc lieu de se concentrer sur les trois acteurs principaux de l'échiquier électoral français pour appréhender les enjeux politiques cruciaux liés à la prochaine échéance.
Quant à Mélenchon, il est le représentant de la nouvelle gauche née des cendres de la social-démocratie en déconfiture. Le mouvement La France insoumise, fondé en 2016, incarne le tournant écologique et populiste de la gauche française, en rupture avec l'ancrage libéral du parti socialiste entamé dès l'ère Mitterrand. Mélenchon épouse sans nuances les idées du populisme de gauche dans sa conception des luttes d'hégémonie sociale et de l'action collective multidimensionnelle (l'intersectionnalité). Il se présente comme le candidat des minorités opprimées ou désavantagées, le chantre de la justice sociale.
La nouvelle donne va sûrement façonner l'avenir politique de la France dans les prochaines années.
En revanche, le discours de Marine Le Pen a subi une lente et partielle transformation qui, tout en le banalisant, l'a rendu plus audible pour de larges franges de la société, au-delà des frontières exiguës de la droite conservatrice et ultranationaliste. Par ce glissement graduel, Marine Le Pen revêt pour la première fois l'étoffe d'une présidentiable. L'éventualité de son élection – plausible, bien qu'elle ne soit ni évidente ni même probable – traduit un changement substantiel dans la vie politique française.
Quant au président sortant, Macron, il a amorcé, dès sa première campagne présidentielle de 2017, une synthèse harmonieuse entre le libéralisme et le souverainisme et il a fini par être, selon l'expression de Rosanvallon, «la figure centrale de la droite française». Macron a cherché ainsi à renouer avec le projet de l'ancien président français Giscard d'Estaing qui consistait à unifier les différentes sensibilités de la droite française et il s'est mué en «un être hybride, un libéral autoritaire» (Rosanvallon), en rupture radicale avec la tradition républicaine française.
On peut en conclure que la prochaine élection exprimera les mutations profondes qui ont caractérisé la société française contemporaine. Les trois tendances en compétition (le conservatisme ultranationaliste, le populisme de gauche et le libéralisme autoritaire) ont remplacé l'ancienne fracture entre la droite républicaine laïque et la gauche sociale-démocrate, sommées souvent de cohabiter – sans grand dégât – sous le régime de la Ve République.
La nouvelle donne va sûrement façonner l'avenir politique de la France dans les prochaines années.
Seyid Ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l’université de Nouakchott, Mauritanie, et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l’auteur de plusieurs livres de philosophie et pensée politique et stratégique.
TWITTER: @seyidbah
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français